La petite salle d'attente encombrée de piles de journaux, sûrement des invendus, n'avait rien d'attrayant. Perdu dans mes pensées, l'image de la classe de mon enfance a instantanément surgi dans mon esprit. Gamins, nous décorions ses murs avec des images en couleurs. Je n'ai pas oublié celle du chasseur qui revenait au crépuscule avec une besace débordant de cailles et de grives. Un chien au museau blanc tacheté de points noirs trottait derrière lui. Il me faisait toujours penser à un vieux de chez nous. Il chassait sur des terres où pullulaient ces deux volatiles. Ce Tartarin prétendait pourtant qu'il ne tirait que sur les sangliers, les seuls animaux qu'ils jugeaient dignes de lui et de sa réputation. Sur la seconde image, des cerfs s'ébattaient dans une clairière. Elle était semblable à celle qui jouxtait notre école même si les arbres n'étaient pas aussi grands et élancés ni l'eau aussi pure. On n' y allait jamais, depuis que nous avions débusqué des sangliers qui avaient fui dans un énorme boucan. Ah, si nous pouvions supprimer ces animaux qui saccagent les récoltes ! A la place, nous nous contenterions d'une petite biche aux yeux doux, un animal triste, toujours perdu dans ses rêves. Quand le cours était ennuyeux, ces images venaient se superposer sur le visage du maître. On était alors plus attentifs aux pépiements des oiseaux qui venaient becqueter sur le bord de la fenêtre qu'à ses explications sur l'usage des verbes irréguliers. Je suis retourné l'an dernier sur les lieux. Notre classe accueille, désormais, différents paliers. Elle semble n'appartenir à personne et nul ne s'en souciait. Des plaques de peinture se détachaient des murs nus et une longue palissade en béton faisait ressembler l'école à une caserne. Les étroites ouvertures dans la clôture de roseaux et de genêts ont disparu. Aucun élève ne pouvait plus se rendre dans les champs, inspecter ses pièges et revenir, un rouge-gorge encore frémissant dans les poches. L'herbe ne poussait plus dans la cour aplanie que quelques vaches traversaient avec nonchalance. Elles ruminaient parfois à l'ombre d'un immense micocoulier, indifférentes à l'agitation des enfants qui couraient dans tous les sens. Comme des arbres déracinés, les élèves étaient ballottés au gré de l'emploi du temps. A chaque séance, ils couraient vers une nouvelle division. Personne n'utilise désormais le mot classe.
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Posté Le : 06/09/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : H Rachid
Source : www.horizons-dz.com