Algérie

Libye: Washington prudent, Paris pousse Kadhafi vers la sortie



Les dirigeants de la rébellion libyenne, qui font un forcing diplomatique pour la reconnaissance internationale du CNT et recueillir de l'argent pour «la révolution», n'ont pas vraiment «tapé dans l'oeil» des Américains, comme ils l'espéraient.

Parti à Washington arracher une reconnaissance de fait du Conseil national de transition qui lutte pour faire «dégager» Mouammar Kadhafi du pouvoir en Libye, le N.2 de l'opposition libyenne, Mahmoud Jibril, aura fait «chou blanc», les Américains préférant rester prudents pour le moment, même si à Paris les «cocoricos» de la fin du règne de Kadhafi sont devenus assourdissants.

 En fait, les insurgés libyens ont pu obtenir de Washington «légitimité et crédibilité», mais pas de reconnaissance diplomatique. Le conseiller du président Barack Obama pour la sécurité nationale, Tom Donilon, a déclaré à l'occasion de cette visite que «les Etats-Unis considèrent le CNT comme un interlocuteur légitime et crédible (représentant le) peuple libyen», selon un communiqué de la présidence américaine. En fait, M. Donilon a réitéré la position du président Obama selon qui le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi «a perdu sa légitimité» et «doit abandonner le pouvoir immédiatement».

 A Washington, M. Jibril a répété vendredi que la rébellion faisait «face à un problème financier très aigu» et avait besoin de 3 milliards de dollars dans les mois à venir. Selon toute probabilité, les Américains ne devraient débloquer que 150 millions de dollars, puisés dans les fonds gelés du clan Kadhafi. Le groupe de contact sur la Libye a décidé la semaine dernière à Rome de créer un «fonds spécial» pour aider les rebelles et s'est penché sur l'utilisation des fonds gelés de Mouammar Kadhafi et de ses proches estimés à 60 milliards de dollars dans le monde dont environ 30 aux Etats-Unis.

 En fait, la bataille s'est déplacée sur le front diplomatique avec la seconde entrevue samedi à Paris entre le N.2 libyen et le président français Nicolas Sarkozy, l'un des premiers soutiens de la rébellion anti-Kadhafi. Le responsable de la rébellion libyenne, Mahmoud Jibril, est arrivé au Palais de l'Elysée hier à 15h30 pour s'entretenir avec Nicolas Sarkozy de la situation dans son pays et du «processus de transition démocratique». Nicolas Sarkozy a accueilli son hôte sur le perron de l'Elysée. Le Premier ministre François Fillon était également présent. Selon l'Elysée, l'entretien entre les deux hommes a porté «sur la situation en Libye et sur le processus de transition démocratique», huit semaines après le début des frappes aériennes de l'Otan. C'est la deuxième fois que Mahmoud Jibril est reçu par Nicolas Sarkozy, qui veut organiser une «conférence des amis de la Libye» pour préparer la transition démocratique.

 Chef de file des soutiens de la rébellion, la France veut jouer un rôle très actif dans la crise libyenne. Ce qui a poussé le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé à appeler à intensifier la pression militaire sur le régime du colonel Mouammar Kadhafi qui, a-t-il estimé, est «fini», dans un entretien publié samedi par le quotidien arabe Al-Hayat. «Nous souhaitons intensifier la pression militaire parce que compte tenu de la personnalité de Kadhafi, il ne comprendra que cela, c'est-à-dire la force», a déclaré M. Juppé, estimant que les frappes de l'Otan avaient «largement protégé les populations» civiles. A la question de savoir si Kadhafi était «fini», M. Juppé a répondu par l'affirmative. «Oui, j'en ai tout à fait la conviction''.

 Par ailleurs, 11 imams avaient été enterrés samedi, victimes de frappes de l'Otan. Les 11 imams ont péri dans la nuit de jeudi à vendredi dans un bombardement de l'Otan à Brega (est), qui a également fait au moins 50 blessés, dont cinq sont dans un état grave, a affirmé le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, lors d'une conférence de presse. Auparavant, l'agence officielle libyenne Jana avait indiqué que 16 personnes avaient été tuées et 30 blessées dans ce raid. L'Otan a expliqué avoir touché un centre de commandement et de contrôle tôt vendredi, précisant qu'il était utilisé par le régime pour «coordonner des frappes contre la population civile». «Nous sommes au courant d'allégations sur des victimes civiles en connexion avec la frappe, et bien que nous ne puissions confirmer la validité de ces affirmations, nous regrettons toute perte de vies civiles innocentes quand elles se produisent», a indiqué l'Alliance atlantique.

 Le 1er avril, l'Otan avait tué par erreur neuf rebelles et quatre civils à l'est du port de Brega, et le 7, une nouvelle bavure de l'Alliance avait fait au moins 4 morts entre Brega et Ajdabiya. Par ailleurs, six fortes explosions ont été entendues dans la nuit de vendredi à samedi autour de Tripoli, qui était survolée par des avions, ont rapporté des témoins. Deux déflagrations ont d'abord été entendues vendredi dans la soirée à l'Est de la capitale libyenne, selon ces sources. De la fumée se dégageait de l'un des sites visés, selon ces témoins. Tôt samedi matin, quatre autres explosions ont retenti dans la ville, toujours selon des témoins.

Kadhafi: je suis encore là

D'autre part, Mouammar Kadhafi a affirmé que les bombardements de l'Otan ne l'atteindraient pas, dans un bref message audio diffusé vendredi soir peu après que Rome eut évoqué la possibilité qu'il soit blessé et en fuite. «Je vais vous dire que vos bombardements ne m'atteindront pas parce que des millions de Libyens me portent dans leur coeur», a lancé à l'Otan le colonel dans un message diffusé par la télévision d'Etat. Des frappes aériennes de l'Otan avaient touché jeudi matin le vaste complexe résidentiel du dirigeant, faisant trois morts, dont deux journalistes, et 27 blessés, selon un «bilan officiel» communiqué par un responsable gouvernemental. Le message audio de Kadhafi, le dernier depuis le 30 avril, répondait aux propos du ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, qui avait jugé «crédibles» des déclarations de l'évêque de Tripoli selon lesquelles Kadhafi serait blessé et aurait fui la capitale, mais précisé que son gouvernement ne disposait «d'aucun élément sur le sort actuel de Kadhafi». Mais, l'évêque de Tripoli, Mgr Giovanni Martinelli, a aussitôt démenti ces affirmations dans une interview à Radio France Internationale: «Ce qu'a dit le ministre des Affaires étrangères n'est pas vrai parce que je n'ai jamais dit que le leader libyen était blessé», «ni qu'il était parti de Tripoli».




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