Algérie

Madame Anne Beaumanoir



Madame Anne Beaumanoir
Ce 4 mars, à l'âge de 98 ans, est décédée en sa Bretagne natale madame Anne Beaumanoir. Exemple d'une génération qui ne confondait pas l'engagement politique avec la posture, Annette représente celles et ceux pour qui, au combat contre le nazisme succédait celui contre le colonialisme.
Elle fut plus connue sous le nom d'Annette Roger, celle que les journaux de 1959 appelaient "la doctoresse rouge" après son arrestation par la police française alors qu'elle transportait en voiture un responsable du FLN. Avant de devenir porteuse de valise pour les indépendantistes algériens, Annette avait été Résistante au nazisme, passant dans la clandestinité et de ville en ville pour finir à Marseille où elle rencontra Jo Roger, communiste FTP qui libéra Marseille devint son mari. Après guerre, le couple de médecins fit partie de l'équipe de pointe mondiale pour la recherche sur l'épilepsie sous la direction professeur Gastaut.
En 1956, Annette Roger-Beaumanoir fut la première chercheuse étrangère invitée à Moscou. Elle avait alors deux fils, Jean Henri et Gilles. Quand elle fut arrêtée à Pont St Esprit en 1959, elle était enceinte d'un troisième enfant. Directement rattachée à la Willaya sud de la Fédération de France du FLN, elle fut trahie par un cadre FLN qui sera liquidé. Emprisonnée aux Baumettes, Annette y croisa la jeune Djamila Bouhired (condamnée à mort que l'on transférait à Fresnes), ainsi qu'elle le raconte dans son livre "Le feu de la mémoire" (éditions Bouchène).
Annette n'attendit pas son procès où elle fut condamnée par contumace à dix ans de prison. Après avoir mis au monde sa fille Myriam dans une clinique de Marseille, Annette s'évada et rejoignit Tunis où elle remplaça Frantz Fanon comme neuropsychiatre de l'Armée Algérienne (ALN) extérieure ouest.
À l'Indépendance de l'Algérie, elle intègrera le premier gouvernement Ben Bella comme conseiller au ministère de la Santé. Dans l'urgence et le dénuement de la jeune République algérienne (il n'y avait qu'un médecin pour 2000 habitants), Annette mettra en place tout le système d'éducation sanitaire et médicale qui lui semblait approprié. Elle créera en particulier des structures d'accueils pour les orphelin(e)s de guerre, les centres Salim et Salima. Cinquante ans plus tard, elle en parlait avec fierté. C'est l'époque où elle rencontre mes parents engagés dans des combats proches et s'intéresse comme eux à l'autogestion. Contrainte à la clandestinité après le coup d'État du 19 juin 1965 où Boumediene destitua Ben Bella, Annette se réfugie à Genève où elle devient Chef de service de l’Unité de Neurophysiologie-clinique du Service de Neurologie de l’Hôpital Cantonal de Genève…. C'est dans les années 70 que je l'ai personnellement connue.
Le destin d'Annette aura épousé les convulsions de l'Histoire et sa vie personnelle a été ravagée par la mort de deux de ses enfants. Aujourd'hui, je peux me permettre de dire qu'elle ressentait une grande culpabilité d'avoir tant sacrifié ses enfants à ses engagements politiques, quand elle avait pris conscience de la souffrance causée. Il est propre à sa génération que d'avoir fait des enfants dans l'élan vital de l'après-guerre, puis de les avoir sacrifié.e.s à la révolution et en particulier au combat anticolonialiste qui fut sans pitié.
Toutes mes pensées vont à Gilles Roger, son fils, ainsi qu'à ses petites filles, petits fils et arrière-petits enfants.
Anne Beaumanoir est reconnue « Juste parmi les nations » le 27 août 1996 par l'institut Yad Vashem, en même temps que ses parents Jean et Marthe Beaumanoir.
Un hommage lui sera rendu Jeudi 10 mars à 14h au Pôle funéraire-crématorium public, 6 rue des Champs de Pies à Saint Brieuc. Ni fleurs ni souvenirs.
Condoléances sur www.pfi22.fr


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