Le professeur Mahieddine Djoudi, enseignant-chercheur
en TIC à l'université de Poitiers, travaille sur le e-learning.
Il a co-publié sur le sujet et encadré plusieurs travaux universitaires en
Algérie. Dans cet entretien, il retrace l'évolution du e-learning
dans les pays en voie de développement, et des conditions de sa mise en Å“uvre
en Algérie.
Comment évolue le e-learning dans les pays en voie de développement ?
Les développements
technologiques gigantesques de ces dernières années ont ouvert des perspectives
intéressantes à l'usage de l'e-learning. En
permettant non seulement un accès à distance à des contenus pédagogiques, mais
aussi des échanges entre les différents acteurs impliqués. Ces développements
ont eu un impact direct sur les domaines de formations, et nous assistons
depuis des années à l'émergence de projets régionaux, comme l'Université
Virtuelle Africaine (UVA) financé par la Banque Mondiale, ou
le campus numérique francophone initié par le sommet de la francophonie et
confié à l'Agence universitaire de la francophonie (AUF).
Il existe aussi
d'autres projets, comme l'Université Ouverte Arabe, lancée par le Programme du
Golfe arabe pour les organisations de développement des Nations Unies (AGFUND) et
enfin le projet Avicenne financé par l'Union européenne, piloté par l'UNESCO et
qui a impliqué quinze pays du pourtour méditerranéen dont l'Algérie.
Mais, malgré les
financements importants accordés à ces projets, les résultats n'ont pas été à
la hauteur de l'investissement.
En Algérie, ce
type d'enseignement n'est pas encore très répandu. Est-ce dû à un manque de
moyens ou à l'absence de culture d'innovation ?
Depuis maintenant
plusieurs années, l'Algérie a multiplié les initiatives pour favoriser l'accès
à ces technologies en tant qu'outils modernes de communication et d'échanges. Mais
si l'usage de l'Internet se généralise, son implication dans le développement
économique reste très limitée. Ceci est sans doute dû, en grande partie, à
l'absence d'une politique de formation et de recherche sur les moyens et les
méthodes à adopter pour l'intégration de cette technologie dans les différents
secteurs de l'activité économique et en particulier l'enseignement et la
formation.
Des chercheurs ont
travaillé sur la problématique. Plusieurs thèses de doctorats et de magistères
consacrées au e-learning ont été encadrées en Algérie.
Un réseau algérien de recherche dans le domaine, appellé
«FormaTIC» (http://formatic.dzportal.net) est né. L'objectif
de ce réseau est de répondre aux défis de la croissance du nombre des étudiants
face au manque d'encadrement pédagogique, tenir compte des particularités
sociales et linguistiques des utilisateurs algériens, permettre aux enseignants/chercheurs
et aux étudiants de communiquer entre eux et avec l'étranger, et de partager
tout type d'informations telles que les résultats de recherche, les cours, et
les publications.
En 2010, nous
avons contribué à la rédaction d'un livre sur les expériences du e-learning dans les pays émergents et en développement, en
consacrant un chapitre entier à la situation du e-learning
en Algérie.
Mais malgré les
efforts consentis, nous constatons que très peu de recherches et d'études
scientifiques ont été menées sur l'enseignement médiatisé et son implication
dans le contexte algérien. Les institutions académiques ne se sentent pas
réellement concernées par cet aspect.
Le e-learning va-t-il remplacer l'enseignement classique ou
sera-t-il un rude concurrent ?
Le e-learning n'a pas vocation à remplacer l'enseignement
classique, mais plutôt à servir comme un complément ou support. On parle de
plus en plus de "Blended Learning"
(apprentissage mixte) combinant l'enseignement classique en présentiel
et l'enseignement à distance par la technologie. L'apprenant va ainsi alterner
entre des sessions à distance en ligne et des sessions en face-à-face avec les
formateurs. Un modèle souvent utilisé est ainsi d'effectuer une première
introduction au sujet avec une ressource à distance, puis une période en face-à-face
avec un enseignant suivra. Cette solution permet une optimisation des temps
d'apprentissage, tout en en garantissant un excellent niveau de formation.
Une autre approche
dite en "Overblended Learning"
consiste à réaliser cet apprentissage mixte au sein d'une même séance de
formation en la présence d'un formateur ou en mode distant via la
visioconférence.
Le e-learning est-il plus efficace de l'enseignement classique
?
Le e-learning se décline, selon différents scénarii, entre
celui de la transmission de contenu asynchrone, lié ou non à une formation présentielle, et celui d'une transmission de contenu et
d'une interaction effectuées à distance entre le formateur et les apprenants.
Le e-learning suppose donc l'utilisation des nouvelles
technologies du multimédia et de l'Internet afin d'améliorer la qualité de l'éducation
et de la formation à travers l'accès à distance à des ressources et des
services, ainsi qu'à des collaborations et des échanges.
La technologie
constitue une source de motivation pour inciter l'apprenant à apprendre. De ce
fait, le e-learning constitue sans aucun doute une
solution des plus efficaces qui donne à l'apprenant plus de choix dans les
méthodes, les moyens et les formes d'apprentissage et de ce fait augmenter son
niveau d'acquisition du savoir.
Cette flexibilité
peut se traduire dans la localisation des séquences pédagogiques (à domicile, dans
l'entreprise, en centre de ressources), dans la gestion des durées et des
horaires de formation qui tiennent compte des contraintes professionnelles ou
sociales. Et, enfin, dans le rythme de progression et d'acquisition des
connaissances et des compétences (formations modulaires, unités capitalisables,
formations à "la carte", formations "sur mesure"...).
Pour rendre le e-learning accessible à tous les Algériens, y a-t-il des
spécificités qu'il faut prendre en compte ?
Pour ce qui est du
e-learning en Algérie, certains éléments à prendre en
compte sont génériques et d'autres spécifiques. La prise en compte de la
particularité sociale (travail en groupe), éducative (langue, pédagogie) et
économique (parc informatique, état du réseau, coût, etc.) est indispensable. Afin
de rendre le e-learning plus accessible, il est
nécessaire d'opter pour une stratégie cohérente tenant compte des possibilités
mais aussi des contraintes existantes.
Afin de
généraliser l'usage de la technologie dans l'enseignement, il est primordiale
de développer une politique de sensibilisation à l'usage des technologies et
une formation des formateurs leurs permettant une certaine maîtrise dans la
manière d'utiliser les outils informatiques, multimédias et de l'internet.
Il est également
tout aussi nécessaire de développer un contenu numérique adapté. En effet un
cours en ligne exige un scénario très charpenté et une présentation structurée.
Une fois que l'information est accessible sur Internet, on n'obtient pas
nécessairement un système d'apprentissage si l'on n'a pas réfléchi à la manière
dont les apprenants vont prendre l'information et ce qu'ils vont en faire.
Et, enfin, l'indispensable
intégration de la langue arabe dans la conception du contenu pédagogique et
dans la mise en place de solutions e-learning, notamment
dans les plates-formes logicielles, étant donné que l'enseignement en Algérie
se fait de plus en plus dans cette langue.
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Posté Le : 22/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hafidh Abdelsalam
Source : www.lequotidien-oran.com