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Lisbonne-Béjaïa
Une histoire vraie. Et originale. Un président de la République abandonne soudainement le pouvoir, quitte son pays et s'exile dans un autre où il décède une décennie plus tard.C'est ce qui est arrivé au Portugais Manuel Texeira Gomès, élu en 1923, démissionnaire en 1925. Un an après, un coup d'Etat militaire amène le régime fasciste de Salazar, l'Estado Novo, qui sévira presqu'un demi-siècle. Si l'histoire est originale, c'est que l'homme l'était. Républicain indépendant, il semble être entré en politique par romantisme, car il était avant tout écrivain.Il a écrit onze romans, dont six à Béjaïa, son unique et ultime lieu d'existence à partir de 1931, laissant une ?uvre teintée, dit-on, d'érotisme. De l'exil algérien de ce personnage attachant, les réalisateurs Nadia Cherabi et Malek Laggoune, avec Smaïl Lakhdar-Hamina, à l'image, avaient tiré un bon docu-fiction présenté à l'Exposition universelle de Lisbonne en 1998. Dix-neuf ans plus tard, sort le long métrage de fiction, Zeus, du nom du cargo sur lequel embarqua Texeira Gomès. Dévoilé à Lisbonne puis à Alger et Béjaïa, les 15 et 16 février, il a été coproduit par Happygenio (Portugal), le CADC (Centre algérien du développement du cinéma) et MHP (Moussa Haddad Production). Coût : un million d'euros, dont 60% pour la partie portugaise.Dans cet hommage à un homme exceptionnel, le réalisateur Paulo Filipe Monteiro, dont c'est le quatrième film, semble avoir été piégé par sa fascination. Auteur du scénario, il en a oublié quelques règles narratives indispensables à la compréhension, notamment de la situation politique ayant conduit à l'exil de Texeira Gomès. On a pu ainsi entendre des spectateurs se demander si celui-ci n'était pas égoïste et lâche, le comparant même négativement au président chilien Allende ! L'insertion de flash-backs a également entraîné une certaine confusion chez les spectateurs : s'agissait-il de scènes adaptées du roman Maria Adelaïde (1938) écrit à Béjaïa (ce qui est le cas) ou de souvenirs de jeunesse de l'écrivain 'Plus dérangeante est la longueur (118 mn) avec un rythme lent et une vision quasi théâtrale qui peut s'expliquer par la carrière dramaturgique du réalisateur en tant que comédien et metteur en scène. Les dialogues versent parfois dans l'emphase et les dispositifs scéniques semblent marqués par le quatrième art. Pour contrebalancer, il y a une belle image, bien que pour les paysages, elle soit donnée en cartes postales, sans intégration véritable au récit. Il y a aussi la qualité du casting : Sinde Filipe (Texeira Gomès) et Idir Benaïbouche (Amokrane), lequel a révélé un aspect méconnu de sa palette d'interprétation. Les deux ont tenté de rattraper la faiblesse d'un scénario qui offre cependant quelques bons moments de cinéma comme cette scène où le jeune Amokrane veille Texeira mourant, un fil rouge les rattachant.On comprend qu'épuisé, Mokrane a usé de ce procédé pour pouvoir dormir un peu. Le symbole est fort mais l'on regrette que le réalisateur n'ait pas lâché tout au long du film la bride de son imagination. Apparemment par respect du personnage, il s'est calé sur une approche presque documentaire. Un travers que le cinéma algérien connaît bien quand il se consacre aux grands hommes de l'histoire et néglige les canons de la fiction. Cela dit, Zeus a le mérite de rappeler l'histoire d'un homme très singulier et il faut encourager la coproduction internationale qui ne peut donner des chefs-d'?uvre à chaque fois mais est une source de dynamisme pour le cinéma national.Texeira Gomès a passé la fin de sa vie dans la chambre 13 de l'hôtel de l'Etoile de Béjaïa. Il y est mort, nous faisant penser à un autre écrivain dans un hôtel parisien, l'Egyptien Albert Cossery, auteur de Mendiants et orgueilleux, qui fut l'ami de l'écrivain algérien, le défunt Sadek Aïssat.


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