Algérie

Lina Soualem Plongée dans les archives familiales



Lina Soualem Plongée dans les archives familiales
Publié le 29.01.2024 dans le Quotidien l’Expression

«Me reconnecter avec les femmes de ma famille, m'a permis de réaliser combien elles m'ont transmis des valeurs de force, de tolérance et d'amour, valeurs auxquelles je m'accroche énormément..» fait savoir la réalisatrice.

Nous le savons à présent, depuis quelques jours, «Bye Bye Tibériade» de Lina Soualem ne figure plus sur la liste des films nominés pour les Oscars. Il a été écarté de la short list. Qu'a cela ne tienne!

Depuis sa première mondiale à la Mostra de Venise en septembre 20023, «Bye Bye Tibériade» n'a cessé de voyager dans les festivals et rencontré son public, glanant par ailleurs de nombreux prix à travers le monde dont le prix du meilleur documentaire au BFI London Film Festival ou encore le prix du jury au festival de Marrakech.

Une année chargée pour ce très beau documentaire dont la date de sortie en France est annoncée pour le 21 février 2024.

En Algérie, nous savons que l'équipe du festival d'Annaba du film Méditerranéen a contacté la réalisatrice. Croisons donc les doigts pour que le film de Lina Soualem puisse être projeté et vu très bientôt en Algérie.

En attenant, bonne nouvelle, l'on apprend que «Lina Soualem poursuit sa plongée dans les archives familiales, en explorant, aux Ateliers Médicis, de nouveaux médiums.»

Les archives familiales, nous l'avons bien vu, ont constitué le moteur de recherche pour ses deux films que ce soit «Bye Bye Tibériade» ou «Leur Algérie». Ce fut une matière incontestablement nécessaire et essentielle dans la conception et la réalisation de ses deux films.

La complexité des femmes à l'écran
«Les archives familiales sont un bien précieux pour Lina Soualem. Elles viennent révéler, non seulement les histoires qui l'ont forgée intimement -l'histoire algérienne, côté paternel, et palestinienne du côté maternel - mais témoignent aussi de questionnements politiques résolument collectifs qui irriguent son travail. Après «Leur Algérie» et «Bye Bye Tibériade» ses premiers films multi-récompensés» peut- on lire sur le site des Ateliers de Médicis. Et de poursuivre: «À partir des archives VHS constituées par ses parents, Lina Soualem débute une résidence de recherche pour donner une nouvelle vie à ces images.

Un travail exploratoire, pour raviver des émotions enfouies, et révéler ainsi leurs résonances contemporaines.» En effet, dans son dernier film «Bye Bye Tibériade», un film qui parle de quatre générations de femmes de sa famille, dont elle-même, les images d'archives familiales sont centrales. Ces dernières ont été filmées par son père. Mais il n’y a pas que ça, il y a d'autres images qui sont liées à l'histoire des Palestiniens...

Lina Soualem représente la première génération de femmes nées hors de la Palestine, ainsi les images du retour se mélangent parfaitement aussi avec celles du père, dont ce film qui ne parle pas seulement de sa mère, mais se focalise aussi sur sa grand-mère, son arrière grand-mère et ses tantes, car c'est justement un film qui questionne également la place qu'on a, quand on est issu de plusieurs cultures.»

Gérer ses multiples appartenances
«Après ce film, on arrive à mieux gérer ces multiples appartenances.

Le film m'a permis de questionner certains sujets qui m'ont toujours traversée, des questions qui m'ont toujours inquiétée, parfois bloquée aussi... Ça m'a permis de dépasser certaines peurs et d'affirmer de plus en plus mon appartenance multiple, de transformer mon héritage en quelque chose de positif contre la stigmatisation ambiante, de ce que représente la Palestine, un Arabe et parler l'arabe.

Me reconnecter avec les femmes de ma famille, m'a permis de réaliser combien elles m'ont transmis des valeurs de force, de tolérance et d'amour, valeurs auxquelles je m'accroche énormément. Ce sont des femmes qui ont des parcours héroïques presque épiques, que je valorise énormément et ça me permet aussi à moi aussi de me valoriser, face à une déshumanisation ambiante des Palestiniens, des Palestiniens, des Arabes en général.» Et d'ajouter: ««Une des questions qui m'a traversées est: ‘'Pourquoi quand on regarde certains films, la femme arabe ne peut être que binaire, autrement, soit elle est très traditionnelle et très conservatrice, ou en rupture totale avec ses valeurs..Elle n'a pas le droit à la complexité, alors que toutes les femmes qu'on connait autour de nous sont complexes, sont pleines de contradictions et d'humanité, de pleines de choses que l'on ne voit pas à l'écran ou rarement?''

La question de la représentativité était très importante pour moi. Je ne l'ai pas fait de façon ultra consciente, mais j'ai réalisé, au fur et à mesure, la nécessité de garder et de sauvegarder cette complexité. J'ai compris que pour nous, c'était une manière de récupérer une humanité qui nous a été déniée.. Elle a été dénié aussi aux femmes de ma famille, qui ont subi, l'oubli, l'exil, l'effacement... Il y a leur combat collectif mais il y a aussi leur combat personnel, en tant que femme, en tant que mère, en tant que fille, en tant que Palestinienne.

Il y a toutes ces couches et on est toutes constituées de ces complexités-là. Ce que certains appelleraient la minorité et d'autres la diversité, pour moi, ce n'est ni l'un ni l'autre, car on n'est pas totalement positif ou totalement négatif. Il y a du bon et du mauvais partout. Il faut juste pouvoir se raconter avec nos propres mots.

On est autant d'êtres humains que d'histoires et on n'est pas une masse homogène parce qu'on est palestiniens ou arabes.» souligne avec justesse Lina Soualem dans une interview.

O. HIND



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