Algérie

Lotfi Double Canon fait oublier Khaled…



Une heure et demie durant, Lotfi Double Canon a réussi à maîtriser les milliers de jeunes qui ont afflué au théâtre de verdure pour assister à son concert. Mais quel est le secret de cette réussite ? Son style sans nul doute. Lotfi ne chante pas mais tente et réussit à jeter les ponts rapidement avec le public. Son concert a été un dialogue permanent avec les jeunes. Entre une chanson et une autre, il s'explique, il demande un avis, il raconte une anecdote. Rappeur fini, il se déploie physiquement comme un diable, en même temps il entraîne avec lui le public dans cette dépense d'énergie. Donc, il s'accorde des petits moments de répit qu'il arrive à meubler avec la parole pour maintenir l'osmose qu'il a créée auparavant. Mais sur ce chapitre, Lotfi ne fournit aucun effort. Parce qu'il est simple, convaincu d'être dans le vrai et surtout fort de son ancrage social. Déjà dans sa conférence de presse à Oran, il a démenti la rumeur faisant de lui un fils d'un haut gradé de l'armée ce qui lui offre toutes les latitudes pour critiquer le pouvoir en place et de bénéficier de l'impunité.

 Pur produit de la société algérienne, il puise sa force de sa sincérité et de son honnêteté. Il sait et se réclame en tant que chanteur qui essaye de transmettre un message aux jeunes, mais sans plus. Il ne se prend ni pour un devin encore moins pour un révolutionnaire.

 Dans la soirée du mercredi à jeudi, il a entamé sa soirée par son fameux tube «goulou lalhoukouma» (Dites au gouvernement). Une chanson reprise avec lui par des milliers de gorges. Il a continué sur ce style enflammé et enflammant avec un autre tube «cafi» déformation du terme cave. Il est à souligner que Lotfi a une sacrée présence sur scène qu'il dompte merveilleusement bien. Il se déplace d'un bout à l'autre en interpellant les jeunes, en raillant les responsables (notamment ceux qui ont déserté son concert). Sa gestuelle n'a rien à envier aux rappeurs d'outre-mer puisqu'il réussit à traduire par le geste la charge de rage et de révolte contenue dans ses paroles. Le concert continuera sur cette lancée jusqu'au moment où les organisateurs ont décidé un break pour offrir un bouquet de roses au chanteur qui fêtait son anniversaire sur scène. Mais la seconde partie de son concert a été plus apaisée. Il l'entamera par un morceau sur les mères, trop chargé d'émotions, peut-être histoire de démontrer qu'il n'est pas seulement un «gueulard». Comme par magie, cette chanson a eu un effet extraordinaire sur le public qui s'est subitement apaisé. Il continuera avec d'autres chansons critiques mais pas ouvertement politiques. Elles tournent autour de la fainéantise des jeunes, sur le mimétisme des femmes… Il reprendra des tubes se rapportant à l'épopée d'Oum Dorman. Encore cette fois-ci, le public a été totalement en phase avec son idole. Des milliers de voix ont repris avec Lotfi les refrains de ses chansons apparemment très populaires chez les jeunes. Notons quand même que certaines paroles de ces chansons frisent la xénophobie et le rejet de l'autre.

 Mais Lotfi, pour des raisons particulières, n'a pas répondu à une sollicitation de son public qui a longtemps réclamé la chanson «Blad Mikey». Même quand il a terminé son concert, et il faut dire qu'il s'est arraché difficilement de la scène, le public continuait à réclamer ce titre. Ce qui a amené Aoued, l'organisateur des festivités marquant le quarante neuvième anniversaire de l'Indépendance de répliquer en disant «c'est Blad Mikey qui vous a offert gratuitement un concert de Lotfi, de Khaled? Bilal et les autres…». En somme, le concert de Lotfi Double Canon à Oran a été une réussite. Surtout qu'il s'est terminé en laissant une interrogation en suspens : l'institution peut s'accommoder de prestation artistique critique par rapport à elle mais dans des limites raisonnables. Au-delà, elle reprend ses réflexes et se résout à la censure…

 «Harage» et «Hiroshima», deux rappeurs de la ville d'Oran ont assuré l'ouverture du concert de Lotfi Double Canon. Si le second a pu attirer l'attention du public, le premier a presque été obligé de quitter la scène.




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