Algérie

Lorsque la vente de cartes de rechargement téléphonique devient suspicieuse



Le tribunal criminel d'Alger a renvoyé hier, au 15 mars prochain, le procès d'une affaire de trafic de drogue intrigante, au centre de laquelle se trouvent des dealers, mais surtout deux sociétés domiciliées à Maghnia : Maghnia Télécom, filiale de Djezzy et son sous-traitant chargé de vendre ses cartes de rechargement, et Moon Mobile.C'est une affaire des plus hallucinantes que le tribunal criminel d'Alger a renvoyé, hier, au 15 mars prochain. Elle concerne un gros trafic de drogue dont les revenus auraient été blanchis à travers les comptes de deux sociétés privées, domiciliées à Maghnia, qui sous-traitent avec Djezzy la vente de cartes de rechargement téléphonique. Au départ, c'était une dizaine de personnes à avoir été inculpées, puis condamnées à la réclusion criminelle pour une durée allant de 4 à 20 ans, avant que cinq d'entre elles ne cassent l'arrêt pour être rejugées.
Les faits remontent à 2009, lorsque les policiers ont pris en chasse deux suspects qui venaient d'abandonner, non loin d'un barrage, leur véhicule de type Touareg, à son bord, 254 kg de kif et un bon de versement de la société Moon mobile d'un montant de 2,69 millions de dinars, au profit de la société Maghreb Télécom, une filiale de Djezzy, domiciliée à Maghnia, à l'extrême ouest du pays.
Le conducteur du véhicule et son accompagnateur sont arrêtés. Lors de l'enquête préliminaire, plus d'une vingtaine de personnes, dont de nombreux dealers et truands connus et recherchés par les services de police, sont citées. A la fin, une quinzaine d'individus ont été déférés devant le tribunal de Sidi M'hamed.
Le doyen des juges de la 9e chambre s'intéresse particulièrement à ce bon de versement de Moon Mobile, elle-même domiciliée à Maghnia, à la Maghnia Télécom, et décortique durant des mois les appels téléphoniques et les déclarations aussi bien des témoins que des prévenus, d'autant que l'accompagnateur du conducteur du véhicule tout-terrain, où la drogue a été trouvée, aurait évoqué des liens entre la somme du bon de versement et la vente du kif. Le mis en cause est cependant revenu sur ses propos.
Après 9 mois d'instruction, le juge clôture son enquête en décidant du non-lieu pour quatre prévenus, mais la chambre d'accusation a rejeté cette décision et demandé un complément d'information axé sur neuf points. Le juge pousse ses investigations autour de cinq points mais maintient ses décisions relatives aux quatre non-lieu, ce qui est unique dans les annales de la justice.
La chambre d'accusation a alors renvoyé l'ensemble des prévenus, soit une dizaine, devant le tribunal criminel, pour «trafic de drogue», mais également «blanchiment d'argent», en estimant que la société Moon Mobile, que Maghnia Télécom a choisi pour la vente de ses cartes de recharge, utilisait cette activité commerciale pour couvrir le trafic de drogue.
Le tribunal criminel a prononcé des peines allant de 4 à 20 ans de réclusion criminelle et deux acquittements, mais n'a pas pour autant élucidé le mystère autour de ce bon de versement et son lien avec les narcotrafiquants qui, dans leur majorité, ont nié les aveux qu'ils avaient faits lors de l'enquête préliminaire. Les plus avertis savent que dans cette affaire, «ce qui est apparent ne constitue pas nécessairement la vérité. Les dessous ne laissent pas de traçabilité.
Les magistrats de la chambre d'accusation étaient convaincus que la vente de cartes de rechargement par Moon Mobile n'était qu'une couverture pour blanchir l'argent de la drogue. Mais le juge d'instruction n'a pas trouvé de preuve matérielle, raison pour laquelle, et lors du premier procès, le tribunal criminel n'était pas convaincu des réponses des accusés. Il a rendu ses décisions en se fiant à ses convictions».
Hier, le président de la nouvelle composante du même tribunal ne semblait pas prêt à examiner le dossier. Il a préféré le renvoyer au 15 mars prochain, «durant une audience spéciale», en s'appuyant sur la demande d'un des avocats. Il a demandé au procureur général de convoquer par écrit les témoins et un accusé en liberté (ayant purgé sa peine), qui était pourtant dans le hall de la cour. Peut-on s'attendre à de nouvelles révélations ' La question reste posée?


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