Autour de la table du Ramadhan bien garnie de mets aussi succulents les uns que les autres, mon père, du haut de ses 85 ans, pousse un long soupir. Assis confortablement sur sa chaise, il regarde, en ce neuvième jour du mois sacré, les femmes occupées à terminer de dresser la meïda. En observant sa petite-fille en train de farcir des dattes avec de la pâte d'amande, il hoche la tête comme pour bien retrouver quelque part dans sa mémoire des faits de sa jeunesse. « Profitez et louez Dieu pour toute cette nourriture et cette abondance, car de notre temps, on n'avait presque rien à manger. Pour la rupture du jeûne, on n'avait point de sucrerie et encore moins de dattes qui étaient un luxe pour nous les montagnards », dit-il avant de nous raconter les moments où les glands remplaçaient les dattes et autres sucreries. « A quelques encablures du village, il y avait cinq chênes dont les glands étaient très appréciés par nous les jeunes. On choisissait les meilleurs qu'on consommait à la rupture du jeûne. On allait en ramasser en fin de journée ou à notre retour de l'herbage avec nos troupeaux. Les chênes étaient très grands, difficiles à escalader, on faisait alors tomber les fruits en lançant des pierres. Il fallait faire attention pour ne pas recevoir les cailloux sur la tête. Et comme il n'y avait pas beaucoup, on se contentait de prendre trois ou quatre glands chacun, pour en laisser pour les jours suivants. Ce n'était pas interdit de prendre plus, mais on avait cet esprit de songer au lendemain et on faisait de la sorte pour beaucoup d'autres choses. Les glands soigneusement enfouis dans nos poches, on allait, une fois les bêtes dans les enclos, à la fontaine pour attendre l'appel du muezzin à la prière d'El Maghreb. Fatigués de courir derrière nos bêtes, on passait le reste du temps allongés sur les grandes dalles en pierre bleue qui bordaient la fontaine, pas loin de la mosquée et à l'ombre des arbres au dense feuillage. A l'appel à la prière, on sortait de nos poches les fameux glands, pour les croquer en espérant tomber sur les plus doux, même si l'on savait que rares étaient ceux qui étaient amers. Une fois nos fruits avalés, on buvait un peu d'eau fraîche dans de gros récipients en bois sculptés spécialement pour la fontaine », a raconté mon père non sans reconnaître qu'il faut vivre son époque. A ce moment-là, ma nièce l'interpelle pour lui demander de quoi étaient composés leurs repas... « C'est pour la prochaine fois », lui a-t-il dit.
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Posté Le : 26/06/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : M Z
Source : www.horizons-dz.com