Algérie

Maghreb - Conseil de classe: Notons le premier débat présidentiel de l’histoire de la Tunisie!



Maghreb - Conseil de classe: Notons le premier débat présidentiel de l’histoire de la Tunisie!


Décryptons la performance de chaque candidat mais aussi celle des organisateurs et des journalistes.

- Organisation

La structure est étonnante. La volonté que le débat reste calme et préserve sa hauteur a abouti à une agressivité presque ennuyante pour le spectateur lambda. Aucune contradiction, de la part des autres candidats ou des journalistes sur le plateau. Pas de joutes verbales ou d’échanges interposés entre les prétendants a la présidence.

- Animateurs:

Préserver le calme dans ce genre de débats est quasi-impossible, demandez à Ruth Elkrief. Pourtant, Elyes Gharbi et Asma Bettaieb ont réussi à imposer leur autorité et à maintenir les candidats dans leurs temps de paroles respectifs. C’est un sans faute dans l’animation.

- Thématique et débat de fonds:

Néanmoins, les questions furent vagues et personnalisées. Les candidats répondaient chacun à une problématique générale qui leur était attribuée, nous n’avions pas d’éléments de comparaison précis. Passons aux candidats.

- Candidats gagnants:

* Mohamed Abbou - sérénité

Le candidat à la présidence du Courant Démocrate a inspiré la maitrise dans ce débat. Réponses précises alimentées d’éléments juridiques et souvent d’exemples concrets: sur les effet dissuasifs de la peine de mort - exemple des pays asiatiques (Philippines ou Chine) dans leur lutte contre la drogue. Rappelons que nombreux de ses contradicteurs lui rappellent son passé au CPR de Moncef Marzouki: Il a réussi à casser cette image.

Pour l’anecdote, durant la conclusion, la seule hostilité verbale a été lancée par Mohamed Abbou, en nommant Abdelfatah Mourou au sujet de la publication de la liste des martyrs de la révolution.

La phrase a retenir de la performance de Abbou:

“La sécurité nationale passe aussi par une classe politique qui n’est ni corrompue ni soumise à des forces étrangères”.

* Mehdi Jomaa - des éclats

Un mystère. Autant sur certains sujets, il était au dessus du lot, notamment sur la question de l’ALECA où il apporte une réponse précise: Oui aux secteurs favorables comme l’huile d’olive et non aux secteurs défavorables comme les médicaments.

Néanmoins, sur le reste, Mehdi Jomaa reste brouillon. Satisfait du statu-quo de l’égalité des sexes, il parle plutôt de “promotion de la femme” et sur les questions militaires, il souhaite augmenter les investissements en usant des nouvelles technologies. Le reste de ses interventions se focalisent sur une sorte de légitimation de sa candidature, en rappelant son passage au gouvernement sur les questions sécuritaires et le projet collectif de son Parti sur les questions économiques. Peut mieux faire car beaucoup de potentiel.

La phrase à retenir de la performance de Jomaa:

“Passons de l’administration des licences à l’administration des chances”.

- Ceux qui ont la moyenne:

* Abid Briki - la surprise

Il est indéniable qu’il ne possède pas la qualité technique des deux candidats précédemment cités ni même autant de chances d’arriver au poste suprême mais ses positions ont été claires et bien défendues. Rétablissement des relations avec la Syrie, modernisation de l’administration et réduction des inégalités, variation des interlocuteurs internationaux pour ne plus se limiter à la France et aux Etats-Unis et la nomination d’une femme aux Affaires étrangères. Par ailleurs, il expose une positon claire sur le Niqab: contre!

La phrase à retenir de la performance de Briki:

“Les entreprises étatiques ne sont pas à vendre et les réformes doivent passer par un dialogue social”.

* Abir Moussi - double personnalité

Où était la Abir passionnée des meetings? Et bien, elle a laissé place une Abir plus posée mais avec un peu moins de maîtrise et de cohérence avec son personnage.

On peut opposer sa performance à celle de Mourou, qui a réussi a préserver son style même dans ce nouvel environnement et cet exercice. Abir Moussi a fait le choix d’adopter une posture plus calme, avec beaucoup plus de préparation voire de récitation. Beaucoup de propositions intéressantes, néanmoins, sur le fond:

. l’ouverture d’enquêtes et des dossiers concernant la relation entre certains partis politiques (Ennahdha) et le terrorisme.

. la coordination des institutions de l’Etat sur la sécurité nationale et délimiter l’étendue de cette dernière.

. la création d’une institution chargée de la gestion de la dette: “Tunisie Trésor” et d’un conseil économique chargé de promouvoir l’image de la Tunisie afin d’attirer des IDE.

* Abdelfatah Mourou - continuité

La sécurité au cœur de son discours, un style d’orateur qu’il a préservé: de la récitation dynamique et rythmé, malgré l’environnement nouveau. C’est sur le fond que Mourou a manqué de propositions, aux antipodes de Abir Moussi. Une sorte de duel indirect où l’un a privilégié une rupture méthodique et l’autre une continuité. Egratigné par Abbou au moment du bilan, il n’a pas daigné répondre.

Mourou propose de développer les relations franco-tunisiennes avec une volonté d’attribuer à la Tunisie de jouer un rôle de médiateur entre l’Afrique et l’Europe. Certains pourraient y voir de la collaboration néo-coloniale: assez étonnant de la part du leader d’Ennahdha, qui revendique souvent un discours limitant le rôle de l’Occident.

Cette proposition reste cohérente car il propose également d’augmenter la sphère d’influence Tunisienne en Afrique. Afin de mieux jouer ce rôle de médiateur, surement.

- Dans un mauvais jour:

* Le pluralisme - où est le favori?

L’absence du favori aux élections présidentielles, Nabil Karoui, n’est pas passée inaperçue. Jusqu’aux derniers moments, son équipe de campagne essayait de trouver des solutions avec la justice, qui le détient de manière préventive malgré le gel de ses avoirs et son interdiction de voyage:

Enregistrement des réponses? Non.

Passage par Skype? Non.

Liberté escorté le temps du déba? Non.

Présidentiable en prison et toujours sans aucune condamnation à son actif, la justice a refusé au leader des sondages de confronter ses concurrents.

* Moncef Marzouki - fatigué

Dans son style, Marzouki a bien entamé les hostilités. Notamment, en rappelant son mandat présidentiel et son expérience assez régulièrement pour ensuite présenter des positions claires sur ses combats: l’évasion fiscale, les corrompus et l’économie parallèle, mais aussi un débat national sur le changement climatique.

Sur le plan international, l’ancien président continue d’innover dans son ambition irréaliste: il propose de s’opposer à Trump par le biais de la nomination de la Tunisie au conseil de sécurité.

Mais c’est aussi et surtout sur la méthode, que Marzouki a péché par un manque de charisme et un énervement habituel qui s’est étendu à mesure que le débat avançait.. D’ailleurs, c’est le seul candidat où l’on pouvait percevoir, vers la fin, une sorte d’épuisement physique.

L’expérience s’est confronté a un souci majeur: l’âge.

* Neji Jalloul - limité:

L’ancien Ministre de l’Education semblait avoir préparé deux sujets: l’énergie et la culture, et cela se manifestait par sa volonté d’y trouver un lien sur chaque thématique.

Et quand on le sort de cette zone de confort, Neji Jalloul propose au pire l’impossible et au mieux l’irréaliste: dans la première catégorie, la démilitarisation des frontières malgré le contexte sécuritaire en Libye et en Algérie et dans la deuxième le renforcement du poids de la Tunisie dans les affaires internes Libyennes pour se substituer à la France.

* Omar Mansour - hors-sujet

Malgré son CV impressionnant, l’ancien gouverneur de Tunis et ancien ministre de la Justice n’a pas apporté la moindre réponse aux questions qu’on lui a posé. Il n’a utilisé l’entièreté son temps à aucune reprise durant tout le débat et n’a proposé que des explications théoriques limitées, des concepts généraux liés à ses questions. Intimidé par le casting qui l’entoure? Peut-être. Mais en tout cas, il a bien fait rigoler une grande majorité des internautes!

CET


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