« Que de misère
sur terre, tout ça pour finir dessous» Jean Teulé,
romancier français
« Los indignados»!!,
c'est ce que l'imaginaire ibère a trouvé de plus expressif et de plus touchant
pour dépeindre en mots concrets le mal-être de toute l'Europe. A l'autre bout
du tableau, les politiques s'en balancent et tergiversent. En effet, la facture
sociale de cette «crise de la zone euro» est si salée que les capitales occidentales
sont politiquement excédées et économiquement au bord de la banqueroute. Que
puissent-elles faire face à ce tsunami protestataire alors que ce dérèglement
et «parasite» économique ne cesse de ramper de jour en jour sur leur quotidien
politique? Berlusconi quitte le pouvoir laissant l'Italie face à son destin de
débitrice insolvable (plus de 1900 milliards d'euros) et Papandérou,
son homologue grec, est empêtré dans un dilemme politico-économique aux tenants
obscurs et aux aboutissants incertains tandis que Paris et Berlin, les deux
géants européens un peu déstabilisés, pensent déjà à l'ère de l'après-euro. Que va-t-il se passer alors ? La communauté
européenne disparaîtrait-elle dans un proche avenir ou laisserait-elle les pays
en crise d'endettement crever dans leur mélasse en sauvant seulement ce qui
reste du prestige de la maison entamée par l'ardeur du feu? Nul besoin de trop
disserter là-dessus: les occidentaux, au lieu d'inventer des solutions
intra-muros, vont certainement chercher des boucs-émissaires
un peu partout dans le monde et plus particulièrement dans l'aire arabo-musulmane, afin de s'en servir comme exutoire à leur
asphyxie interne, les armées de Louis XIV n'avaient-elles pas envahi l'Algérie
en juin 1830 pour des raisons purement économiques (manque de récoltes et
sécheresse endémique) essayant par là de détourner le regard d'une société
française particulièrement critique à l'égard de la politique de la cour
royale? Les dictatures arabes, dépassées par le temps et gagnées de l'intérieur
par une grogne populaire sans précédent offrent à cet effet et sur un plateau
en or une opportunité inespérée aux économies européennes agonisantes. C'est
parfaitement ce qui ressort de la position française à l'égard du conflit
syrien. Bachar Al-Assad aurait,
en tyran baasiste, novice et débutant, fait feu de tout bois afin de mater une
opposition à forte composante islamiste (plus de 3500 victimes depuis le mois
de mars) et Paris, au nom d'une certaine politique arabe de la France, surannée et
démodée, érigée par De Gaulle (1890-1970) en sacerdoce, aurait emprunté le sens
inverse en soutenant l'opposition islamiste dans l'unique objectif de frapper
l'Iran et le Hizbollah (bailleurs de fonds et bases
de soutien en logistique de la résistance palestinienne), par le biais de la Syrie.
Ce qui laisse à
penser que la perspective du retour islamiste sur la scène politique
moyen-orientale dans ce cas de figure intéresse moins l'Occident en général et la France en particulier
surtout lorsque l'on devine bien que l'enjeu de taille est la protection des
intérêts d'Israël et la mise sur orbite du trublion iranien, les seuls deux
variables compliquées en ce moment de l'équation conflictuelle arabe et
sioniste, sachant qu'au départ, le printemps arabe desservirait plus qu'il ne
servirait toutes les stratégies de ce dernier. L'islamisme politique, encore
faut-il le rappeler, est une supercherie et une invention purement occidentale
visant à mettre sous tutelle des peuples arabes jugés jusqu'à la veille du 14
janvier 2011, date du renversement de l'autocrate tunisien, mineurs à vie et
nécessitant de jure et de droit la protection intensive et «l'autorité
parentale occidentale». Parfois, les vérités politiques sont moins «digérables»
que l'on pense mais force est de constater qu'à trop observer la scène
diplomatique mondiale, on serait amenés à dire que les mensonges de l'Oncle Sam et ses alliés à propos du prétendu pouvoir de nuisance
de «pays voyous» (Iran, Corée du Nord et Syrie) sont par trop exagérés. Raison
pour laquelle, il serait commode d'affirmer ici que toutes les campagnes
militaires occidentales sont dans leur grande majorité dirigées pour renverser
les présidents, chefs et Raîs arabes et non plus,
comme le font miroiter les intellectuels faussaires et «les chiens de gardes»
médiatiques, pour apporter une quelconque démocratie, si rudimentaire
soit-elle, sur les terres arabes et de surcroît garantir «la paix régionale»
tant souhaitée. Que l'on se rappelle bien du cas typique de Saddam qui, en
dépit de toutes les concessions qu'il a faites pour les américains en sa fin de
règne (inspection des lieux stratégiques de la présidence et de tous les sites
militaires entrant dans le domaine de la souveraineté nationale), aurait
cependant succombé à l'invasion des yankees et des anglais en dehors de toute
légalité internationale. Néanmoins, ce qui est révoltant dans la démarche
anglo-américaine de l'époque est que, ce ne fut plus la recherche des armes de
destruction massive ni la lutte anti-terroriste à l'échelle internationale au
lendemain des attentats du 11 septembre contre les deux tours jumelles du «New-york» qui en furent le motif mais tout simplement la
liquidation physique de Saddam, à preuve que le pays aurait, pendant plus de 10
ans d'embargo (1993-2003), été vidé de son énergie, avec plus de 1,5 de morts
des suites de la malnutrition, une fragilité intérieure avérée (révolte kurde
et chiite, dissension au sein du clan présidentiel), un isolement sur le plan
international et médiatique des plus dégradants, un tissu économique détruit et
déstructuré, et des classes moyennes, garantie de toute stabilité, écrasées et
effacées, sans que tout cela ait provoqué le moindre frisson chez «Saddam» qui
tenait toujours bon face à la menace étasunienne ni bougé la moindre petite
fibre sensible de Bush, appuyé par une armada de faucons néoconservateurs
va-t-en guerre. L'Occident sait pertinemment que les sanctions économiques et
les frappes militaires ne servent ni ne mènent pratiquement à rien sinon à
envenimer et aggraver encore plus la situation dans ces pays tiers-mondistes,
livrés à eux-mêmes, et cadenassés entre les crocs impitoyables des tyrannies.
Le cas actuel, fort pitoyable d'ailleurs, de la Syrie participe amplement de
ce constat, Bachar al-Assad
en écartant l'offre du dialogue proposée par la Ligue arabe le 2 novembre
dernier, risque de mettre son pays et tout le Moyen Orient dans le tunnel du
chaos. L'isolement diplomatique de son clan serait d'autant plus pernicieux
qu'il lui confère le statut peu enviable de la Corée du Nord. Certes, «les sanctions
économiques» est une piste alternative envisageable et
préférable à la guerre mais elle est en même temps, une barbarie humaine qui va
appauvrir plus le peuple syrien. Il faut rappeler ici que James Baker,
l'ex-secrétaire aux affaires étrangères de la maison blanche, aurait même
promis en début des années 90 de ramener l'Irak à «l'époque préindustrielle» et
Madeleine Albright, son successeur sous l'administration Clinton n'avait plus
cure des images choquantes d'enfants cadavériques et décharnés dont avait
accouché l'ordonnance pharmaceutique «macabre» de son intransigeance à mettre
Saddam à genoux. Pire, en plus de la stratégie «paix contre nourriture»,
l'opération la plus meurtrière de l'histoire après le génocide des populations
de l'Amérique latine au XV par les espagnols et la politique de paupérisation
colonialiste «la terre brûlée» que la
France avait pratiquée en Algérie, l'administration Clinton
aurait, pour couronner le tout, piloté une gigantesque campagne militaire en
1998 baptisée «le renard du désert» contre le régime irakien prétextant une
«légitime défense» contre une imminente et imaginaire menace des sbires de
Saddam!! Un régime rentier qui survit grâce aux dividendes de la manne céleste
pourrait-il vivre sans le moindre sou et en menacer d'autres?
A cet effet, le
groupuscule des néoconservateurs n'avait rien trouvé
de mieux que de bombarder les civils pour accélérer la cadence de l'horreur, de
l'abjection et de bêtise humaine. L'Occident est, par moments, mitigé
(conscience morale envahie par une exigence de démocratie sur fond de
pragmatisme économique) et par endroits, frileux et sceptique dans la mesure où
il se cache derrière des avalanches de déclarations dévotes et de discours
grandiloquents en faveur des gérontocraties arabes véreuses, maffieuses et sans
états d'âme aucune. Lesquelles installées en des pays tout autant anémiques que
dépolitisés sous réserve d'y maintenir ses intérêts stratégiques propres. C'est
pourquoi, il entretient la peur de l'autre comme une donnée stratégique et un
point d'appui non négligeable. Dans cette perspective, El-Gueddafi
fut représenté comme le plus grand despote et terroriste que l'humanité ait
connu, Ben Laden comme étant le roi de la terreur et Saddam le cÅ“ur du danger
même, rien n'en fut puisque comme l'a bien décrit l'anthropologue marocaine
Fatima Mernissi dans son ouvrage ( La peur-modenité-conflit Islam Démocratie) « l'Occident tisse
notre peur comme une araignée sa toile, il suffit d'attirer une idée dans cette
toile pour qu'elle prenne l'odeur de la terreur et frôle l'interdit» C'est
exactement cela que les indignés madrilènes, ceux de Paris, de Washington et de
toutes les capitales occidentales n'avaient pas compris à temps et qu'ils
dénoncent maintenant sous nos yeux. Le libéralisme est une machine colossale de
déshumanisation à l'échelle planétaire. Pire, c'est un poison qui a phagocyté
en lui tous les rites machiavéliques de détournement des richesses de pays
pauvres, d'encouragement des dictatures à grande échelle et de reproductions de
régressions alarmantes du bon sens (allusions aux croisades de Bush). Les
révolutions arabes, quoique l'on en dise, sont véridiques, transparentes et
originales. Il n'y a plus cette fameuse théorie du complot que l'on colporte
comme un vulgate de saintes écritures sur les lèvres
et les épaules chaque fois qu'une exception à la règle surgit. C'est un
contresens et une aberration purement historique. Pris au dépourvu par
l'ampleur et la vitesse des révoltes de la «rue» arabe, les Occidentaux
essaient coûte que coûte de rattraper leurs erreurs d'appréciation et leurs
faute de «casting» (le cas typique de Michèle Alliot-Marie,
ex-locataire du «Quai d'Orsay», qui n'a trouvé meilleur remède que d'envoyer de
l'arsenal anti-émeutes à Ben Ali pour mater des manifestants innocents en est
plus qu'instructif voire dramatique), par un remodelage sinon un ramollissement
de discours politiques (surtout envers l'islamisme politique), un «reformatage»
d'axe diplomatique (plus de soutien aux démocraties naissantes qu'aux
dictatures décadentes) et une palette d'offres de bons offices (propositions
d'assistance et d'aide aux nouveaux régimes installés par la volonté
populaire). Néanmoins, les stéréotypes de «l'arabe» dépolitisé et enclin à la
violence reste jusqu'à présent de mise dans les analyses des milieux de
l'intelligentsia hexagonale. C'est pourquoi, l'on assiste à «la ridiculisation»
de ce printemps arabe au stade de simples révoltes désordonnées, anarchiques et
par-dessus le marché, en quête d'idéaltype dans l'histoire occidentale qui
regorge d'épopées et de patrimoine démocratique. L'empressement des «indignados» à calquer la spontanéité originale et
originelle des rues du «Caire», de «Tunis» et de «Benghazi» sur leurs
initiatives protestataires a, en revanche, démenti toute cette panoplie
d'arguments mensongers et de prétextes fallacieux que les médias occidentaux
ont su avec tact et doigté véhiculer. La concomitance de la crise européenne et
du printemps arabe a débouché, par un effet boomerang hallucinant et pour la
première fois dans l'histoire sur la convergence fusionnelle des «idéaux et de
stratégies de lutte» entre la sphère sud et nord de notre planète. Si le
contexte en terre arabe est purement politique, celui de l'Occident est d'ordre
proprement économique, n'empêche que ce «consensus protestataire» des masses
européennes pourrait mener à moyen et long terme à une véritable mutation «idéologico-politique» des relations internationales. C'est
ainsi, soit dit entre deux petites parenthèses, que le dernier discours
télévisé du président Sarkozy est en gros en faveur de «l'intermédiation»
économique du dragon chinois. Chose inconcevable, il y a peu de temps avant et
qui aurait pu, souveraineté nationale oblige, être assimilée plus spécifiquement
en France à une «trahison nationale» haut degré avec le bloc communiste.
Sarkozy, en président pragmatique et pro-américain,
aurait laissé entendre que l'incapacité européenne à résoudre les problèmes
économiques dont elle souffre allait s'inscrire inéluctablement dans la durée.
On est, s'il l'ose dire, en pleine ère d'«agonie des idéologies»: pas d'orgueil
national ni de souveraineté étatique au sens classique du terme mais simplement
des intérêts géostratégiques et économiques.
Par ailleurs, il
est fort probable que si des solutions urgentes au marasme européen ne
s'inventent pas, le processus de «démondialisation»
systématique se construirait et se renforcerait de lui-même et par lui-même. A
ce titre, les pays du (B.R.I.C) (Brésil, Russie, Inde, et Chine), d'ailleurs
parmi les soutiens les plus actifs de la politique d'Al-Assad
en Syrie, vont se placer économiquement et politiquement parlant, en tête de la
locomotive mondiale. Ce qui favoriserait à coup sûr la formation d'un nouveau
type de gouvernance planétaire, jumelé avec une société civile
intercontinentale basée sur les revendications légitimes des «indignados» éparpillés un peu partout sur notre globe. Ces
poches de résistance à la misère qui, en d'autres temps, ont constitué ce que
le philosophe allemand Karl Marx (1818-1883) appelle à son époque et à juste
raison «le prolétariat», se poseraient sans l'ombre d'un doute aujourd'hui en
une «alternative», voire «un bouclier humain» à un Occident néolibéral,
«globalisé» et en souffrance. Ainsi, l'O.M.C
«l'organisation mondiale du commerce» que l'économiste égyptien Samir Amin
(1931-2011) désigne du sordide sobriquet du «ministère des colonies»
disparaîtrait forcément pour laisser place vacante aux économies émergentes de
l'Asie, de l'Amérique Latine et du Maghreb. Ce scénario ne serait plus utopique
dans un proche avenir quoiqu'à l'heure actuelle peu vraisemblable, dans la
mesure où la tendance générale penche vers la chute de cet «empire de la honte»
qu'est le libéralisme occidental pour paraphraser les termes très pertinents du
philosophe suisse engagé Jean Ziegler. Lequel fut issu directement de la
révolution industrielle en Europe à la fin du XVIII siècle. Les cris des sans-voix broyés par une mondialisation-laminoir,
inique et déprimante ainsi qu'une stratégie conspiratrice accélérée et
savamment distillée par les propagandistes de tous bords (théoriciens des chocs
de civilisations, les Illuminati et les néoconservateurs) ne manqueraient pas de susciter de l'émoi
dans le cÅ“ur même de la rue hexagonale et chez les élites occidentales,
marginalisées et dissidentes.
Ainsi le front altermondialiste secondé par celui des écologistes
pourrait-il exploiter à titre d'exemple les défaites du néolibéralisme
occidental et des néoconservateurs américains en
Afghanistan, en Irak ainsi qu'en Palestine et les hésitations d'Obama à s'engager dans la voie d'un monde «multipolaire»
impliquant la participation des peuples du Sud à gérer la planète dans l'unique
perspective tactique d'inverser la donne et les rôles des acteurs mondiaux
(asiatiques, africains et afro-américains). Le sort du monde peut en ce sens
changer de façon subite et primesautière à la manière et selon la recette
miraculeuse du printemps arabe. L'apparition de mouvements structurés autour
des opposants en cette aire géographique ayant réussi à «dégager» les tyrans
serait à même de déplacer «l'espace d'influence et de turbulence» en Europe et
aux États Unis, les dernières émeutes et braquages en cité londonienne en sont
la parfaite illustration. En ce point, il convient de dire que la démocratie
«procédurale» de l'Occident, de loin fort hégémonique, va être contestée et
taxée en tant que pure dictature non sur la base de son orientation politique
mais uniquement et surtout sur son inefficacité voire, «austérité» économique
des derniers temps.
Autrement dit,
les régimes politiques occidentaux ne seraient plus considérés comme des
«gérontocraties dictatoriales» sur le style arabe s'appuyant sur le passé
mythique, l'ascendance prophétique et l'héritage clanique et du trône mais des
«oligarchies élitistes», idéologisées, «cognitivisées»
et formatées par le moule de la société consumériste et qui, comble d'ironie,
sont à forte tendance économique. Ce qui est de nature à sacrifier l'intérêt
des bas-fonds sociaux. Dans ce contexte, il serait plus difficile aux
occidentaux de tenir le coup car d'une part, ils n'ont pas les ressources
énergétiques capables de servir de répondant et d'alternative à leur malaise
dans l'immédiat. D'autre part, la base populaire de leurs sociétés aspirerait
au retrait et au dépérissement rapide du système qui l'a durement saignée à
blanc. Ainsi, les sociétés arabo-musulmanes comme
modèle révolutionnaire et insurrectionnel «atypique», les pousserait
inévitablement vers l'adoption d'une conduite moutonnière et «suiviste» compte
tenu de la célérité de sa mise en application et surtout en raison de son
efficacité à inverser le cours des choses sans le truchement indispensable des
élites. En dernier ressort, la mondialisation ou ce que l'économiste François
de Bernard nomme «économie de la matrice» se diluerait, fonderait et
disparaîtrait complètement dans un système économico-politique,
aussi bien multiple que divergent. Mais surtout respectueux de la diversité
mondiale sans leadership écraseur de différences.
* Universitaire
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Posté Le : 17/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamal Guerroua*
Source : www.lequotidien-oran.com