Algérie

Logements sociaux : Un mode d'attribution très permissif aux malversations



La spéculation sur les logements sociaux participatifs continue en effet à  se faire à  grande échelle avec, à  la clé, des dizaines de milliers d'habitations qui alimentent assez régulièrement le marché immobilier informel qui s'est, du reste, bien organisé pour la circonstance. Acquis à  des prix soutenus par l'Etat, ces logements qui devaient revenir aux nécessiteux seront rapidement injectés dans le marché informel par les indus acquéreurs qui empocheront à  l'occasion de substantiels profits.
C'est un phénomène parfaitement identifié par les autorités chargées de la construction et de la répartition des logements sociaux, qui ont mis en œuvre un certain nombre de garde-fous susceptibles de verrouiller l'accès à  ce type de logements aux personnes autres que celles pour lesquelles ils sont expressément destinés. Toutes ces mesures n'ont, à  l'évidence, pas réussi à  colmater la brèche de plus en plus béante des malversations qui poussent les laissés-pour-compte de ce mode d'attribution à  l'émeute. Le fléau des attributions illicites a, en réalité, pris racine à  la faveur d'un mode d'attribution clientéliste en vogue depuis le milieu des années 1980, qui autorise les walis à  bénéficier de quotas de logements entièrement ou partiellement financés par l'Etat, qu'ils peuvent distribuer à  leur guise. Cette loi non écrite, devenue au fil du temps une véritable tradition, permet en effet de mettre à  la discrétion des walis entre 15 et 20% des logements sociaux fraîchement construits. Certains walis auraient même dépassé ce quota, selon le témoignage d'un directeur d'une wilaya du Centre qui a requis l'anonymat pour des raisons qu'on peut comprendre. Aucun compte n'est jamais demandé aux potentats locaux qui affectent ces logements à  leur convenance. Le nombre de logements concernés par ce mode d'affectation à  tous points contestables est énorme. Quand on sait que plus d'un million de logements sociaux ont été livrés durant ces cinq dernières années ce sont, à  l'évidence, pas moins de 200.000 logements qui auraient été ainsi mis à  la discrétion des walis au titre de cette pratique de quotas. Estimé à  environ 400 milliards de dinars, le préjudice financier subi par l'Etat est énorme et les bénéfices engrangés par les indus bénéficiaires des LSP au terme de leurs reventes sur le marché informel sont tout aussi impressionnants (environ 600 milliards de dinars). C'est dire à  quel point l'effort louable de l'Etat de loger au moindre coût les couches les plus défavorisées de la population a en définitive surtout servi à  enrichir une faune de spéculateurs qui a su exploiter les failles du système de répartition. Une bonne partie de ces logements sociaux seront en effet servis à  toute une panoplie de clientèles, généralement, haut placées et bien nanties, qui les revendront ou les échangeront sur le marché immobilier informel, en empochant des bénéfices pouvant atteindre, voire même dépasser, trois à  quatre fois leurs coûts d'acquisition.  Clientélisme et manque de contrôle Il est également de tradition dans notre pays que ces quotas soumis à  la discrétion des walis soient utilisés à  la veille de grands rendez-vous électoraux (présidentielle et législatives, notamment) pour orienter le vote des électeurs ou, comme c'est souvent le cas, les tenir à  la disposition de hauts responsables politiques, qui les affecteront au gré de leurs choix. On se souvient que des cités entières avaient été réservées à  cette fin à  l'occasion des élections précédentes et les témoignages rapportés par la presse de personnes ayant bénéficié de logement par ce biais, en en faisant souvent un motif de fierté, sont légions. Aucune décision politique n'ayant été prise à  ce jour pour mettre fin à  ces dérives, ces pratiques pour le moins contestables ont toutes les chances de perdurer avec le danger de transformer la production de logement sociaux, aussi massive soit-elle, en «tonneau des Danaïdes» d'avance condamnée à  ne jamais satisfaire la demande, notamment celle émanant des couches nécessiteuses auxquelles les LSP étaient pourtant exclusivement destinés. S'il n'est pas du tout dans notre intention de demander la suppression pure et simple de la pratique des quotas trop élevés réservés aux walis, il est par contre dans la nature des choses qu'un Etat républicain exige des explications et des comptes sur la destinée de ces logements réalisés avec l'argent du contribuable. L'Inspection générale du ministère concerné, l'IGF et la Cour des comptes ont été créés en grande partie pour ce genre de contrôle. On se demande évidemment pourquoi elles ne le font pas ou, en tout cas, pas assez. Des hauts cadres de l'état alimentent le marché informel S'agissant de l'attribution classique des logements sociaux participatifs au moyen des commissions élargies de daïra, les moyens de filtrage informatiques appuyés d'enquêtes sur terrain n'auraient normalement jamais dû permettre l'infiltration, mais pire encore, la sélection de candidats ayant déjà bénéficié, comme c'est malheureusement souvent le cas, d'un logement LSP en Algérie. On ne comprend également pas comment, ni pourquoi, certains députés, sénateurs et autres hauts responsables de l'Etat ont pu bénéficier de logements sociaux dans de nombreuses wilayas, nonobstant, celui ou ceux qu'ils ont réussi à  accaparer dans la capitale. Revendus ou cédés à  des amis ou proches parents, ces logements alimenteront le marché informel de l'immobilier en causant un très lourd préjudice à  l'Etat et aux citoyens auxquels ils étaient légalement destinés. Lutter contre ce type de malversation au moyen d'une disposition législative visant à  rendre ce type de logements incessibles durant cinq années, comme c'est actuellement le cas, ne consiste en réalité qu'à s'attaquer aux effets et non pas aux causes de la spéculation qui affectent l'immobilier public. Dans l'incapacité de mettre fin à  ce fléau qui prend racine dans le mode d'affectation à  la fois autoritaire (affectation directe par les walis) et clientéliste des logements sociaux, on se demande s'il ne serait pas plus judicieux que l'Etat procède le plus rapidement possible à  la vente de ces logements à  ceux qui en auraient les moyens, plutôt qu'à les rendre incessibles. La vente aura au moins l'avantage de procurer à  l'Etat des ressources financières qui lui permettront de mettre en chantier de nouveaux programmes de logements sans devoir faire appel au Trésor public. Il y a également lieu d'agir sur la pratique des quotas attribués aux walis qu'il faudrait impérativement réduire à  des proportions plus raisonnables et, dans tous les cas, soumettre les listes de logements ainsi attribués au contrôle des institutions habilitées. Il y a également lieu de protéger les responsables des OPGI et les directeurs du logement de wilaya qui gèrent ces patrimoines, contre les trafics d'influence et injonctions exercés, directement ou indirectement, sur eux par des hauts responsables en mesure de leur créer de graves ennuis au cas où ils ne s'exécuteraient pas. Une loi devrait àªtre promulguée à  cet effet pour mettre fin à  ces pratiques. Par souci de transparence, il serait, par ailleurs fort utile, de faire obligation aux commissions d'attribution des logements sociaux de publier sur les sites informatiques des OPGI, des directions du logement des wilayas et des communes concernées, les listes des bénéficiaires et les motifs de classement des postulants aux logements. La suspicion souvent motivée à  l'égard des listes d'attribution pourrait ainsi àªtre atténuée, notamment si les postulants rejetés trouvent sur ces sites informatiques, qu'il faudrait impérativement créer, les motifs des rejets.                  


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