Des militaires, entassés dans un bus, sont pris entre les tirs croisés de terroristes ; plus d'une dizaine d'entre eux sont tués et autant d'autres blessés.La scène se déroule en Kabylie, une région que les chefs d'Al Qaîda ont transformée en QG. Cinq mois plus tard, non loin de là, un Français est enlevé puis décapité. Quelle explication donner à ces actes ' Peut-on parler de faille dans le dispositif de lutte antiterroriste ' De dysfonctionnement dans la collecte du renseignement ou tout simplement de volonté délibérée du pouvoir de maintenir un niveau de violence dans cette région ' Des questions auxquelles des militaires en fonction ou retraités, d'anciens patriotes et d'ex-GLD (groupe de légitime défense) ont tenté d'apporter des réponses, sous le couvert de l'anonymat en raison de la sensibilité du sujet.Pour nos interlocuteurs, «les terroristes ne sont pas plus présents en Kabylie qu'ailleurs. Cependant, des forces occultes veulent que cette région soit à chaque fois stigmatisée parce qu'elle a toujours été rebelle vis-à-vis du régime». Il est vrai, reconnaît un ancien colonel de l'armée qui a eu à exercer à Tizi Ouzou, que le relief de la région de Tikjda, par exemple, «est idéal» pour les groupes armés. «Sur le plan militaire, la région offre une vaste forêt pour se protéger de la surveillance aérienne, de nombreux cours d'eau mais aussi des montagnes qui donnent accès à deux wilayas, Bouira et Tizi Ouzou. Sur le plan tactique, sachez que les groupes qui y sévissent ont depuis longtemps tiré les leçons du GIA. Ils ne s'attaquent pas à la population civile, mais plutôt aux forces de sécurité. Ils ont subi de lourdes pertes, ces dernières années, qui les ont poussés à réduire considérablement leurs activités sur le terrain», révèle l'ex-officier.Nos interlocuteurs s'accordent sur un point : la population a, de tout temps, informé des mouvements des groupes ou des actes de terrorisme dont elle est victime. Mais la réaction des services de sécurité n'est pas instantanée : entre le moment où l'information est donnée et celui où les gendarmes ou les militaires sortent sur le terrain, les terroristes sont déjà très loin. «Notre armée réagit comme un véritable mammouth. Elle fonctionne encore avec les ordres à plusieurs niveaux. Ce qui lui fait perdre beaucoup de temps et quelquefois des vies humaines», déclare l'ancien patriote.Son ami, ex-GLD, rappelle que «trois jours avant l'enlèvement du touriste français, un groupe terroriste avait intercepté des jeunes dans la même région. L'alerte a été donnée, mais la réaction est venue bien trop tard». Nos deux interlocuteurs évoquent des failles dans le dispositif de lutte contre le terrorisme : «Tout le monde sait que les terroristes quittent cette vaste région montagneuse dès les premières neiges pour aller vers la périphérie des villes côtières où il est plus facile de les repérer grâce au renseignement. Mais cela n'est plus possible. Cette mission de collecte d'informations était surtout dévolue aux patriotes et aux GLD, lesquels ont été démobilisés et désarmés par les autorités, au milieu des années 2000. Depuis cette décision, le rendement des services de sécurité a lourdement diminué et influé négativement sur les liens avec la population.»Un officier en fonction abonde dans le même sens, tout en essayant de relativiser : «Nous ne pouvons nier les exploits des services de sécurité dans la région. Il ne faut surtout pas faire en sorte qu'un acte terroriste nous fasse oublier notre victoire sur les groupes armés. Cependant, il faut reconnaître que des erreurs d'appréciation nous ont coûté des vies humaines, comme cela a été le cas lors de l'embuscade tendue à des militaires en avril dernier. Nous savons tous qu'il était suicidaire de laisser un bus emprunter cette route dans ces conditions. Ce sont des erreurs qui peuvent arriver mais qui ne doivent pas faire oublier tout le travail accompli sur le terrain.»Un patriote de Boumerdès souligne, quant à lui : «Nous ne disons pas que les services de sécurité ne font rien, loin de là. Cependant, nous aurions pu en finir définitivement avec ces poches terroristes qui donnent une très mauvaise image de la Kabylie.» Un avis que partage ce chef patriote : «La politique de réconciliation nationale a transformé une victoire militaire en défaite politique. Je suis convaincu que le régime veut maintenir le terrorisme à une sorte de niveau 3 sur l'échelle de Richter. Il y a comme une histoire de vases communicants entre le régime et les groupes résiduels. Chacun a besoin de l'autre pour survivre et durer.»Ainsi, aussi bien pour les uns que pour les autres, la question de l'incapacité de l'Etat, avec tous ses moyens, à en finir avec les dernières poches terroristes, reste entière pas seulement en Kabylie, mais également ailleurs.
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Posté Le : 01/10/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Salima Tlemçani
Source : www.elwatan.com