Par FAYCAL OUARET*
Dans le domaine de l’Architecture du logis, les choses vont plus vite, et forcément plus mal que dans le reste de la production du cadre bâti. En matière de logement dit rural, les architectes n’ont pas du tout droit à la parole…Et pourtant, nous allons devoir construire quelque
700 000 unités en cinq ans, autant que le reste des programmes de logements réunis !
Les expériences toujours en cours laissent voir, à travers nos campagnes défigurées, combien il est urgent d’arrêter ou, du moins, de limiter le massacre. Bien entendu, il est peu probable que les rémunérations des études pour le logement rural (qui n’existent pas !), nécessaires à l’amorce d’une réflexion, puissent inciter de grands noms de l’architecture, d’ici ou d’ailleurs, à se saisir de tous les enjeux. Dessiner des maisons intégrées aux paysages qu’elles ne doivent pas détruire. Envisager l’utilisation des matériaux locaux tout en détournant le souhait des futurs habitants de loger dans des maisons dites «modernes» (entendez par là construites en béton armé, parpaings ou briques, couvertes d’une dalle, avec carrelage granito, confort intégré, distribution de type bourgeois à l’occidentale avec couloir et ségrégation fonctionnelle des pièces d’habitation, grandes fenêtres croisées à la françaises ouvrant directement sur l’extérieur… bref, loin de tout esprit de nos campagnes !). Essayer enfin de réfléchir sur la possibilité de réinvestir les modèles locaux d’une charge conciliatrice entre modernité à vivre et tradition à suivre. Pour l’instant, n’étant pas un sujet de production dite «intellectuelle», ces logements sont (dé)laissés à l’appréciation des pensées administratives, saupoudrées d’un soupçon de «technique». La juste dose pour se donner bonne conscience. Tout le monde s’en accommode, sauf l’œil, averti ou non, du reste. Et le cœur…
Il serait donc pertinent de se pencher sur ce que pourrait être une autre manière d’envisager le logement rural. Comment parvenir à diviser par deux le coût communément admis du mètre carré habitable ' Le premier enjeu est à ce prix (si je puis dire !) pour espérer rester dans la course, au regard des politiques menées tambour battant à l’effet de satisfaire des besoins réputés pressants. Comment rendre ce logement acceptable par les ruraux afin qu’ils ne voient pas dans cette façon de faire la fantaisie de citadins ou de cadres trop évolués par rapport à leurs milieux et besoins ' Comment faire admettre l’usage de matériaux locaux pour reprendre des modes séculaires qui n’agressent pas le paysage et laissent les constructions se fondre dans le paysage, comme il en a toujours été ' Comment introduire au mieux des éléments de développement durable (économie et récupération de l’eau, énergie solaire, production d’eau chaude…) en évitant de nourrir la méfiance des ruraux soupçonnant les citadins de leur refuser l’accès à la modernité, telle que vécue dans les villes ' Enfin, comment être capables d’envisager des regroupements de logements, basés sur des données sociologiques en rupture totale avec les comportements de groupes dans le passé, même proche (affinités familiales, surtout, qui n’existent presque plus, y compris dans les campagnes). Le logement urbain collectif n’est pas mieux loti. S’il bénéficie d’un apport technique préalable (architecture et études techniques complètes confiées à un maître d’œuvre unique, un architecte) par rapport au précédent, il est conçu souvent dans des conditions qui ne peuvent aider à réfléchir et donner au projet le temps de mûrir convenablement : délai des études ridiculement court, presque nul, faibles rémunérations, peu de libertés laissées à l’architecte d’organiser l’ensemble à sa convenance...
Plus que l’urgence, c’est la précipitation qui prévaut, en matière d’études des logements collectifs urbains. La typification, longtemps la règle en la matière, a laissé des séquelles indélébiles. Evidemment, cela est prétexte aussi pour beaucoup d’architectes à se constituer un bon alibi afin d’expliquer leur incapacité à aller au-delà de leurs propres limites, le plus souvent ceux à qui, paradoxalement, sont confiés les projets en grand nombre ! D’une manière générale, personne n’accorde (ne s’accorde !) les conditions qu’il faudrait pour que les projets de logements aient des chances de plaire, mais tout le monde s’en plaint dès qu’ils sont achevés… Tous programmes confondus. Au point de faire croire au pays entier que les architectes algériens sont une bande d’incapables, et qu’ils ne sont même pas à même de dessiner correctement un ensemble de logements ! Aucun exemple n’est là pour contredire ces mauvaises langues !
Il faudrait expérimenter d’autres chemins pour espérer nous sortir de cette impasse qui dure depuis trois décennies au moins ! Qui doit le décider ' Faut-il faire appel aussi, pour ce segment de production, aux grandes agences internationales d’Architecture, pour espérer obtenir des solutions miraculeuses ' Il y a des expériences à évaluer à cet égard. Qu’on en tire tous les enseignements d’abord…
*Architecte
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Posté Le : 27/11/2010
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com