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Licencié et lâché par ses collègues greffiers, Djemai Beldjani, un syndicaliste au long souffle


Licencié et lâché par ses collègues greffiers, Djemai Beldjani, un syndicaliste au long souffle
Au chômage depuis juin 2012 pour avoir porté les revendications des greffiers, Djemai Beldjani, se trouve sans revenus. Cet ancien officier public, papa de trois enfants, paye cher son acte jugé "illégal" par ceux qui ont mis fin à sa carrière professionnelle. Lâché par ceux dont il était le porte-voix, il ne sent pas trahi. Portrait...
Cette une rude épreuve que traverse Djemai Beldjani, ancien greffier au tribunal de Djamaâ relevant de la wilaya d'El Oued. Exclu de la corporation depuis sa participation active au mouvement de grève des fonctionnaires du secteur de la justice, le 10 avril 2011, il est sans revenus. Son état de santé n'arrange pas les choses. Les greffiers protestent et réclament un statut particulier, au même titre que d'autres travailleurs de différents secteurs de la fonction publique qui ont réussi à obtenir une augmentation de salaire conséquente et des indemnités avec un effet rétroactif. Djemai et ses confrères veulent à leur tour marquer cette période. Ils ont omis un détail important : ils appartiennent à un secteur très sensible : le ministère de la Justice ! L'appartenance à un ministère de souveraineté n'est pas leur seul obstacle. La majorité des greffiers qui ont participé au mouvement du 10 avril découvre pour la première fois l'activité syndicale. Théoriquement, ils savent très bien que le syndicalisme est un long parcours semé d'embuches. Mais Djemai Beldjani ne sait rien des embûches qui lui ont été dressées en chemin. Il a été lâché par ceux qui l'ont désigné pour défendre leur droit devant les plus hautes instances du pays. Le syndicaliste continue à justifier l'attitude de ses collègues qui l'ont abandonné aux moments difficiles. "Je ne peux pas qualifier leur attitude de trahison. La pression était à son comble. Les autorités ont utilisé tous les moyens pour casser notre grève. Face à cette cabale, les greffiers ne pouvaient pas résister. Je les comprends", dit-il. A présent, la vie paisible qu'il menait dans cette commune du Sud, est complètement bouleversée. En dépit de ce qu'il endure, Djemai, reste ce jeune flegmatique comme aux premiers jours de sa carrière. Imperturbable, Djemai croit toujours à une autre justice suprême : la justice divine. "Il viendra un jour où chacun aura ce qu'il mérite", se console-il.
D'agent de sécurité à greffier
L'officier public a préféré rester dans sa région natale : Djamaâ, cette commune où il a commencé sa vie professionnelle. Il n'a pas voulu quitter cette région chaude et sèche où il est né un certain 28 octobre 1970. Il a servi pendant 17 ans ses collègues. Il ont vu en lui un meilleur représentant. "Ce qui m'a encouragé, c'est la confiance de mes collègues qui m'ont élu comme seul représentant au niveau du tribunal de Djamaâ", raconte-t-il convaincu que la voix du syndicalisme est un noble dessein. Mais, M. Beldjani ne s'est pas rendu compte que sa première action syndicale pour réclamer ses droits va mettre fin à ses fonctions. "C'était mon choix. Je l'ai fait par conviction et je l'assume jusqu'au bout. Le syndicalisme est un droit reconnu par la Constitution", affirme l'ancien officier public.
Djemai a intégré le secteur de la justice en 1995, pendant les pires moments de la décennie noire. Il a d'abord exercé en tant agent de sécurité au tribunal de Djamaâ. "Durant neuf ans, je percevais un salaire de 6.000 DA. En dépit de ces conditions, j'ai accompli mon devoir convenablement", dit-il. La vie est dure et le travail ne se refuse pas quelle que soit sa nature. Telle est la devise de ce diplômé de la formation professionnelle. Un seul diplôme ne suffit pas pour décrocher un poste de travail décent. Encore moins dans son domaine. En décembre 2003, il décide de participer à un concours des greffiers. "Le concours s'est déroulé en deux étapes. J'ai passé avec succès l'épreuve de l'écrit à l'université de Constantine et l'oral à l'Ecole nationale des greffiers à Dar El Beida". Durant quatre mois, Djemai exerce en tant que fonctionnaire stagiaire. "C'est en 2004 que j'ai débuté les audiences en public. Mon bonheur était indescriptible lors de ma première prestation", se souvient-il.
Ses premiers pas dans le syndicalisme
Le 10 avril 2012, date du premier mouvement des greffiers, qui se sont constitué en fédération nationale du secteur de la justice, la mobilisation avait atteint 95%. Tous les fonctionnaires de la justice étaient convaincus de leur adhésion au mouvement de grève sous l'égide de SNAPAP (Syndicat national automne du personnel de la fonction publique), un syndicat que Djemai ne connaissait pas auparavant. Durant les 19 jours de la grève, le coordinateur du sud, faisait la navette entre sa région natale et Alger pour prendre part aux réunions des représentants des 48 wilayas à la maison des syndicats à Dar El Beida. Vu l'ampleur de la mobilisation, il était presque sûr du couronnement du mouvement. Le 2 mai 2012, M. Beldjani reçoit une convocation du procureur par le biais de la police, alors que ses collègues ont reçu des convocations par le biais d'un huissier de justice. La convocation coïncidait avec le Week-End. Djemai décide de reprendre le travail le début de la semaine ayant suivi la convocation. "Le procureur de la République m'a congédié verbalement", raconte notre interlocuteur. Mais c'est au mois de juin 2012 qu'il reçoit, par le biais d'un huissier de justice, la décision de sa révocation et le blocage de son salaire. Motif ' "Abandon de poste".
L'asthme étouffe, le chômage aussi
Depuis, Djemai est entré dans une autre ère. "C'est l'ère des égarements", comme il aime la qualifier. Il commence un autre combat pour reconquérir sa dignité. Mais vainement. Depuis le mois de juin 2012, le père de trois enfants en bas âge est sans salaire. Il lutte pour survivre. Aussitôt les chômeurs du Sud annoncent leur mouvement de protestation, Djemai reprend le chemin du militantisme et ce en dépit de son état de santé qui se dégrade de jour en jour. Il participe à tous les sit-in organisés à Ouargla, Ghardaïa et dans d'autres villes du sud du pays. Mais, au bout d'un moment, l'ancien greffier se rend compte que l'objectif de son combat n'est pas le même que celui des jeunes chômeurs. "J'ai un autre statut. J'ai besoin de reprendre le travail", se persuade-t-il tout en continuant à soutenir les jeunes protestataires. Djemai est asthmatique. Ses crises intermittentes l'épuisent. Il se soigne à l'hôpital de Djamaâ. Mais cette infrastructure est dépourvue des moyens les plus élémentaires. "Il n'y a que les urgences qui fonctionnent. A chaque crise d'asthme, je dois passer par l'officine pour acheter la seringue pour me faire une injection. L'hôpital n'en dispose pas", relate-t-il. Sa situation sociale n'est pas loin de l'essoufflement. Il vit à crédit !
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