Algérie

Loi de finances 2018 : le court et le long termes


Aucune loi de finances au monde n'est autant décortiquée par la presse et les analystes que celle de notre pays. On commence déjà à s'en préoccuper dès le mois de juillet. On essaye de détecter des messages émis par les institutions concernées et projeter comment cela se traduirait dans la prochaine loi de finances.Puis nous avons la proposition de loi qui donne souvent lieu à des polémiques. Enfin, la version finale votée par l'APN et le Conseil de la nation donnera lieu à des débats houleux. Les budgets prévisionnels des différents pays dans le monde sont aussi suivis et débattus, mais jamais avec la même intensité que celle qui se déroule dans notre pays.
C'est un signe de vitalité et de dynamisme de la société.
Ceci implique que la chose publique intéresse beaucoup de citoyens qui veulent peser de tout leur poids sur les décisions des pouvoirs publics. Mais le fait que le volume des débats excède la normalité est peut-être un signe qu'autre chose se cache derrière ces discussions qui se répètent chaque fin d'année.
Une première piste serait le manque de données économiques et l'absence d'autres repères pour gérer l'économie nationale. Nous n'avons ni plan de développement ni plan quinquennal comme en disposent les pays émergents, tels que la Corée du Sud, la Chine ou la Malaisie. Alors, le seul programme proposé au débat concerne la loi de finances et il n'y a rien d'autre à débattre. Les informations contenues deviennent soudain super précieuses. Comme on n'a pas ces fameux plans, à court terme, la loi de finances serait basée, par exemple, sur une croissance économique de 4%.
Ce chiffre devient précieux parce que nous n'avons pas d'autres projections économiques en dehors du budget. Il en va de même pour l'inflation et les réserves. Dans ce domaine, le ministère des Finances collabore avec la Banque centrale pour nous fournir ces projections. Bref, n'ayant pas les autres programmes d'action nécessaires à la gestion d'une économie moderne, il nous reste la loi de finances pour satisfaire une partie de nos besoins en matière de prévisions économiques.
Les indicateurs : y a-t-il des priorités '
La loi de finances comble donc un déficit d'information et d'outils de gestion de l'économie nationale. On l'attend avec impatience pour décortiquer les nombreuses données qu' elle recèle. Il est paradoxal qu'on ait peu de données et d'évaluation des politiques publiques et d'atteinte des objectifs après la promulgation des textes.
Nous avons longuement débattu la loi de finances 2016. Mais très peu de personnes et d'institutions reviennent et commentent les réalisations, les écarts et les modalités d'une meilleure prise en charge de l'exécution des lois de finances dans le futur. Une fois adopté, le budget est vite relégué aux oubliettes malgré les textes de loi et les différentes promesses des pouvoirs publics.
La presse nationale évoque très peu les modalités pratiques d'exécution des dispositions des différentes lois de finances avec les réussites et les échecs. Il nous faut équilibrer la situation. Il est normal de discuter et d'améliorer le contenu d'un document aussi important pour le pays. Mais il est également nécessaire d'informer le public sur les détails des réalisations et comment mieux exécuter les dispositions dans le futur.
Nos analystes sont focalisés sur de nombreux paramètres des lois de finances. Il est nécessaire de disposer de nombreux repères pour mieux situer la trajectoire de l'économie nationale. Ainsi, on est polarisé sur les déficits budgétaires et la fiscalité pétrolière. Ce sont des indicateurs extrêmement précieux. Cependant, pour un pays comme l'Algérie, la variable fondamentale, qui devrait nous concerner outre mesure, serait le montant des réserves.
Certes, c'est un paramètre qui dépend de beaucoup d'intervenants : commerce, Banque Centrale, industrie et le reste. Puisque nous n'avons pas réussi jusqu'à présent à construire une économie diversifiée et compétitive hors hydrocarbures, le montant des réserves devient l'indicateur essentiel qui nous présente la période de temps qui nous reste avant la prochaine grave crise.
On doit accélérer le rythme de l'investissement productif et la rationalisation de l'utilisation des ressources avant leur épuisement. C'est une course contre la montre. Certains pays ont réussi ce pari, on pense notamment à la Malaisie. Cette dernière avait réussi à diversifier son économie juste avant l'effondrement de ses exportations pétrolières. C'est le défi ultime qui se déroule devant nos yeux.
Le court terme et le long terme
Le budget de fonctionnement 2017 contient plusieurs décisions et divers choix des pouvoirs publics. Nous ne pouvons les commenter tous dans la présente rubrique, mais nous reviendrons ultérieurement sur quelques mesures. La plus grande singularité du budget 2018 concerne le budget d'équipement qui augmente de plus de 76% par rapport à 2017.
Bien sûr, on peut tout justifier en économie, mais il faudrait surtout en élucider les conséquences. Les pouvoirs publics parlent de projets vitaux initiés et non terminés et surtout de 400 milliards de dinars de redevances de l'Etat aux entreprises publiques, privées et internationales. Il est vital de maîtriser cet aspect budgétaire dans le futur.
Il aura un impact sans précédent sur le déficit budgétaire et sur les réserves : beaucoup d'intrants aux différents projets devraient être importés et les réserves vont fondre plus rapidement. Aurait-on le temps de mettre en place cette économie diversifiée et compétitive avant l'épuisement ' Rien n'est moins sûr. Ces dépenses d'équipement, justifiées mais risquées, auraient dû être réparties sur plusieurs exercices. La consolidation budgétaire deviendra impossible avec ce volume de dépenses répétées.
Sur le court terme, surtout sur l'année 2018, les citoyens ressentiront peu d'évolution dans leur vie quotidienne. Nous allons financer des activités économiques et sociales au-delà de ce que l'économie peut produire. Encore une fois, nous allons solliciter les réserves pour en financer la différence. Les 9% de déficit budgétaire seront probablement financés par la Banque Centrale. Il faut savoir qu'il y a un long délai entre l'émission monétaire et son impact sur l'activité et la hausse des prix.
L'impact sur l'économie réelle viendra en premier. En 2018, les conséquences de ce financement non conventionnel seront positives, car elles vont booster la production d'abord. Mais à moyen terme (18 mois et plus), les impacts négatifs se ressentiraient sur les prix, surtout si ces ressources sont canalisées vers des activités non productives. Ainsi, sur le plan économique, les Algériens vont vivre une année 2018 paisible. On croirait même qu'on est en train de remporter la bataille du développement. Mais les véritables conséquences se feront sentir fin au milieu de l'année 2019.
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