Algérie

Lorsque la force publique supplée la chose publique



Ces scènes d'un autre âge sont devenues un véritable baromètre social pour jauger de la compétence d'un gouvernement rythmé par les promesses et les menaces circonstancielles des ministres de tutelle.Depuis l'année dernière, et devant l'incapacité des pouvoirs publics à juguler la crise multidimensionnelle qui continue de secouer le pays, la gestion de la chose publique est déléguée par procuration à la force publique.
En effet, et face à l'absence d'une politique claire et efficace du gouvernement pour endiguer les différentes tensions nées autour de produits de consommation de première nécessité ou dues au manque de liquidités postales, le rôle de régulateur est dévolu, par défaut, soit à la DGSN soit à la Gendarmerie nationale, chaque corps selon son territoire de compétence.
Ces services de sécurité, en plus de leurs fonctions premières, sont appelés à gérer les nombreuses files d'attente qui se forment presque chaque jour dans les villes algériennes pour un sachet de lait, un sac de semoule ou un bidon d'huile.
Des images relayées par des vidéos amateurs, reprises en boucle sur les réseaux sociaux, montrent des Algériens à la queue-leu-leu devant un épicier pour du lait ou de l'huile, s'agglutinant aux portes des bureaux de poste pour retirer de l'argent, encadrés par des policiers ou des gendarmes en tenue, appelés en renfort pour faire respecter la discipline des files d'attente.
Des scènes qui ont choqué les consciences, rappelant piteusement de précédents épisodes de pénuries des années 90 et interrogeant sur cette impuissance chronique des pouvoirs publics à gérer des problèmes aussi artificiels que ceux de l'approvisionnement en lait ou en huile de table.
Ces scènes d'un autre âge sont devenues, à force, un véritable baromètre social pour jauger de la compétence d'un gouvernement rythmé par les promesses et les menaces circonstancielles des ministres de tutelle.
Des crises épisodiques nationales mais aussi localisées avec des citoyens mécontents qui occupent la voie publique, bloquant des axes routiers importants et perturbant la circulation automobile pour dénoncer une défaillance dans la gestion locale d'une municipalité ou d'une wilaya.
Là aussi, le premier responsable administratif ne trouve d'autre alternative que de mobiliser la force publique pour rétablir l'ordre public.
Une solution de facilité décriée par beaucoup et qui résume, en fait, un état d'esprit des décideurs qui ne peuvent offrir comme réponse aux doléances citoyennes que le recours au tout-sécuritaire pour gérer des situations qui sont à la base les conséquences des problèmes de gestion locale.
Ce mode de gouvernance n'est pas exclusif à la présidence de Tebboune, mais il se retrouve dans tous les schémas de gestion de la chose publique quelle qu'elle soit et renseigne particulièrement sur le manque des choix en possession des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays.
Au lieu d'investiguer sur les raisons des pénuries et d'offrir des solutions viables à long terme, on préfère bricoler pour parer à l'urgence et envoyer de nouveau au front les services de sécurité pour contenir la colère citoyenne.
Au lieu de s'inscrire dans une politique de bonne gouvernance, en ouvrant des voies de médiation avec les citoyens, l'Etat s'entête dans sa logique du tout-sécuritaire, s'appuyant sur ses services de sécurité pour régler, à sa place, des problèmes qu'il est incapable de solutionner.

SAID OUSSAD


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