Sans que l'on ne
s‘en rende compte, l'Histoire est, chez nous, en train de s'accélérer. Cela se
voit bien à travers les productions éditoriales de ces toutes dernières années.
Après la vague
post-90 des écrits mémoriels sur l'Histoire de la Guerre de libération
nationale, surtout par les membres de la «famille révolutionnaire» encore
vivants qui se sont mis, «sentant la mort prochaine», à se confier
publiquement, après les écrits de «jeunes loups» de la «new littérature» du
début des années 90, voici venir le temps des acteurs de l'Histoire récente.
Des regards nouveaux ? Pas si sûr. Des regards originaux ? Peut-être pas ?
Mais, en tout cas, des «confessions» et autres confidences instructives.
- TOUT D'ABORD,
C'EST SID AHMED GHOZALI, qui nous livre ses réflexions et autres souvenirs dans
un ouvrage «Question d'Etat : Changer ou disparaître», sous la forme d'un
entretien avec Mohamed Chafik Mesbah. Une (forte) somme d'interviews destinées
alors (2008) à deux quotidiens nationaux (l'un en arabe et l'autre en
français), pour que nul n'ignore !
L'auteur de
l'interview-fleuve n'est pas un inconnu du grand public : c'est un véritable
«4X4 des méninges». Il sait y faire. Assurément, les habitudes de la «Grande
muette» dont il a fait très longtemps partie (chez ceux, précisément, qui
savent «faire parler»).
Quant à l'interviewé,
on sait déjà tout de lui puisqu'il a été très longtemps PDG de Sonatrach,
ministre… plusieurs fois, chef de gouvernement et ambassadeur puis, devenu
opposant (ayant soutenu un moment Ali Benflis), chef de parti (non agréé). Un
grand cadre de la nation, plus que compétent, un commis de l'Etat… mais, pour
certains, un enfant prodigue qui a «mal tourné». C'est, peut-être, tout cela
qui fait que son parti n'a pas encore reçu la désormais fameuse autorisation de
tenir un congrès constitutif
Il raconte, il
révèle, il dénonce…. «Bombardé», dit-il, par cent soixante questions. «Des
questions parfois contradictoires, provocatrices ou même accusatrices…
certaines pernicieuses ou blessantes». Tout (ou presque tout) y passe :
l'enfance et les racines, l'encadrement de l 'Algérie à l'indépendance,
Sonatrach, le coup d'Etat du 19 juin, le saccage post-Boumediène, la Cour (des règlements) des
comptes, le programme Valhyd, la loi «Ghozali» de 1991, le «Sultanat de
Tlemcen» , la loi Chekib Khelil de 2005, les relations avec Chadli, Abdesselam,
Merbah (et le limogeage «planifié»), Hamrouche et les Services, Mehri et
Ghozali, Hamrouche et Ghozali (le combat de «coqs»), les rapports avec les
militaires , le vote en faveur du Fis, le retour de Boudiaf, l'ambassade à Paris…et
ses pronostics à court et moyen termes
Mémoires ? non. Pas encore. Témoignages personnels ? oui.
Et, cerise sur le
gâteau, confidence pour confidence, il avoue avoir, «par contre, révisé
complètement (son) jugement sur beaucoup de questions …».
Chafik Mesbah :
un véritable artiste de la maïeutique, un «accoucheur» !
- ENSUITE, C'EST
KARIM YOUNES, avec «De la
Numidie à l'Algérie : Grandeurs et Ruptures». Ministre (avec
Ouyahia, Smail Hamdani, Benbitour, Benflis, ..), Député, membre du Bp du Fln, président
de l'Apn de juin 2002 à juin 2004…. démissionnant (certains affirment «poussé à
la démission») avec l'arrivée au pouvoir en force de ceux qui ne «sentaient»
plus trop tous les «autres». Un livre de souvenirs et de réflexions bien plus
que des mémoires avec une (trop ?) profonde plongée
dans l'Histoire (et ses histoires) du pays ? Peu de révélations, beaucoup
d'interrogations. Normal. C'est un tout jeune de la nébuleuse Fln.
- ENFIN, C'EST AU
TOUR DE
ABDERRAHMANE
HADJ-NACER avec «La Martingale Algérienne. Réflexions sur une crise».
Encore un «tout
jeune». Qui s'est retrouvé brutalement plongé dans la nomenklatura des
«réformateurs» hamrouchiens. Gouverneur de la Banque centrale de 1989 à 1992, il dit avoir l'un
des initiateurs d'une nouvelle technique en matière de gestion de la dette
extérieure, le «reprofilage». Débarqué par un Belaid Abdesselem «revenu», de
manière inattendue, sur la scène (chef du gouvernement juste après Ghozali) en
véritable éradicateur de cadres non-dirigistes ou accusés de libéralisme et
d'autres «ismes». Aujourd'hui, consultant international dans le secteur
bancaire. Un livre d'économie et de «mises au point», mais aussi un retour aux
origines. Décidément, depuis le grand succès du livre de Mostefa Lacheraf, Des
Noms et des lieux. Mémoires d'une Algérie oubliée, tout le monde s‘y plonge et
fait dans la socio !
A retenir que
pour parvenir au triangle gagnant, il faut, dit-il, résoudre quatre équations :
La conscience de soi grâce à la connaissance de la sociologie, de la culture et
de l'histoire du pays, l'existence d'une élite nationale, une économie
performante avec démocratie… et une liberté, fut-elle économique, avec un Etat
fort. Un vrai sac de nœuds ! Surtout que nos politiques sont beaucoup plus
amateurs de jeux de «ronda» ou de «dominos» que de martingale ou de poker.
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Posté Le : 16/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Belkacem AHCENE DJABALLAH
Source : www.lequotidien-oran.com