Moins nettement peut-être que dans le cas de la poésie et de la nouvelle, l’inspiration vivante du théâtre en ces années de montée du nationalisme algérien provient chez Mahieddine Bachetarzi (1) une révolte aussi bien contre des conventions sociales que contre des principes esthétiques. A l’âcre et parfois cynique protestation qui se prodigue à la scène française, par exemple dans les pièces jouées par les « pieds-noirs », on peut opposer ici un juvénile et optimiste désir de faire table rase du passé, mais pour reconstruire. Au reste, la dénonciation, quand elle existe, porte beaucoup plus sur les malheurs du petit peuple, qui pourraient, laisse-t-on entendre, être éventuellement extirpés ou tout au moins battus en brèche, que sur la condition humaine en bloc. Tout espoir n’est point mort. Les drames écrits par Mahieddine Bachetarzi sous-entendent confusément (la confusion est parfois nécessaire en ces temps) que de profondes réformes sociales résultant d’attitudes moins bornées envers les problèmes de la colonisation pourraient comporter des effets bienfaisants. Tout ceci, certes, sans prédication ni insistance : la technique de l’inexprimé (le soutien au nationalisme algérien) restant de mise. Les œuvres plus tardives de Mahieddine Bachetarzi ont plus de netteté, et pour tout dire cette nouveauté technique qui en avait été le mérite essentiel. Mahieddine Bachetarzi traite souvent dans ses pièces un sujet éprouvé : le retour du voyageur, de la civilisation de nos ancêtres, des parents aimés, etc. Symbole du retour à la souveraineté nationale. Ce procédé, assez sommairement qualifié (par les critiques de l’époque) des symbolique, permet à notre dramaturge d’envelopper de pressentiments humanistes, et simultanément de plonger dans une atmosphère mystérieusement poétique ses héros rebelles, vers lesquels le portent de durables affinités. C’est là ce qu’on a pu appeler plus tard l’expressionnisme de Mahieddine Bachetarzi : des pièces (tardives) avec des mots-clés lumineux qui se détachent sur un fond de ténèbres (le colonialisme). Une langue étrange qui charrie dans un courant tumultueux aussi bien les pensées des nationalistes algériens que le tour archaïque, tantôt d’une brièveté lapidaire, tantôt d’une exubérance lyrique, contribue à ce perpétuel rêve nationaliste. La réflexion sociale qui ne s’explicite pas au point de devenir critique est aussi partie intégrante des pièces consacrées à l’Algérie colonisée. Juste avant les années cinquante, Bachetarzi élargira et variera son registre avec une étonnante fécondité qui s’épanche (avec l’avènement de la guerre d’Algérie) dans des constructions dramatiques qui ont été dans la plupart des cas interdites par les autorités coloniales. (1) : Pour de plus amples informations, voir Les mémoires de M. Bachetarzi - Editions SNED Alger.
Posté Le : 02/10/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Djilali Khellas
Source : www.elwatan.com