Algérie

M'chédallah dit adieu à chikh Abdelkader Mechenane



Jeudi, alors que les plus jeunes ignoraient tout de l'événement, la ville de M'chédallah accueillait pourtant des dizaines de personnes, pour la plupart âgées, venues de différentes régions de la vallée du Sahel et même de la Soummam, rendre un ultime hommage à l'un des dignes fils de la région, l'un des valeureux enfants de la patrie pour laquelle, déjà tout jeune, il s'était sacrifié pour que vive le pays libre et indépendant.Abdelkader Mechenane, l'un des premiers instituteurs de la vallée du Sahel, venait de rendre l'âme la veille à l'âge de 81 ans, dans sa paisible demeure à Ahriq Ouheddouche, relevant du village des Ath Yevrahim dans la commune de M'chédallah, après une maladie incurable qui l'avait forcé au lit depuis plusieurs années. Avec le décès de cet instituteur hors pair, la région de M'chédallah perd une icône de l'enseignement mais aussi une bibliothèque de connaissances désormais fermée à jamais. C'est que feu Abdelkader Mechenane n'était pas un simple instituteur mais, un homme dévoué pour qui le mot enseigner porte déjà une responsabilité, une mission générationnelle dont témoigneront des gens des siècles durant, dans le bon sens ou le mauvais. Et feu Abdelkader le voulait seulement positif et sa mission accomplie, il l'a réussie de haute main. Il était un véritable père blanc ? au sens pédagogique du terme pour éviter toute confusion ? pour tous ceux qui avaient la chance de faire les premiers pas dans la langue de Voltaire entre ses mains. Il était le père, l'éducateur et l'instituteur, pour tous ceux qui avaient la chance de l'avoir comme enseignant. Jeudi, M. Messaoudi, l'un des instituteurs qui l'avait côtoyé pendant les années 1980-1986 dans une école primaire à Ighrem, dans la commune d'Ahnif, ne croyait pas si bien dire en nous rappelant l'une des meilleures réflexions du défunt, qui restera, toute sa vie durant, sa seule devise. « Si un médecin se trompait dans son diagnostic, il porterait atteinte à un seul individu ; si un élu se trompait dans sa fonction, il porterait atteinte à une seule génération ; mais si un éducateur se trompait dans sa noble mission, il porterait atteinte à des générations, des générations, et des générations», dira M. Messaoudi pour nous rappeler combien le défunt Mechenane Abdelkader était conscient de la mission qui lui était dévolue et le degré de dévouement avec lequel il l'accomplissait pendant près de trente ans. Et pour comprendre ce dévouement et ce haut degré de conscience, remontons dans le temps pour voir comment le jeune Abdelkader avait été forgé par la vie. Ayant vécu dans une famille aisée, le petit Abdelkader saura, dès sa prime enfance, s'affirmer et briller parmi tant d'autres enfants de sa génération dans une école mixte fréquentée alors par les fils de colons et les enfants indigènes, c'est-à-dire les enfants des Algériens. Cependant, grâce à son intelligence, le petit Abdelkader réussira brillamment dans ses études primaires et sera admis au collège après sa réussite au CEP, certificat d'études primaires, puis le BEM pour arriver, grâce au dévouement de son père qui lui payera tous les frais nécessaires pour la poursuite de ses études, jusqu'à la terminale. Là, l'adolescent qu'était Abdelkader, qui naquit en 1937, débarquera en France où, appel de la patrie et du FLN oblige, abandonnera les études pour se consacrer au militantisme au sein de l'OCFLN, l'organisation civile du FLN dans laquelle il activera au sein du groupe qui était sous la houlette de Slimane Amirat, dans le Paris XIXe. Là, pendant près de trois ans, il vivra en cachette puisque, ayant refusé l'incorporation sous le drapeau français, en application du mot d'ordre du FLN. Traqué partout, le jeune Abdelkader saura comment se faufiler et passer entre les mailles de la police française qui faisait des rafles dans les cafés arabes de Paris régulièrement. Cependant, après une première arrestation qu'il a pu déjouer, il sera arrêté une deuxième fois et enrôlé de force dans les rangs de l'armée française comme appelé insoumis où il assurera, comme le dira son fils Rachid, des cours de français aux militaires. A sa sortie du service militaire français, il rejoindra aussitôt l'organisation civile du FLN mais, pas pour longtemps, puisque le cessez-le-feu venait d'être signé et l'indépendance de l'Algérie proclamée. En 1962, le jeune Abdelkader, qui était déjà très instruit, débarquera en Allemagne avec son père et travaillera sur place pendant près de 3 ans, avant de répondre à l'appel du Président Boumediène aux expatriés afin de rentrer au pays et aider au redressement. Le jeune Abdelkader rentera définitivement au pays en 1965 et dès son arrivée, il entamera sa carrière d'instituteur tant le niveau d'instruction était plus que satisfaisant pour accomplir comme il se devait cette noble mission. Il rejoindra les pionniers de l'école algérienne des années 1960 de la région comme feu Aoudia Amarouche, ou encore Mechenane Moussa et Mechenane Yahia, Hocine Tahar, Djema Mohand, Nacer Cherif Achour, Limam Mohamed, Seid Dechoune, Bouakline El Hadi, etc. Ainsi, pendant une trentaine d'années durant lesquelles il exercera en tant qu'instituteur, puis directeur et instituteur en même temps et enfin comme inspecteur de langue française, feu Abdelkader Mechenane fera le tour des écoles de la daïra de M'chédallah en enseignant à Chorfa, puis Saharidj, puis Taourirth, puis Themourth Ouzemmour, puis Ighrem et, enfin, Ath Yekhlef d'où il sortira à la retraite vers le milieu des années 1990. Pendant une trentaine d'années, Abdelkader Mechenane formera des centaines et des centaines d'écoliers avec une méthode étonnante d'enseignement, celle qui permet à l'élève, dès la sixième année, d'avoir une base des plus soutenues de la langue française, une méthode d'apprentissage classique mais ô combien efficace et qui a permis même aux élèves qui n'ont pas eu la chance d'aller plus loin dans leurs études de conserver ce trésor légué par un illustre homme de lettres. Le défunt était âgé de 81 ans et laisse derrière lui une veuve et neuf enfants, huit garçons et une fille, et une vingtaine de petits-fils et petites-filles. Repose en paix, chikh Abdelkader !
Y. Y.


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