Algérie

Maladie du mildiou et spéculation La pomme de terre refait des siennes



Après une brève période d'accalmie, les prix de la pomme de terre ont entamé en début de semaine une hausse inquiétante au grand dam des consommateurs qui devront s'attendre, désormais, à d'autres fluctuations.  Le prix de la reine des tables, qui avait chuté ces dernières semaines pour frôler la barre des 20 dinars, a subitement grimpé à 40 voire 50 dinars. Et le pire est à venir, selon les connaisseurs du marché qui confient que les prix risquent facilement de dépasser les 80 dinars à l'approche de l'été.  Mais que se passe-t-il vraiment? Qui est derrière ces fluctuations inexplicables des prix de la pomme de terre?  Peut-on justifier une hausse de 100% en l'espace de quelques jours ?  Autant de questions dont seuls les initiés du marché de la pomme de terre détiennent les réponses, mais qui préfèrent les taire. Si l'année dernière le problème résidait dans la pénurie de la semence de pomme de terre, cette fois-ci c'est le «mildiou» qui est pointé d'un doigt accusateur. Le «Mildiou», une affection parasitaire provoquée par un champignon, s'attaque à la partie aérienne de la plante, les feuilles, causant d'importants dégâts et dévastant des centaines d'hectares en l'espace de quelques jours. Cette maladie cryptogamique apparaît sur les végétaux sous forme de taches blanches duveteuses. Le champignon qui touche la pomme de terre sous forme de mycélium est tellement agressif qu'il arrive à détruire les éléments de photosynthèse en un laps de temps relativement court. D'abord des taches huileuses apparaissent sur le feuillage et les tiges de la plante. Ces taches brunissent rapidement avant de faire brûler complètement la plante. Des milliers d'hectares de pomme de terre ont été infectés dans les wilayas d'Aïn Defla, Chlef, Mostaganem, Mascara, Aïn Temouchent et Oran. Dans la seule wilaya de Aïn Defla, considérée comme un vivier de la culture de la pomme de terre, les pertes se chiffrent en milliards de centimes.  On estime la superficie affectée par le mildiou entre 1.200 et 2.000 hectares soit près du tiers de la superficie globale consacrée à la culture de pomme de terre qui est de près 6.000 hectares. Les plaines de Attaf, d'Arib, d'Aïn Sultan, d'Amara et de Rouina connues pour la culture de la pomme de terre ont été dévastées par le mildiou. La wilaya de Chlef a été aussi durement affectée par cette épidémie, puisqu'on estime que la moitié de la superficie consacrée à la pomme de terre est menacée par le champignon. Sur une superficie totale de 1.800 hectares, 1.000 hectares seraient menacés ou déjà affectés. La wilaya de Mostaganem n'a pas été épargnée et dans les plaines intérieures de Boughirat, de Mesra, de Sirat ou de Touahria, les fellahs ne parlent que de l'invasion spectaculaire du mildiou. Cependant, la wilaya de Mostaganem n'a pas enregistré de grands dégâts par rapport à celle de Chlef et de Aïn Defla car 75% des champs étaient plantés par des primaires qui sont arrivés à maturité et de ce fait peuvent être récoltées et écoulées dans les marchés.  Les fellahs qui avaient cultivé des primaires qui peuvent être récoltés à partir du mois de janvier jusqu'à avril ont miraculeusement échappé à cette affection contrairement à ceux qui avaient préféré attendre pour cultiver la pomme de terre de saison qui est récoltée entre le mois de mai et juin.  On devrait ainsi dès maintenant s'attendre à de grosses pertes de la récolte de saison ce qui va se répercuter sur les prix entre les mois de juin et septembre d'autant que la période estivale enregistre une hausse considérable de la consommation de ce légume.  Le scénario se confirme de jour en jour pour la simple raison qu'aucun traitement n'est possible après l'apparition de cette épidémie qui se conserve dans le sol et dans les tubercules infectés sous forme de mycélium toujours prêt à une nouvelle offensive. Comment cette maladie parasitaire dont la prévention ne coûte pas grande chose a réussi à faire tous ces ravages?  On nous dira que toutes les conditions climatiques étaient réunies pour le développement de ce champignon qui a besoin d'un taux d'humidité élevé avec une température ambiante entre 10 et 25° Celsius. Une succession de périodes humides et assez chaudes, à caractère orageux, favorise le développement et la propagation de la maladie. Le champignon n'est détruit que par une sécheresse persistante et des températures avoisinant les 30°C. Ainsi tout était prêt pour la propagation de cette épidémie, pourtant les services concernés par la prévention n'ont pas anticipé pour aviser les fellahs. Bien sûr des bulletins d'alerte ont été émis. Mais ceux-ci sont intervenus trop tard. Maintenant, ils ne serviront strictement à rien car le mal est déjà fait.  Il y a eu un relâchement, confient des spécialistes, de la part des services de la prévention mais aussi des agriculteurs. Le plus pénible dans cette histoire c'est qu'on pouvait éviter ces ravages avec seulement des fongicides homologués «anticryptogamique» dont il existe une dizaine sur le marché. Agrizeb, Antracol 70, Armetil Cuivre ou M, Bouillie Bordelaise...la liste des fongicides destinés à détruire ce champignon est longue. Cependant le mildiou ne peut à lui seul expliquer la hausse vertigineuse des prix en un laps de temps aussi court. Selon des connaisseurs du marché, la cause est également à chercher ailleurs. «Normalement, les prix devaient baisser, considérablement, durant ce mois parce que le mildiou contraint les fellahs à cueillir rapidement leurs récoltes pour les écouler sur les marchés, mais il y a eu l'effet contraire», confie un connaisseur du marché du gros des fruits et légumes. Les spéculateurs sont une nouvelle fois pointés du doigt. Ces derniers auraient profité de l'occasion pour s'accaparer des tonnes de pomme de terre à des prix sacrifiés entre 18 et 24 dinars le kilo pour les stocker dans des chambres froides en attendant la période des grandes vacances. Etant donné que la pomme de terre de saison sera absente cet été, les prix pourront frôler la barre symbolique des 100 dinars le kilo dans les grandes villes du pays comme Alger, Oran ou Annaba qui connaissent une grande affluence de vacanciers. On devra peut être dès maintenant penser à l'importation de la pomme de terre. Ce qui est sûr c'est que l'été sera très chaud cette année pour les ménages.


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