Algérie - A la une


Louisa 47eME PARTIE
Résumé : Louisa est heureuse. Enfin, elle le pensait, car la nostalgie ne tarde pas à la reprendre. Elle s'était liée d'amitié avec sa logeuse... une vieille veuve de guerre qui vivait seule. Louisa repense à ses parents. Heureusement qu'elle avait auprès d'elle son frère Aïssa. Ce dernier était devenu routier et gagnait bien sa vie, mais avait de mauvaises fréquentations.
Un jour, alors que je sortais d'une grande surface, je rencontrais mon frère en galante compagnie.
Elle avait deux fois son âge, était maquillée à outrance, et arrogante comme pas une.
Aïssa, tout heureux, vint me la présenter :
- Salut petite s'ur... je te présente Monique. Elle est belle n'est-ce pas '
La femme me toise, avant de faire une grimace en guise de sourire. Ses dents étaient gâtées par la cigarette et la boisson, et elle avait des yeux d'un bleu gris, empreints d'une froideur inimaginable. Ses cheveux teints en blond platine ternissaient davantage son teint de poupée de porcelaine.
Je regarde mon frère en face :
- J'aimerais te parler Aïssa... Heu... pas ici bien sûr... Tu penseras à passer à la maison...
Il m'interrompt avec un large sourire :
- Bien sûr... nous passerons moi et Monique pour un café...
Je lève la main d'un geste impatient :
- Non... Tu viendras seul... Affaire de famille.
Monique me lance un regard mitrailleur. À cette minute, naîtra pour toujours son animosité à mon égard.
Pour me narguer, elle prend le bras de mon frère, et l'entraîne vers le coin de la rue.
Je verse des larmes d'amertume. Mes parents voulaient ce qu'il y avait de mieux pour Aïssa. Ils avaient consenti les larmes aux yeux à le laisser s'installer en Europe et loin d'eux. S'ils voyaient cette marionnette avec qui il passait son temps, ils en mourraient de honte.
Aïssa était certes mon frère aîné, mais j'étais plus avisée que lui. Je voyais où allait l'emmener son inconscience.
Lorsqu'il vint chez-moi, Aïssa, qui connaissait impertinemment ma réaction vis-à-vis de son amie, tenta de plaider sa cause :
- Toi tu as Kamel... Tu as quelqu'un qui t'aime et qui pense à toi... Par contre moi...
- Kamel est mon mari... Par contre, que pourrait représenter cette femme pour toi '
- Une amie... une compagne...
- Une épouse... '
Il baisse les yeux, puis les relève pour me demander :
- Tu y vois un inconvénient '
- Je vois que tu perds ton temps Aïssa... Et tu vas gâcher ton avenir et ta vie si tu continues à fréquenter cette loque.
- Je... je ne la fréquente pas... Je vis avec elle.
- Je m'en doutais... Ne me prends pas pour une gourde.
Il sourit :
- Tu es loin de l'être Louisa. Mais, vois-tu petite s'ur, je n'y peux rien, c'est plus fort que moi.
Je me mets à réfléchir rapidement quant au moyen de tirer mon frère de cette mauvaise posture. Je repense au bled, et à mes parents. L'image de Tassadite ma cousine s'affiche devant mes yeux.
- Aïssa, je n'ai pas vu mes parents, cela fera bientôt trois ans. J'ai la nostalgie du bled.
Il s'approche de moi et me prend par les épaules :
- Tu veux rentrer au bled pour quelques jours '
- Oui... mais comment faire... ' Kamel ne pourra pas m'accompagner, il est très pris par son travail. Mais... mais toi... tu n'as pas encore pris ton congé cette année.
- Tu veux dire... (Il s'humecte les lèvres ) tu veux que je t'accompagne... c'est çà... '
Je hoche la tête d'un air résigné :
- Qui d'autre pourrait le faire en dehors de mon mari. Il n'y a que toi Aïssa. Et puis cela te changera de tes journées mornes ici à Paris.
- Mes journées ne sont pas du tout mornes. Je sais occuper mon temps et...
Je lève une main protestante :
- S'il te plaît mon frère, s'il te plaît... Je connais tout ton emploi de temps... Enfin assez pour en conclure que tu perds beaucoup de temps dans les futilités. Tu as la chance de réussir sans trop de mal dans un pays où des émigrés mettent des dizaines d'années pour s'en sortir. Tu as quitté le crasseux dortoir pour un beau logement dans un des quartiers les plus connus. Tu travailles bien et tu gagnes beaucoup d'argent. Que veux-tu de plus ' Tu es encore jeune et ambitieux, je ne veux pas que tu gâches ton avenir.
Aïssa pousse un soupir :
- Je ne gâche pas mon avenir Louisa... Je vis. Je veux vivre tant que j'ai encore ma jeunesse et ma santé... Je ne veux pas finir comme ces émigrés qui passent leur vie à se priver de tout, et mettent leur argent de côté pour les vieux jours... Ah... Ah... Ah... Comme s'ils savaient qu'ils allaient vivre jusqu'à cette étape. Souvent ils crèvent ici même, dans des mines ou des usines et retournent chez eux dans un cercueil. Ceux qui y échappent avec un peu de chance, sont souvent atteint de maladies incurables et donc invalides pour le restant de leurs jours. Louisa... petite s'ur... Je ne veux pas passer ma vie à trimer pour rien. Je veux vivre comme je l'entends.
- Très bien Aïssa... Je ne vais pas trop m'étaler là-dessus. Je veux juste que tu m'accompagnes au bled pour quelques jours.
(À suivre)
Y. H.




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