Au cours d'une conférence, Maïssa Bey et Laura Freixas, deux écrivaines algérienne et espagnole, ont approfondi, jeudi dernier, la problématique du genre lié à l'écriture des femmes et à sa perception, devant un public majoritairement féminin d'universitaires et d'artistes. Cette conférence-débat, tenue à l'institut culturel Cervantès à Alger, inaugure le programme d'activités organisées par l'ambassade d'Espagne et cet institut en hommage à la femme à la veille du 8 mars. Croisant leurs regards et leurs réflexions sur les questions féminines dans la littérature, les deux auteures ont fait l'état des lieux de la condition féminine sur les deux berges de la Méditerranée, pour mieux faire ressortir ce qui y demeure universel et constitue le lot des femmes du monde entier. Relatant son expérience, Laura Freixas, auteure de l'essai Literatura y Mujeres, soit " Littérature et Femmes ", souligne que l'on refuse aux femmes qui écrivent, à la fois leur caractère universel et leur individualité, pour les percevoir uniquement comme des femmes alors que lorsque l'on parle d'un écrivain masculin on le définit selon son lieu d'origine, son appartenance politique et tout autre chose que son genre sexué. "Dans les romans écrits par des hommes, on ne voit du monde féminin que la tête de l'iceberg. Les héroïnes sont des épouses, des maîtresses ou des mères, des femmes fatales ou de belles indifférentes... La vie professionnelle, les relations mère-fille, l'amitié entre femmes et autres en sont totalement absentes. Comme sont absentes des expériences aussi fondamentales dans la vie d'une femme que la grossesse et l'accouchement", a ajouté Laura Freixas. Maïssa Bey a déclaré que son expérience personnelle était de l'ordre du dévoilement. "En me mettant à écrire, je devais le faire à contre-silence. Il est très difficile pour une femme de se livrer au regard des autres et de s'imaginer un lectorat. C'est une irruption dans le domaine de la parole publique, c'est difficile et douloureux", a-t-elle ajouté. Concernant le rôle joué par la littérature quant à l'aliénation féminine, s'il est clair que les mythes qu'elle véhicule depuis toujours, "Prince charmant", ont participé de l'aliénation et de l'asservissement des femmes, la littérature peut également faire le contraire, a souligné Laura Freixas. "Ce sont les textes écrits par les femmes qui ont contribué à ma libération personnelle", a renchéri Maïssa Bey tout en relatant sa prise de conscience de l'universalité de la condition féminine opérée à l'âge de 18 ans en lisant un roman de l'Américaine Marilyn French. Elle a également cité Assia Djebbar comme une des femmes lui ayant "ouvert les chemins de l'écriture". L'écrivaine a souligné que si Kateb Yacine a écrit en préface du roman "La Grotte éclatée" de Yamina Méchakra, "en Algérie une femme qui écrit vaut son pesant de poudre", aujourd'hui on dirait : "toute femme qui dit vaut son pesant de poudre explosive", a conclu Maïssa Bey.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 04/03/2012
Posté par : archives
Ecrit par : YF
Source : www.lemaghrebdz.com