Algérie

Macron et la politique des petits pas



Par Lyazid Benhami (*)
Torture pendant la guerre d'Algérie, entre responsabilité et reconnaissance officielle. Il aura fallu plus de 60 ans pour que la «question» liée à la torture durant la guerre d'Algérie soit évoquée et reconnue officiellement. De sa dénonciation par Henri Alleg dans son livre « la Question» qui fut interdit en France en 1958, mais édité les jours suivants à Lausanne par les Editions de la Cité sous la direction de Nils Andersson, en passant par l'Appel des Douze en l'an deux mille cosigné entre autres par Germaine Tillon, Gisèle Halimi, Pierre Vidal-Naquet et Henri Alleg pour ne citer qu'eux, jusqu'à son allusion, ou osons le dire, à une reconnaissance officielle aujourd'hui, on constate que le chemin a été long et très fastidieux.
Dans son discours d'hommage aux combattants de la guerre d'Algérie, le président français Emmanuel Macron a - t-il reconnu la responsabilité de l'Etat français dans l'usage de la torture pendant cette guerre ou bien uniquement son existence' À ce qu'il semble, les différentes lois d'amnistie sont passées par là, la chasse aux sorcières n'est plus à l'ordre du jour.
Le communiqué de l'Elysée qui suit cet hommage est bien explicite. Ce qui laisse entrevoir un tournant dans la prise en charge de la mémoire liée à la guerre d'Algérie, et à une volonté d'aller plus loin dans l'écriture de l'Histoire. L'Appel de l'Association Contre la Colonisation Aujourd'hui, l'Acca, à la reconnaissance des responsabilités de l'Etat français dans le recours à la torture durant la guerre d'Algérie, publié le 23 septembre par Mediapart, puis le 03 octobre par le Matin d'Algérie et relaté par L'Expression d'Algérie, semble avoir trouvé également un écho dans cet hommage rendu par le président Emmanuel Macron aux combattants de la guerre d'Algérie le 18 octobre 2022 aux Invalides. Nous pouvons lire ainsi dans le communiqué de l'Elysée:
«Entre 1954 et 1962, la France envoya près d'un million et demi d'hommes et de femmes se battre pour elle en Algérie. Plus de 23000 y trouvèrent la mort.
60000 au moins furent blessés. Tous furent marqués à vie par ce conflit où, à la violence des combats, s'ajoutait la cruauté des attentats. Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République.
Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d'une République fondée sur la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.»
Cette déclaration du président Emmanuel Macron est-elle un hasard du calendrier, ou bien fait-elle allusion et suite à l'initiative de l'Acca' Ce «début» de reconnaissance, sans attendre d'autres échéances, de «cette question infâme» ayant eu cours systématiquement pendant la guerre d'Algérie présage certainement d'une volonté de regarder l'histoire en face.
À terme la commission conjointe, entre historiens algériens et français, voulue par les deux Etats français et algérien, ne se transformera-t-elle pas en une approche plus adéquate, en une commission «Mémoires et Vérité», associant plusieurs personnalités qualifiées et de nationalités différentes, qui serait à l'écoute de toutes les personnes souhaitant apporter leur contribution' Cette démarche s'inscrirait sur le chemin de la reconnaissance de toutes les mémoires dans un esprit de transparence et d'apaisement, sur la reconnaissance officielle des vérités historiques concernant la colonisation et la guerre d'Algérie, vérités étayées par la recherche scientifique et les témoignages de personnes ayant subi des actes de torture ou en ont été témoins.
Auteur et signataire de l'Appel de l'Acca


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