Algérie

Maintien ou report : que décidera le tribunal '



Les avocats demandent d'ajourner le procès jusqu'à la création de la Haute Cour d'Etat, prévue par la Constitution, pour juger les anciens Premiers ministres et les présidents de la République.Le procès des affaires de corruption impliquant deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, d'anciens ministres et des hommes d'affaires, notamment ceux détenant des concessions automobiles, devra reprendre ce matin au tribunal de Sidi M'hamed, après avoir été reporté de quarante-huit heures une première fois. Ce procès, autour duquel est faite une grande publicité, sera boycotté par une bonne partie du collectif de la défense qui estime qu'il est "politique" et que "les détenus sont déjà condamnés" politiquement.
Les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, accompagnés d'autres anciens membres de leurs gouvernements respectifs, ainsi que de quatre hommes d'affaires influents sous l'ère Abdelaziz Bouteflika, qui sont appelés à comparaître ce matin, sont poursuivis pour des chefs d'inculpation d'"accord d'indus privilèges" pour certains et de "blanchiment d'argent" pour d'autres.
Les autorités tiennent à ce que ce procès se déroule dans les plus brefs délais, sans doute pour "donner un gage" de leur sérieux dans la lutte "contre la corruption", résume l'avocat Khaled Bergheul, constitué dans le collectif de défense. Dans ce procès, la défense relève plusieurs anomalies. La première concerne le déroulement du procès.
Nombre d'avocats contestent, en effet, que le procès, qui implique de hauts responsables de l'Etat, concernés par le "privilège" de la juridiction, se déroule au tribunal de Sidi M'hamed, qualifié ironiquement de "basse cour" par le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini. S'ils n'ont pas de solution toute faite, les avocats demandent d'ajourner le procès jusqu'à la création de la Haute Cour d'Etat, prévue par la Constitution, pour juger les anciens Premiers ministres et les présidents de la République.
"Il n'y a pas urgence. Ces anciens responsables peuvent être mis sous contrôle judiciaire en attendant d'être jugés par la Haute Cour, une fois cette dernière constituée", préconise Me Khaled Bergheul (voir entretien).
La seconde anomalie relevée par tous les avocats réside dans la précipitation dans la programmation du procès. Mes Abdelmadjid Sellini, Khaled Bergheul, Hakim Saheb, Khaled Bourayou ou Abdelaziz Medjdouba ont dénoncé, unanimement, la célérité avec laquelle le procès a été annoncé sans même consulter les avocats. "J'ai appris la date du procès à la télévision", avait insisté Me Hakim Saheb dans une déclaration à Liberté.
Selon ce juriste, c'est l'annonce faite par le ministre de la Justice à la télévision qui a informé les avocats de la date du procès. Sans cela, ils ne l'auraient pas su, du moins pas suffisamment à temps pour pouvoir se préparer. Le propos est d'ailleurs celui de tous les avocats qui se sont exprimés dans les médias ces dernières heures.
Outre ces reproches concernant les procédures, les avocats s'interrogent sur l'appel solennel lancé par le ministre de la Justice à la population pour assister au procès. Certains estiment, en effet, que si personne "ne dit que les prévenus sont innocents", cet appel, en ce moment précis, équivaut à une "condamnation politique", comme l'a précisé Abdelmadjid Sellini.
La preuve est que des dizaines de citoyens sont venus lundi au tribunal dans l'espoir d'assister au procès. Pour beaucoup d'entre eux, il s'agissait de voir les Ouyahia et Sellal "payer" pour "avoir volé" les Algériens. "Klitou leblad ya serraqine", a d'ailleurs été scandé plusieurs fois dans l'enceinte même du tribunal. Beaucoup insistent sur la nécessité de respecter la presomption d'innocence.
Par ailleurs, certains réclament la tenue du procès dans une grande salle, même en dehors du tribunal, pour permettre un procès public. La réponse à toutes ces questions interviendra aujourd'hui, avec la décision que prendra le juge qui présidera l'audience. En l'absence des avocats, il aura le choix : soit poursuivre le procès en désignant des avocats d'office, soit ajourner le procès.

Ali Boukhlef


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