Algérie

LSD, dernier roman de Djamel Mati



LSD, dernier roman de Djamel Mati
Dans les lointaines contrées africaines, en plein soleil éthiopien des plaines de l’Afar, Yves Coppens met au jour les restes d’une australopithèque qu’il appellera Lucy ; l’inspiration vient de la célèbre Lucy in the sky with diamonds immortalisée par les Beatles et par la voix cristalline de Paul Mc Cartney.
Il s’agit de quelques cristaux de LSD, une drogue synthétique créée par Timothy Leary, devenu pape de la contre-culture américaine et du mouvement hippy en général. On a toujours cru que Djamel Mati, un martien original de la nouvelle littérature algérienne, est armé d’amphétamines pour écrire ses romans déjantés et époustouflants. Pourtant cet écrivain flamboyant est le symbole de la lucidité même. Précis et pointu, il est de formation universitaire, ingénieur en chef en géophysique, il vit à Alger et se consacre de plus en plus à la culture livresque. Romancier régulier, il dépasse six ouvrages édités avec pas moins de cinq romans au compteur. Dans LSD, il revient à la géomorphologie, là où des personnes comme le professeur Larbi se sont intéressées à la matrice originelle, à des questionnements existentiels dans le ventre des origines. Djamel Mati, dans sa douce folie littéraire, s’en va allègrement décrire dans une prose unique tout simplement… la création du monde, eh oui ! La genèse, le big bang, Darwin questionné par Lucy, la jolie australopithèque qui est notre grand-mère à tous… L’écrivain très sérieux dans son entreprise à rebours nous a toujours familiarisés avec une atmosphère sulfureuse, évaporée et pourtant bien ancrée dans le réel des mirages, de tous les mirages. Djamel Mati possède un sens inné de la prose ironique. Il est farouchement sérieux dans ses approches détaillées de la nature humaine (prenons pour preuve la riche bibliographie en fin du roman). Il intègre tout cela dans un soupçon décalé de lucidité à l’ombre de la drogue, un univers qu’il choisit à bon escient pour un souci de liberté induit par le concept parallèle. Aldous Huxley, dans ses fameuses Portes de la perception avait investi ce délicat territoire des drogues dures ou assimilées comme telles comme ce fameux cactus duquel était extrait le peyotl, un puissant narcotique usité par les Indiens du Mexique et qui leur ouvrait un autre chemin de perception. Dans son livre romanesque à souhait, Mati s’interroge sur Dieu, la vie et les lois darwiniennes. La figure satanique et méchante est Sonny Natas. Les anagrammes se perdent en conjectures… Charles Darwin échouerait à ses examens s’il était encore vivant aujourd’hui, surtout s’il connaît la belle Suly Lennon qui a réussi, elle, ses examens en anthropologie culturelle. Ce roman étrange est parfaitement jubilatoire, superbement documenté en préhistoire, religion et science. On a ainsi même droit à quelques notes musicales de Bob Dylan, des Rolling Stones ou bien même des Beatles. Sur une bibliographie assez riche, Djamel Mati nous emmène en visite dans le temps avec son particularisme très bien écrit, au demeurant, pour jouer avec les concepts les plus délirants. Et c’est un voyage dans le temps, aux origines de l’homme. Le scientifique préhistorien Yves Coppens serait content !!!
Après avoir commis quelques romans insolites à inscrire dans la nouveauté éditoriale après Le bug de l’an 2000 chez l’OPU en 1999, Sibirkafi.com, un esprit tourmenté aux éditions Marsa en 2003, Fada ! Fatras de maux, chez Apic , en 2004, Aigre doux, les élucubrations d’un esprit tourmenté chez Apic en 2005 et On dirait le Sud paru aussi chez Apic en 2007, LSD, paru chez Alpha Éditions cette année est donc une délicieuse aventure, décalée à souhait dans un roman très accessible et qui prend à contre-pied tous les poncifs du genre, une bien belle virée dans l’archéologie des sens, où les belles phrases d’auteurs et les audaces livresques trouvent leur épanouissement dans ce roman à lire plus d’une fois, juste pour le plaisir de découvrir un univers fabuleux, peuplé d’images les plus prégnantes.


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