Algérie

Libye: Quinze milliards de dollars, en attendant le reste



C'est finalement 15 milliards de dollars qui seront débloqués au profit des nouveaux maîtres de la Libye pour la reconstruction du pays, une décision prise lors d'un sommet jeudi à Paris au cours duquel la Russie a fini par reconnaître le CNT.

La rencontre des «amis de la Libye», organisée par l'un des soutiens les plus solides de la rébellion, le président français Nicolas Sarkozy, s'est terminée sur la mise en place d'une feuille de route pour l'émergence d'une nouvelle Libye, celle de l'après-Kadhafi. L'ONU et les principaux soutiens occidentaux de la rébellion ont mis au point une feuille de route pour les nouvelles autorités de Tripoli et débloqué immédiatement 15 milliards de dollars contre la promesse de la démocratie, de la stabilité et de la réconciliation. Pour autant, la Grande-Bretagne, la France et l'Otan ont annoncé que les opérations militaires internationales se poursuivraient tant que Mouammar Kadhafi demeurerait une menace. «L'argent détourné par M. Kadhafi et ses proches doit revenir aux Libyens. Nous nous sommes tous engagés à débloquer l'argent de la Libye d'hier pour financer le développement de la Libye aujourd'hui», a déclaré le président français. Quarante-deux ans, jour pour jour, après la prise du pouvoir par Mouammar Kadhafi, et six mois après le sommet de Paris qui a été à l'origine de l'intervention militaire internationale contre le «guide» libyen, une soixantaine de pays et d'organisations avaient jeudi approuvé à Paris un plan d'aide à la Libye expurgée du régime de Kadhafi et un soutien au Conseil national de transition (CNT).

Mise en garde US

Cependant, les Etats-Unis ont tempéré les ardeurs des uns et des autres, estimant que l'aide financière et le soutien politique ont une contrepartie. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a demandé aux dirigeants de la «Libye nouvelle» de «combattre l'extrémisme», car des doutes sont apparus concernant certains dirigeants rebelles, jugés proches des islamistes ou d'Al-Qaïda. « Les nouvelles autorités libyennes vont devoir continuer à lutter contre l'extrémisme violent et travailler avec nous pour s'assurer que les stocks d'armes de Kadhafi ne deviennent pas une menace pour les voisins de la Libye et le monde», a-t-elle dit au cours de cette conférence. Mais outre les mises en garde, américaines notamment, l'ONU veut avoir un droit de regard sur la transition en cours en Libye et Ban Ki-moon s'est prononcé pour l'envoi rapide d'une mission dans le pays. «J'ai un message pour le peuple libyen : (...) tout est entre vos mains (celles des Libyens, ndlr) pour réaliser ce que nous avons promis : la stabilité, la paix et la réconciliation», a répondu devant la presse le président du Conseil national de transition, Moustapha Abdeljalil. «L'islam encourage au pardon. Il encourage à la réconciliation. L'Etat de droit doit être respecté», a-t-il encore affirmé.» Les participants vont demander au CNT d'engager un processus de réconciliation et de pardon pour que les erreurs faites dans d'autres pays dans le passé nous servent de lumière», a abondé Nicolas Sarkozy. Au sommet de Paris, la Russie a annoncé qu'elle reconnaît le CNT en tant qu'«autorité au pouvoir». Pékin, qui s'était comme Moscou abstenu au moment du vote au Conseil de sécurité de la résolution 1973 qui a permis l'intervention internationale en mars, a dit attacher «de l'importance à la position et au rôle considérable du CNT pour régler la crise». Seule l'Afrique du Sud a boudé la conférence. Kadhafi, qui reste introuvable et qui serait réfugié dans le village de Ben Walid, a appelé ses partisans à «poursuivre la résistance». «Nous ne nous rendrons pas. Nous allons poursuivre le combat», a-t-il lancé, refusant de répondre à l'ultimatum du CNT.

La prise de Syrte s'annonce difficile

«Préparez-vous à la guérilla, à la guerre urbaine et à une résistance populaire dans chaque ville», a dit Kadhafi. Sur le front des combats, les rebelles attendent de donner l'assaut final contre la ville de Syrte et la ville de Beni Walid, 50.000 habitants, à 150 km au sud-est de Tripoli. Avec la ville de Syrte, sur la côte méditerranéenne, et l'oasis de Sabha, dans le centre ouest du pays, elle constitue l'une des trois dernières poches de résistance des partisans de Kadhafi. Dans l'attente de l'expiration de l'ultimatum fixé par le CNT aux forces kadhafistes, repoussé au 10 septembre, les rebelles patientent tant bien que mal aux portes de Bani Walid, tenue par l'ancienne armée loyaliste. A l'est de la ville, des accrochages entre les deux camps éclatent quotidiennement mais l'ex-rébellion, qui effectue régulièrement des missions de repérage dans la zone, affirme éviter dans la mesure du possible d'ouvrir les hostilités en se gardant de toute provocation pour ne pas porter un coup fatal à une solution négociée. «Pour le moment, nous attendons. Tout le monde est prêt à se battre. Syrte sera libérée en premier, puis Beni Walid», explique Ibrahim Obaid, membre de la rébellion. Selon la rébellion, 168 «katibas», soit 16.000 hommes, sont actuellement déployées autour du bastion de Misrata dans l'attente de l'assaut final contre Bani Walid et Syrte qui, aux dires des rebelles, sera compliqué. Le CNT a annoncé, par ailleurs, que le pays sera doté dans moins de 20 mois de toutes les instances politiques, qui seront démocratiquement élues. Une assemblée constituante sera élue dans environ huit mois et des élections présidentielle et législatives seront organisées d'ici 20 mois en Libye, a affirmé hier vendredi le représentant en Grande-Bretagne du CNT, Guma al-Gamaty. Enfin, Paris a démenti tout accord pétrolier avec le CNT, alors qu'officiellement, cinq compagnies pétrolières ont délégué des représentants en Libye pour tenter de relancer la production du pays, selon un représentant du CNT.




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