Algérie

Madrid «réprimande» Rabat



L'Espagne a averti le Maroc que sa position ne « changerait pas » sur le Sahara Occidental, ex-colonie espagnole occupée par Rabat et revendiquée par le Front Polisario.
C'est la toile de fond d'une crise diplomatique entre les deux pays qui s'est envenimée avec une vague migratoire inédite à Ceuta.
Des milliers de migrants ont rejoint, depuis lundi 17 mai, l'enclave espagnole à partir du Maroc. L'épineuse question du Sahara Occidental est au centre de la crise entre Madrid et Rabat depuis l'annonce de l'accueil en Espagne du président de la République sahraouie et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, hospitalisé depuis avril dans le pays.
Les officiels espagnols, et en première ligne la ministre des Affaires étrangères de l'Espagne, Arancha Gonzalez, n'ont de cesse de répéter que Brahim Ghali a été admis en Espagne pour des raisons humanitaires. En vain, le Makhzen s'est cru fort de rétorquer, comme à son habitude, par des moyens de rétorsion divers, dont le chantage à l'émigration clandestine.
Les ministres de sa majesté excellent dans ces coups bas, arguant d'abord par ses médias que le Président sahraoui est entré en Espagne avec un passeport algérien, mais le document s'est avéré être un faux. Très vite, l'armée espagnole a constitué un cordon pour stopper les candidats marocains à l'émigration illégale. « C'est une grave crise pour l'Espagne et pour l'Europe .» Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, s'est rendu dans l'enclave espagnole de Ceuta, alors que son pays a renvoyé déjà près de 4 000 migrants au Maroc. En 24 heures, près de 8 000 personnes seraient entrées, illégalement, sur l'enclave espagnole, dont beaucoup de mineurs. Ces arrivées aggravent encore plus la crise diplomatique entre le Maroc et l'Espagne.
Habitué à cette politique d'« envahissement de terrain », l'expansionnisme marocain n'est pas nouveau, puisque l'Algérie en a fait déjà les frais en 1963. La « Marche verte » initiée par Hassan II en 1975 s'inscrit dans cette logique.
L'Espagne, puissance occupante, avait laissé faire, ouvrant ainsi la porte au Makhzen à toutes les ambitions. Ce fut le cas de l'îlot Leila, au nord du Maroc, pris par l'armée royale marocaine mais très vite repoussée.
Rappel de l'ambassadrice
La crise en cours a pour toile de fond l'occupation illégale du Sahara Occidental où le Front Polisario lutte pour son émancipation. Le royaume du Maroc avait déjà franchi un pas avec le rappel, il y a quelques jours, pour consultation, de son ambassadrice dans la capitale espagnole, Karima Benyaïch, parce que Madrid a protesté officiellement quant à « l'entrée massive de migrants marocains à Ceuta ».
Cette mesure, aux contours de représailles, a eu plutôt l'effet inverse, puisque Madrid a saisi l'occasion de rappeler à Rabat la permanence de sa position, réaffirmée par sa ministre des Affaires étrangères.
Il faut rappeler la même démarche du royaume envers l'Allemagne sur le même sujet du Sahara Occidental tentant de créer une crise artificielle. Résultat, c'est un autre camouflet pour le département de Nasser Bourita.
Le Maroc de sa majesté est un habitué du rappel d'ambassadeurs, une démarche en diplomatie graduelle dans les us et coutumes des relations entre Etats. En effet, le 2 novembre 2007, le Maroc avait rappelé son ambassadeur en Espagne pour protester contre la visite de Juan Carlos, souverain d'Espagne, dans les enclaves de Melilla et Ceuta dans le nord du Maroc. C'était la première fois que le roi visitait ces deux villes depuis son accession au trône, en novembre 1975. Les protestations du gouvernement marocain ont eu droit à une mise au point de l'Espagne.
Un porte-parole du ministère espagnol des Affaires étrangères a déclaré que la visite du roi dans les deux villes était « institutionnelle et s'intégrait dans un cadre de politique intérieure espagnole ». Ce contentieux entre ces deux pays remonte à très longtemps. L'Espagne exerce sa souveraineté sur ses deux enclaves depuis les années 1 400, après la reconquête de l'Andalousie sur la présence arabe.
À la faveur de cette nouvelle crise, le gouvernement espagnol tape du poing sur la table. Madrid a convoqué, ce mardi 19 mai, l'ambassadrice marocaine pour lui exprimer son « mécontentement ». « Je lui ai rappelé que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l'Espagne et du Maroc », a déclaré la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya.
Face à la gravité de la situation, le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, s'est déplacé mardi dernier dans l'après-midi à Ceuta.
« Nous allons rétablir l'ordre dans la ville et à nos frontières le plus rapidement possible », avait-il déclaré plus tôt lors d'une brève allocution télévisée depuis Madrid, qualifiant l'arrivée soudaine de ces milliers de migrants de « grave crise pour l'Espagne et pour l'Europe ».
À Rabat, les plus hautes autorités gardent le silence dans cette affaire, le directeur central de la police judiciaire, Mohamed Dkhissi, avait affirmé sur la télévision publique marocaine 2M que l'Espagne était « perdante » dans cette brouille et souligné que le Maroc, « qui est une puissance régionale (...) n'est le serviteur d'aucun pays ».
B. T.


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