Algérie

«M. Khalifa vous aviez laissé des sociétés moribondes et non pas florissantes»



«M. Khalifa vous aviez laissé des sociétés moribondes et non pas florissantes»
Durant la matinée d'hier, Me Ali Meziane, avocat d'El Khalifa Bank en liquidation, a tenté de prouver les malversations qui ont entaché la gestion de La banque Khalifa, mais surtout les opérations de pillage, menées dans le but de constituer ue cagnotte en devise à l'étranger, par Abdelmoumen Khalifa. Me Meziane évoque le rôle néfaste de Raghad Echammaa dans ce «pillage», mais aussi le voyage de Khalifa aux Etats-Unis, pour remettre le jet présidentiel qu'il avait acheté, et récupérer une caution de 2 millions de dollars.Maître Meziane commence sa plaidoirie en apportant cette précision. «Nous sommes ici contre Abdelmoumen Khalifa, parce que lors du dernier procès, il n'était pas présent et nous nous sommes contentés du verdict prononcé contre les autres accusés.» Me Meziane revient aux faits qu'il reproche au PDG de Khalifa et qu'il tente de décortiquer, comme l'a fait Moncef Badsi, le liquidateur d'El Khalifa Bank, avant lui. Il évoque plusieurs points qui, selon lui, ont suscité la polémique durant les débats, comme la libération du capital de la banque au moment de sa création. «Je dis à ceux qui nous ont menés dans des discussions interminables, que le code de commerce est très clair.Moumen devait libérer un quart du capital et non pas un cinquième du quart. Il ne l'a pas fait?», dit-il. Il revient sur les pratiques «frauduleuses» commises par les dirigeants d'El Khalifa Bank, en disant que le préjudice qu'elles ont occasioné «a été subi non seulement par les créanciers, mais également par la société qui doit être séparée des personnes physiques. La société a été tuée, à travers le retrait d'agrément, en raison de la banqueroute frauduleuse».Selon Me Meziane, le concept du groupe en droit commercial n'existe pas, et celui des filiales n'a pas été respecté par les entités créées par Abdelmoumen Khalifa. A ceux qui affirment que la liquidation ne peut se faire sans certification des comptes, Me Meziane les renvoie aux dispositions du code du commerce. «Nous sommes devant une liquidation décidée par la commission bancaire et non pas par la justice. Lorsque Djellab a été installé en tant qu'administrateur provisoire, il a convoqué l'assemblée générale d'El Khalifa Bank, à laquelle était présent Omar Guellimi, un des actionnaires, et désigné des commissaires aux comptes.Ils ont peut-être été défaillants, mais cela n'empêche pas l'élaboration des bilans. Le liquidateur a tenté de programmer une autre assemblée générale avec les représentants de Abdelmoumen, mais elle n'a pu se tenir. Le code du commerce permet à la liquidation de certifier les comptes et d'ailleurs, chaque année, elle le fait avant de les déposer devant le tribunal de Chéraga, comme l'a ordonné la commission bancaire.»Pour Me Meziane, le groupe Khalifa «n'existe pas». «Le code du commerce, notamment son article 796, ne reconnaît que le groupement et les filiales ne correspondent pas à la définition donnée par l'article 590, alinéa 2 du code du commerce, qui précise, faut-il le noter, qu'une Eurl ne peut être associée à plus d'une société», explique-t-il. Abordant l'affaire de la régularisation des 11 EES (écritures entre sièges), l'avocat qualifie la gestion d'El Khalifa Bank d'«anarchique», et lance : «On ne dispose pas de l'argent des déposants avec des bouts de papier signés. C'est vrai que verbalement, il n'y a pas de preuve, mais il y a des écrits, et certains accusés ont confirmé avoir retiré de l'argent avec des bouts de papier.Il y a même cette lettre que le PDG a envoyée à Soualmi, le directeur de l'agence de Hussein Dey, pour lui exiger d'exécuter ses ordres qu'ils soient écrits, verbaux, téléphoniques, ou mentionnés sur des bouts de papier. Cette lettre est une preuve de la manière anarchique avec laquelle la banque était gérée. Il est vrai que sur les 70 agences, il y a cinq ou six agences, Hussein Dey, El Harrach, Chéraga, Oran, Blida, Koléa, et la caisse principale, qui sont concernées par les écritures entre sièges non justifiées. Ces 11 EES en suspens ont été établies dans la précipitation parce que l'administrateur était installé.Si elles avaient été validées par la comptabilité, elles auraient disparues et il aurait été très difficile de les retrouver dans la masse des opérations en suspens», note Me Meziane. Il révèle qu'à la veille de la liquidation, il a recencé 251 557 écritures en suspens au niveau des agences, et Chéraga occupe la tête du peloton, avec 31 560, suivie de la caisse principale, avec 25 119, les Abattoirs 15 300 et El Harrach 5300. Selon lui, le compte de régularisation comportait un montant de 100 milliards de dinars. «C'est ce fameux montant de 97 milliards de dinars que Abdelmoumen disait avoir laissé sur les comptes. Non Monsieur Khalifa, vous avez laissé 97 milliards de problèmes.A ce jours, il reste 11 milliards de dinars, non encore débouclés, c'est-à-dire dont on ne connaît pas la destination», souligne Me Meziane. Sur la question des filiales, l'avocat affirme qu'elles sont toutes déficitaires. «On nous dit ici que les filiales n'étaient pas en cessation de paiement. Les chiffres que j'ai, prouvent le contraire. Avec un pied de bilan de 15 milliards de dinars, le bilan fait état d'un endettement de 166 milliards de dinars impossible à rembourser. Ces filiales n'étaient pas en bonne santé financière. Cette situation est la conséquence des opérations illégales de retrait de fonds.Lorsque l'on rémunère les DAT (dépots à terme) de 15 à 16% et accorde des taux de 4 à 5% pour les crédits, il y a quelque chose qui ne va pas. Comment est-ce possible lorsque nous savons que les banques vivent des taux des crédits et non pas des DAT», indique Me Meziane. Pour lui, le plus gros de la masse des fonds vient des entreprises publiques, dont le plus bas des montants déposés atteint 20 millions de dinars. «Même si les dirigeants des sociétés publiques affirment avoir été attirés par les taux d'intérêt, je reste sceptique quant à une telle argumentation, surtout quand on voit dans quelles conditions ces fonds ont été confiés à El Khalifa Bank.Parallèlement à ces retraits massifs des dépôts, il y avait aussi les transferts à l'étranger. Comment ' Par le biais du commerce extérieur. Le statut de banque intermédiaire agréée repose sur la confiance. Le contrôle documentaire des opérations du commerce extérieur se fait par l'agence. C'est elle qui s'assure de la régularité des opérations et la Banque d'Algérie n'intervient qu'a posteriori. Comment celle-ci pouvait-elle savoir ce qui se passait, si la banque agréée dissipait les informations.»17 millions de dollars et 738 millions d'euros transférés après le gelPoursuivant sa plaidoirie, l'avocat indique que malgré le gel du commerce extérieur décidé par la Banque d'Algérie en novembre 2002, Khalifa a transféré 17,738 millions d'euros. Il explique que les chiffres en possession de la liquidation prouvent que la banque n'avait pas de contrepartie suffisante. Selon lui, tout au long des quatre années d'activité, les montants des composites ont chuté d'une manière drastique, alors que les transferts ont, quant à eux, augmenté. Ainsi, dit-il, «en 1998, il y a eu un milliard de dinars transférés et 91% de contrepartie.En 1999, il y a eu 13 milliards de dinars d'opérations de transfert et 80% de contrepartie ; en 2000, il y a eu 28,5 milliards de dinars de transferts, pour 68% de composite ; en 2001, 39 milliards de dinars de transfert pour 54% de composite et enfin en 2002, il y a eu 58 milliards de dinars de transfert pour 42% de composite.C'est la banque qui payait ces transferts, parce que Airways ne représentait que 26% de tous les transferts, soit 36 milliards de dinars. En 3 ans d'exercice, 54% des transferts étaient puisés des ressources de la banque. La Banque d'Algérie a suspendu les transferts. Mais les dirigeants d'El Khalifa Bank avaient déjà constitué une cagnotte de l'autre côté de la Méditerranée, qui a servi à l'achat d'une villa à Cannes, par exemple. Moumen a bien déclaré que Khalifa Airways n'avait pas de compte à BIA en France.Cela veut dire que l'argent qui a servi à l'achat de plusieurs appartements, situés en plein coeur de Paris, dont un à Krim Smaïl, un autre à Mme Taibi, et un autre pour Moumen. Ces fonds sont sortis avec de faux dossiers de commerce extérieur», note Me Meziane. Il affirme que la villa de Cannes a été payée avec les fonds transférés dans le cadre de l'opération d'importation des stations de desalement d'eau de mer. Une première commande des deux premières stations défectueuses arrivées en Algérie a été suivie d'un virement de 3,5 millions de dollars.«Les hauts cadres non poursuivis auraient dû démissionner de leur poste»Il explique : «Après, il y a eu la commande de trois autres stations. Derrière ces transactions suspectes, il y a Raghad Echammaa. Si en Algérie, il y a eu des retraits de caisse faits par des personnes mandatées par Moumen, en France, c'est ce Franco-Libanais qui utilisait des réseaux, pour piller les ressources de la banque. On a fait quatre contrats avec la saoudienne Utah-Sete, d'un montant de 54 millions, 45 millions d'euros, et un paiement, d'une avance de 67,5 millions de dollars. Le dernier virement est de 26,5 millions de dollars. En fait, le dossier fait état d'une facture de 67,5 millions de dollars, mais la société dit qu'elle n'a reçu que 26,5 millions de dollars, après avoir reconnu au début la somme de 67,5 millions de dollars.La Banque d'Algérie a viré 45 millions d'euros sur le compte d'El Khalifa Bank à la BIA et à la BKT en France, pour l'achat de ces stations, mais des swifts ont été envoyés pour l'achat, à 35 millions d'euros, d'une villa à Cannes qui coûte 20 millions d'euros. Khalifa a débité le compte d'Airways pour loger les 37 millions d'euros dans le compte d'un notaire, à Cannes. Le reste du montant a été dépensé en joailleries, cadeaux de luxe etc. Voilà comment l'argent des déposants a été dilapidé et Moumen vient dire ici qu'il a laissé une société florissante. Non Monsieur Khalifa, vous avez laissé une société moribonde.» Cette transaction a coincidé avec les problèmes de paiement auxquels faisait face Airways.Khalifa, ajoute l'avocat, a décidé de revendre la villa à 17 millions d'euros. «Ici, il vient déclarer que c'est la liquidatrice qui l'a bradée. Mais, non. C'est durant l'assemblée générale d'Airways de juillet 2002, que la vente a été décidée en toute urgence. Il dit qu'il a demandé une hypothèque, mais en vérité, il a demandé la vente. La cessation de paiement d'Airways a été déclarée en juillet 2002 la même période où la villa a été revendue. Cette décision n'a n'a rien à avoir avec le gel du commerce extérieur ou avec l'arrivée de Djellab.Durant cette période suspecte, la villa a été vendue à 17 millions d'euros et Khalifa a reconnu, à la police anglaise, avoir reçu un chèque de 3 millions d'euros, en présence de Chachoua à Londres. Mais ici, il vient nier les faits. M. Moumen, ce sont vos propres actes qui vous confondent.» Me Meziane revient sur les activités d'Airways, en affirmant que 26% des transferts concernent la compagnie, alors qu'elle n'a jamais rien rapatrié. «Elle prenait même de la banque, et aujourd'hui Khalifa vient nous dire que c'est son argent personnel. Son relevé de compte personnel, que j'ai entre les mains, a de tout temps été débiteur. Il ne versait même pas son salaire.C'est de l'abus de bien sociaux. C'est largement suffisant pour déclarer la banqueroute. La soustraction frauduleuse de fonds est un motif de déclaration de la banqueroute.» L'avocat souligne que les dirigeants de la banque avaient trouvé un autre moyen pour avoir des devises à l'étranger. Ils avaient ouvert un bureau appelé représentation d'El Khalifa Bank, rue Marboeuf, à Paris, pour subtiliser les économies des émigrés, alors que l'autorisation pour l'ouverture d'une agence Khalifa avait été refusée aussi bien par les autorités françaises qu'algériennes.«Cet argent, qui s'en occupait '» «M. Soualmi, directeur de l'agence des Abattoirs, déposait tous les fonds en devises, pour les virer sur le compte d'El Khalifa Bank à Sao Paolo et à la BIA. En une année, Soualmi avait fait 207 voyages entre Alger et Paris. N'est-ce pas pour transporter les valises ' Moumen a même acheté un jet présidentiel, le ?'bBJ , et Badsi lui a demandé de faire un geste pour les déposants, mais en vain. Monsieur le président, lorsque vous avez demandé à Moumen ce qu'il est allé faire aux Etats-Unis, il vous a répondu que c'était pour un projet dont il parlera plus tard. Pour nous, il est parti pour remettre l'avion présidentiel, le BBJ, à Boeing et récupérer la caution de 2 millions de dollars», révèle Me Meziane.Il revient sur les filiales d'El Khalifa Bank, en disant que leurs dettes avaient atteint 66 milliards de dinars. «N'est-ce pas de l'abus de biens sociaux ' Il n'y a ni contrat, ni dossier, ni résolution du conseil d'administration pour faire endosser ces crédits. Ces filiales se servaient de la banque. Elles n'avaint aucun actif inclus. Airways, à part 2 ATR, vendus à Air Algérie. Comment laisser ces entreprises qui n'ont aucun actif continuer à fonctionner après la liquidation de la banque, qui a une créance de 104 milliards de dinars, sans aucune contrepartie '»«Raghad Echammaa a joué un role néfaste dans le pillage des ressources de la banque»Selon l'avocat, les actes qu'il vient de citer sont illégaux. Il précise que ce qui s'est passé «est très grave» et ajoute : «Heureusment que Sonatrach n'a pas placé ses 400 millirads de dinars, et cela grâce à son financier qui s'y est oposé farouchement et auquel il faut rendre hommage.» Cette affaire, dit-il, illustre «la grave dérive de la recherche de l'enrichissement rapide, un fléau dont souffre la société, mais aussi la carence des institutions de l'Etat. Si en 2001, les autorités avaient pris les mesures qu'il fallait, on aurait limité le saignement.Le vice-gouvereur, M. Touati, avait bien dit que le statut d'agent non assermenté des insppecteurs de la Banque d'Algérie ne pouvait servir de prétexte pour bloquer les mesures disciplinaires contre El Khalifa Bank.» Me Meziane cite l'affaire du directeur du journal Le Matin : arrêté à l'aéroport avec des bons de caisse, il a été déféré rapidement devant le tribunal avant que l'agent du Trésor public ne vienne déposer plainte. «En 2007, certains accusés ont tout mis sur le dos de Khalifa et aujourd'hui, ils le blanchissent en accusant Krim Smail et Fouzi Baichi, parce qu'ils ne sont pas ici», souligne Me Meziane.Pour illustrer les malversations, il rappelle que «le directeur de la petite agence de la Caisse nationale des retraités (CNR) avait déposé 8 millions de dinars, mais nous n'avons trouvé de trace que pour le montant de 5 millions de dinars et après enquête, il nous nous sommes rendu compte que 3 millions de dinars avaient été transférés à l'étranger. Il y a eu aussi les comptes manipulés à l'agence de Blida pour passer de débiteurs à créditeurs.»«Dans le dossier, il y a aussi des noms de personnalités, je dois l'avouer, car devant le tribunal toute la vérité doit être dite. Il est regretable qu'en Algérie, on ne sépare pas l'homme de l'institution. Meme si ces hauts cadres ne sont pas poursuivis, ils auraient dû démissionner. Nous vivons un grave problème de conscience. Nous ne tirons pas les enseignements. Lorsqu' on voit l'affaire Khalifa dont le préjudice peut être estimé à 2 ou 3 milliards de dollars, et d'autres affaires dont les montants donnent le tournis, on se rend compte qu'il y a un grave dysfonctionnement quelque part», indique Me Meziane. Il déclare ne pas connaître la destination de l'argent «parce qu'aucun des accusés ne veut nous éclairer».L'avocat rend hommage au «patriotisme» de Moumen en disant : «Lorsque Badsi a rencontré Khalifa à Londres, il m'a révélé qu'il avait été exemplaire de patriotisme, même s'il avait dit d'autres choses.» Selon lui, c'est Raghad Echammaa qui a joué un rôle néfaste dans toutes les opérations de pillage des ressources de la banque : «Nous retrouvons ce personnage dans toutes les transactions à l'étranger, à commencer par l'achat de la villa de Cannes, des stations de dessalement, des 12 avions-taxi qu'il a démontés et vendus en pièces détachées aux Etats-Unis.Ces avions étaient à Toulouse lorsque Echammaa les a pris., en gardant un seul, devenu sa propriété privée. Nous savons comment Echammaa a été tiré comme une épingle du jeu par la justice française dans le but d'épagner le géant EADS, un nid des Services français. Le juge de Nanterre a annulé le délit de blanchiment afin d'empêcher El Khalifa Bank de récupérer l'argent et de faire en sorte que le responsable d'EADS poursuivi danscette affaire soit disculpé et, à travers lui, EADS.» Pour toutes ces raisons, Me Meziane demande au tribunal d'accepter la constitution d'El Khalifa Bank en liquidation comme partie civile dans le cadre de cette affaire.




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