Algérie

Libye : modernisation à marche forcée du secteur bancaire


L'État libyen accélère la cadence de la libéralisation du secteur bancaire national. Trois nouveaux acteurs étrangers planteront, d'ici l'été prochain, leurs drapeaux dans le pays, avec à la clef un contrôle total du management.

a Libye poursuit la modernisation à marche forcée de son système bancaire, sous l'impulsion du gouverneur de la Banque centrale libyenne, Farhat Omar Ben Guedara, et avec les conseils du prestigieux cabinet canadien McKinsey, installé dans le pays depuis 2007. Après une pause technique en 2009, les grandes manÅ“uvres ont repris de plus belle, dans un secteur bancaire qui reste parmi les plus archaïques du Maghreb. Deux ans après la cession de 19% de ses parts dans Sahara Bank et Wahda Bank, respectivement à BNP Paribas et à la banque jordanienne Arab Bank, avec une option permettant aux adjudicataires de ces deux premières privatisations partielles de porter leurs participations à 51%, l'Etat libyen a accéléré la cadence de son désengagement. La Banque centrale libyenne (BCL) a donné, début février dernier, son feu vert à la cession de 40% du capital de la banque publique United Bank for Commerce & Investment à la banque bahreïnie Ahli United Bank, pour un montant de 53,8 millions de dollars. Le contrat d'acquisition devrait être signé officiellement en avril prochain, selon un communiqué de la première banque bahreïnie, déjà implantée dans sept pays du Moyen-Orient.

 En dépit de sa prise de participation minoritaire, le groupe bancaire du Golfe, dont les actifs s'élèvent à 25 milliards de dollars, se verra confier la gestion de la onzième banque libyenne en termes de total actifs (261,2 millions de dollars en 2009), née en 2007 de la fusion de trois petits établissements détenus par des fonds souverains.

Coentreprises bancaires

 La volonté d'ouverture du marché, affichée par le gouvernement libyen, s'est également matérialisée par le lancement, le 16 février, d'un appel à manifestation d'intérêt aux banques étrangères pour la création de deux coentreprises bancaires avec des investisseurs locaux. Une première depuis la nationalisation des banques étrangères qui exerçaient jadis dans le pays par le colonel Kadhafi dans les années 70. «Les banques étrangères retenues auront une part de 49% dans le capital, contre 51% pour les investisseurs locaux, mais bénéficieront du contrôle total du management», a précisé la BCL, dans un communiqué publié sur son site Internet.

 Le régulateur du système bancaire libyen exige des banques intéressées d'avoir un capital minimum de 2 milliards de dollars et une «bonne expansion à l'international», ainsi qu'une notation de pas moins de Baa2 auprès de l'agence de notation Moody' s ou BBB chez Standard and Poor's ou Fitch.

 La liste des banques présélectionnées sera rendue publique au mois d'avril 2010, alors que l'annonce des candidats définitivement retenus comme partenaires stratégiques des deux nouvelles banques est prévue en juillet.

 Autre privatisation partielle de moindre ampleur : la cession, entre janvier et février passés, de 15% du capital de la National Commercial Bank, troisième banque libyenne par le total actifs (7,72 milliards de dollars à la fin 2009), sur le marché boursier local.

De la concurrence à l'horizon

 La montée en puissance programmée de l'actionnariat étranger est destinée à corriger progressivement les archaïsmes d'un secteur jusqu'ici plombé par l'omniprésence de la Banque centrale, qui joue à la fois les rôles de régulateur, de gestionnaire des réserves et d'actionnaire à hauteur de 85%. Dans sa première notation souveraine accordée à la Libye, en mars 2009, l'agence de notation londonienne Standard & Poor's avait déjà noté que le principal obstacle qui freine la modernisation du secteur bancaire libyen demeure «une prise de décision très centralisée et régie par un système très complexe, où le dernier mot revient à tous les coups à l'Etat ». Un constat qui rejoint celui établi en 2007 par l'économiste américain Michael Porter. Chargé par le Conseil général du plan libyen de mener une étude sur les futurs chantiers de la réforme de l'économie du pays, cet expert avait conclu que «le poids important de l'Etat empêche la majorité des dirigeants des banques publiques libyennes de prendre des initiatives pour aller au-delà des services de caisse, qui constituent l'essentiel de leurs activités».

 Du côté des opérateurs libyens, on se félicite de l'arrivée imminente de nouveaux acteurs étrangers. «Nous ne pouvons qu'applaudir l'ouverture du marché à de puissantes banques étrangères. Cela ne peut que favoriser le transfert de nouvelles pratiques managériales et commerciales de nature à favoriser la concurrence entre les 19 établissements que compte la Libye», a souligné Abdelfattah Ghaffar, directeur général de Jûmhûria Bank, la première banque libyenne par le total actifs (17,6 milliards de dollars), cité par la presse locale.

 En attendant l'avènement de la concurrence, les banques libyennes continuent d'afficher une insolente santé. Selon les statistiques de la BCL, le total des actifs des quinze banques commerciales du pays a atteint 45,67 milliards de dollars en 2009, en progression de 31% sur un an. Les dépôts ont enregistré une hausse de 17,2% pour s'établir à 37,96 milliards de dollars, alors que les crédits servis à l'économie (9,21 milliards de dollars) ont augmenté de 12%.


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