Algérie - Institutions militaires

Maghreb - LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR TUNISIEN ANNONCE SON RETRAIT: Général Rachid Ammar, le grand déballage



Maghreb - LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR TUNISIEN ANNONCE SON RETRAIT: Général Rachid Ammar, le grand déballage




Le chef d’état-major interarmes tunisien a annoncé, lundi soir, lors d’une émission diffusée en direct à la télévision publique, son intention de faire valoir ses droits à la retraite. Le général de corps d’armée Rachid Ammar estime que la Tunisie est la cible d’une «conspiration régionale et internationale» mais rejette toute intervention de l’armée dans le champ politique.

Tarek Hafid - Alger (Le Soir)

C’est sûrement l’un des événements les plus importants de la Tunisie contemporaine qui s’est produit lundi soir. Le général de corps d’armée Rachid Ammar, chef d’état-major interarmes, participe à l’émission «Ettasiaa Massaenn» (Vingt-etune heures).

Le programme est diffusé le jour du 57e anniversaire de la création de l’armée tunisienne. Les téléspectateurs auront droit à plus de trois heures de révélations sur la situation politique et sécuritaire, le rôle de l’institution militaire durant la révolution, les défaillances de l’appareil de renseignement et aussi l’existence d’un complot visant à changer totalement la nature du système de gouvernance en Tunisie. Un véritable électrochoc puisqu’il n’hésite pas à annoncer son retrait définitif.

L’officier supérieur débute son intervention par défendre l’armée et ses hommes.

«L’armée tunisienne a protégé la patrie, a rempli le vide constitutionnelle et a tenu la kheima pour ne pas qu’elle tombe. L’armée a pris ses responsabilités et à défendu les institutions de l’Etat. Et elle assume toujours ses responsabilités dans le processus de démocratisation de la Tunisie.»

S’agissant de l’opération antiterroriste menée depuis plusieurs mois au djebel Chaambi, dans le gouvernorat de Kasserine, près de la frontière avec l’Algérie, Rachid Ammar explique que la situation est aujourd’hui sous contrôle.

«Oui, nous avons repris le djebel Chaambi. L’opération antiterroriste est achevée depuis longtemps. Voilà une année que ces terroristes sont là-bas», indique-t-il.

L’information fait réagir le journaliste Moez Ben Garbia: Comment ce fait-il que les autorités n’aient pas eu de renseignements?»

Les révélations du général de corps d’armée Rachid Ammar démontrent l’état de déliquescence d’une partie de l’appareil sécuritaire tunisien.

«Il y a des défaillances dans le système actuel de renseignement. Les défaillances sont claires. Je ne peux pas dire qu’il y ait des complicités à l’intérieur des structures de l’Etat, mais nous devons faire des enquêtes pour le déterminer. Moi, militaire, je suis du côté de l’action, pas du côté de l’information. J’ai besoin de renseignements pour agir. Nous avons certes le renseignement militaire, mais sa mission est de protéger l’institution, ses unités et ses secrets. Pour la société, il y a une autre structure. Sa mission est de suivre l’état général et de décrypter les menaces. Nous militaires, avons besoin de renseignements, d’indicateurs et d’informations.»

Pour faire face aux lacunes en matière d’information, Rachid Ammar revient sur la démarche opérationnelle adoptée ces dernières années.

«Nous avions compris depuis les attaques terroristes de Soliman, en 2007, que l’armée était devenue une cible. Nous ne parlons pas dans l’armée, il faut des documents avec ma signature. Nous avons donc décidé de mener des ratissages à titre préventif. Il fallait agir, même sans renseignements.»

Selon lui, la Tunisie est la cible de trois grandes menaces: «La contrebande, le crime organisé et le terrorisme.»

Mais le général de corps d’armée est persuadé que son pays est la cible d’une «conspiration régionale et internationale ».

Hamadi Redissi, intellectuel et chercheur spécialisé dans l’étude du processus de transition démocratique, décrypte le discours de l’officier supérieur.

«Je dois reconnaître que j’ai été très impressionné par ses propos. Le général Ammar a fait passer une multitude de messages. Il faut dire qu’il y avait beaucoup de préjugés sur le personnage, son rôle lors du départ de Ben Ali et cette volonté que lui prêtaient certains cercles d’organiser un coup d’Etat. Il a démenti toutes les rumeurs. L’homme m’a paru très sincère. Mais ce qu’il a annoncé est particulièrement préoccupant, surtout au sujet de ce grand complot qui vise à transformer radicalement la Tunisie. Ce qui est plus inquiétant, c’est cet aveu concernant l’incapacité de l’armée à intervenir. Pour lui, les Tunisiens devront se prendre en charge.»

Hamadi Redissi avoue ne pas avoir assez de recul sur la démarche du chef d’état-major interarmes.

«Je ne sais pas si cette sortie médiatique entre dans le cadre d’une grande stratégie. Cela m’étonnerait car il me semble que rien n’ait été planifié», souligne-t-il.

Un des grands mystères évoqué par Rachid Ammar en direct live est certainement sa décision de faire valoir ses droits à la retraite.

«Il a affirmé qu’il ne démissionnait pas mais avait demandé au chef de l’Etat de le mettre à la retraite. Nul ne sait quand cette décision sera effective.»

Pour Mohamed-Chafik Mesbah, politologue et ancien officier des services de renseignement algériens, le général Rachid Ammar pourrait se diriger vers une carrière politique au terme de ce retrait.

«L’armée tunisienne est une armée nationale, ce n’est pas une armée clanique ou bourgeoise. Elle s’est toujours tenue à l’écart du champ politique mais a joué un rôle actif dans le processus de transition démocratique. Je ne pense pas qu’elle se résignera à l’éventualité de l’installation d’un régime théocratique en Tunisie. C’est peu probable. Je pense que le général Ammar se prépare à jouer un rôle dans le pôle démocratique».

Tarek Hafid



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