Nous sommes au milieu des années 1970. La JSK venait de gagner son premier titre de champion d'Algérie alors que personne ne l'attendait à ce niveau, puisqu'elle n'avait que quelques années dans les jambes et dans la tête au premier palier de la compétition nationale. Dans la foulée, l'Algérie venait d'organiser les Jeux méditerranéens où la sélection nationale de football a réussi à mettre une précieuse médaille à son coup dans une finale éclatante de suspense et surtout de symbolique. Dans ce paysage où le sport débordait largement même s'il suscitait de vraies et intrinsèques passions, émergeait Loucif. Sportivement brillant et naturellement élégant, on aurait pu l'imaginer dans cette posture qui lui promettait une grande carrière et ce n'était déjà pas si mal pour l'enfant d'Igoufaf. Mais les grands sportifs, ceux qui ont été des légendes ou pouvaient y prétendre n'y parviennent qu'en livrant à l'Histoire et aux leurs quelque chose qui aille au-delà du sport. Sinon, la boxe, tout le monde peut en faire, même si tout le monde ne peut pas gagner des ceintures dorées. Loucif a fait les deux et quand on y pense, ce n'est pas certain de trouver le bon ordre chez lui : la boxe puis le reste ou l'inverse ' Allez savoir. Une chose est sûre : chez ceux, en Kabylie particulièrement, qui l'idolâtraient, il n'était pas du tout évident que le « noble art » soit une passion. Il en est même qui, de leur vie, n'avaient pas vu un combat avant l'avènement de Loucif. Pour la plupart, ils étaient aussi incapables de citer le nom d'un autre pugiliste en dehors des adversaires de leur idole qu'ils découvraient au fur et à mesure de ses combats. Justement, au milieu des années 1970, nous étions une bande de copains qui ne connaissaient rien à la boxe mais savaient ce que représentait Loucif. D'abord, parce que ça arrangeait bien nos rêves d'émancipation que de compter des « grands » parmi les nôtres. Ensuite, parce que Loucif n'a jamais démenti ce qui, après tout, pouvait n'être qu'un fantasme et les désillusions en l'occurrence n'ont pas manqué. Non seulement il n'a pas démenti mais il a confirmé avec brio et courage tout ce qu'on attendait de lui. Pour le souvenir, nous étions au milieu des années 1970 une bande d'ados que rien ne décourageait quand il s'agit d'aller à la rencontre de ceux qui, pour nous, étaient des éclaireurs, sinon des symboles. Comme il n'y avait pas encore d'électricité dans notre village, la télé était inaccessible et... Loucif, la JSK, Idir, Aït Menguellet aussi. Enfin, quand on daignait les passer. Comme l'effort physique ne pouvait pas nous arrêter, nous allions dans le village le plus «proche»? près d'une dizaine de kilomètres ? qui avait l'électricité et un café avec poste de télévision pour nous accueillir. C'est là que nous découvrions la boxe, en tant que sport. Avant, beaucoup d'entre nous pensaient que c'étaient de vraies... bagarres. Et ces combats qu'il gagnait toujours. Et sa mère en robe kabyle, le mendil et la fotta sur les rings d'Algérie et d'ailleurs... Jusqu'à cette terrible défaite qu'on n'avait jamais imaginée, puisqu'avec Lounis, on oubliait carrément la... boxe. Loucif est parti, il nous lègue l'image d'un valeureux combattant. On pensait que la défaite lui était interdite, même face à la maladie. On avait oublié la mort, comme on avait oublié la boxe. Salut, champion.S. L.
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Posté Le : 11/11/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Slimane Laouari
Source : www.lesoirdalgerie.com