Retrouver «une vie
normale». Les Tripolitains en rêvent et s'y attellent. Depuis l'entrée des
rebelles dans la capitale, le 20 août, le calme est progressivement revenu. Pour
l'Aïd el-Fitr, femmes et enfants sont sortis dans la
rue, après être restés calfeutrés plusieurs jours à la maison. Les familles ont
fêté «le septembre du renouveau», en dépit des difficultés pratiques et des
incertitudes quant à l'avenir du pays.
Des épiceries ont
rouvert, quelques jours avant la fin du Ramadan. Les clients s'y pressent
malgré l'envolée des prix. Dans son échoppe emplie de senteurs épicées, Omar
Mustapha, 52 ans, s'étonne presque de l'affluence. Le raisin sec, vendu 6
dinars le kilo avant la guerre (1 dinar = 0,5 euros au parallèle), vaut
désormais 12 dinars. Le kilo d'amandes est passé de 12 à 18 dinars. «On vend
tout deux fois plus cher à cause des difficultés d'approvisionnement», explique-t-il.
Dans les boutiques,
certaines étagères restent partiellement vides. Certains produits, comme le
fromage et l'eau minérale, n'arrivent pas en quantité suffisante. Quand ils en
trouvent, les Tripolitains doivent souvent payer 6 dinars le pack de six
bouteilles d'eau, contre moins de 3 en temps normal. Sous l'effet des sanctions
décrétées par la communauté internationales contre le régime de Mouammar
Kadhafi, et des difficultés d'accès au territoire libyen en guerre, les
importations ont chuté. Elles peinent à redémarrer. Un problème majeur, alors
que la Libye
importait 90% de ses produits alimentaires et d'équipement avant le conflit.
Doutes sur la
reprise de la production pétrolière
«La vie est chère
en ce moment, mais la liberté n'a pas de prix», assure Kalifa Bouichi, 49 ans, qui patiente
devant une boulangerie prise d'assaut. Le pain est l'une des seules denrées
dont le prix n'a pas flambé. L'homme arrache in extremis un sac de petits pains
tandis que le boulanger ferme boutique: il a tout vendu. Tant pis pour les
malchanceux, qui partent sans protester tenter leur chance ailleurs.
Ils montent à cinq,
parfois à six dans les voitures. Car le carburant continue de manquer. Beaucoup
d'automobilistes s'approvisionnent encore sur le marché noir, où 20 litres d'essence
coûtent aux alentours de 80 dinars, contre environ 3 avant la guerre. Les
stations-service ont recommencé à en distribuer, approvisionnées notamment par
l'aide humanitaire, mais les files d'attente sont interminables. Il faut
parfois patienter «des journées entières» avant d'être servi.
Au sein du Conseil
national de transition, on assure que la reprise de la production pétrolière
est une question de «quelques semaines». Les experts internationaux parlent
quant à eux de «quelques années». Les nouvelles autorités assurent en tout cas
tout mettre en Å“uvre pour faire revenir les entreprises étrangères, largement
présentes dans le secteur pétrolier. Aboubakr, un
habitant de Zenten, dans l'ouest de la Libye, espère des résultats
«rapides». L'homme d'une trentaine d'années travaillait sur une plate-forme
pétrolière exploitée par un groupe italien, avant de se retrouver sans emploi
au début du conflit. Il ne sait à quoi s'attendre, dans les mois qui viennent. Une
incertitude qui pèse aussi sur le moral d'Hanane Boutalha. La femme de 37 ans, d'origine marocaine, travaillait
comme secrétaire dans société brésilienne opérant dans le secteur de l'informatique.
Elle a fermé ses portes, laissant Hanane Boutalha et les autres salariés sans revenus. «Je vis en
Libye depuis 10 ans, dit-elle. Mes enfants sont nés ici, ils ne connaissent que
ce pays. Je dois travailler pour pouvoir rester».
Les chefs
d'entreprises libyens ne sont pas encore de retour
Mais le retour des
investisseurs étrangers se fait attendre. Certains chefs d'entreprise libyens, qui
ont basculé leurs activités sur d'autres pays, hésitent eux aussi à rentrer. Depuis
mars, Mokhtar Muhamad gère
son entreprise de cosmétiques depuis Tunis. Finis les «allers-retours» auxquels
il était habitué, son entreprise étant implantée en Tunisie avant la guerre. Désormais,
toutes ses activités en Libye sont suspendues. Le père de Fatin
Ahmed, 20 ans, une habitante de Tripoli, gère aussi son entreprise gazière
depuis la Tunisie,
où il avait une filiale avant la guerre. Ses bureaux de Tripoli resteront
fermés jusqu'à ce que «la situation lui permette de revenir», dit sa fille. C'est
notamment la rareté de l'eau dans la capitale et ses environs qui freinent le
retour du père de Fatin Ahmed. L'approvisionnement en
eau continue d'être un défi majeur pour les nouveaux dirigeants libyens, bien
qu'ils aient assuré le 4 septembre que Tripoli serait «dans les prochains
jours» ravitaillée en eau, après la prise de contrôle de la majeure partie du
système d'acheminement de l'eau du Sahara à la capitale libyenne. Crucial pour
que l'appel du CNT à la reprise du travail soit entendu, l'approvisionnement en
eau et en énergie conditionne tout début de reprise de l'économie libyenne. Après
avoir enregistré une croissance de 7,4% en 2010, le produit intérieur brut de la Libye a reculé de 19% ces
huit derniers mois, selon le Fonds monétaire international.
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Posté Le : 13/09/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Anouk Ledran De Tripoli
Source : www.lequotidien-oran.com