La fin est
tragique. Kadhafi vient de rentrer cette fois-ci éternellement dans l'histoire.
Celle des atrocités, celle des causes perdues.Une
horde sauvage ne peut aussi agir au nom d'un peuple. Bonjour à un autre épisode
du livre vert : la démocratie tribale ?
L'on dira un jour
que c'est grâce à la télévision que le régime Kadhafi s'était un peu prolongé.
Ce moyen, chez qui sait s'en servir est une arme effroyable et de grande
propagande. Le « guide » en usait mieux qu'il utilisait son fusil d'épaule. Il
suffisait d'une image, d'un son le montrant sur son cinq, que voilà la
crédulité d'un monde, le sien arrivait à se consommer dans le « donc tout va
bien ». L'on dira aussi que c'est grâce à l'aviation de l'OTAN
, à l'intervention sur le sol des services d'intelligence et de
renseignements étrangers, à l'approvisionnement en armement excessif, à l'ONU
et son conseil de sécurité enrôlé, à une ligue arabe débonnaire et «allégeante», à un Qatar banquier, à des Emirats
insoupçonnés, que Kadhafi est tombé. Le peuple… quelques pans ont suffit de
finir son régime battu et abattu déjà par la coalition. Il a pourtant berné
tant les libyens que l'Afrique et le monde. On ne lui pas omis ses jacasseries
sarcastiques et prises de bec ironiques à la tribune
des nations unies lorsqu'il fustigeait cette corporation et bravait la charte
qui l'administre.
LE SOLDE DE TOUT
COMPTE D'UN HOMME A FORTE AMBIGUÏTE
Certes Kadhafi
était une bizarrerie qui nageait dans ses propres fantasmes. Les conditions de sa captures montraient toutefois son cran et sa détermination
à ne pas abdiquer ni capituler. Les raids aériens n'ont pu le faire reculer
pour l'avancer davantage vers une sortie qu'il jugeait déshonorante. Il se
croyait toujours, en fait il faisait croire mordicus à ses adeptes, qu'ils sont
en guerre contre les croisés, les impies et les mécréants.
En disant un
certain moment qu'il n'est ni président, ni roi, juste un guide et un mentor
référentiel agissant pour l'éternité, Kadhafi semblait faire sa prémonition. Le
sort lui aurait donné raison. Il est là pour l'histoire et l'éternité. L'on
s'en souviendra. Il leur affirmait qu'ils doivent le sacraliser en qualité de
gloire arabe, musulmane, africaine et américano-latine.
Enfin une espèce de messie tiers-mondiste.
Il n'arrive pas à
comprendre ce qui se passe dans la cavité de son peuple, armé également dans
une large majorité à blanc par des forces étrangères et une frange des radicalistes islamiques. Sa révolution, pour ce peuple
était une partie ternie de l'histoire post-69. Les raisons génésiaques à son soulèvement
se sont toutes estompées. Le roi Idriss est parti. Il
a été vite remplacé par un autre s'appelant autrement. Son Etat n'est pas une
constitution. Son parlement n'a pas de partis. L'expression populaire, à son
sens ne se débite qu'à travers la voix du maitre. Du
guide. Il a voulu forcer le destin à lui réserver contre vents et marées une
issue des plus mythologiques. Il en est malheureusement ou heureusement bien
servi. Ensanglanté, malmené Kadhafi comptait devenir une marque de révolution.
Il a fait de cette pauvre contrée une dissidence, une blague à dimension
étatique.
Contre un baril
de plus, il obtient une motion de soutien. Cette fois-ci le jeu est; pour lui
fermé à jamais. Sa révolution a finalement soldé ses comptes. Le contenu
indigeste et gymnaste du livre vert ne dégageait pas
alors la senteur fétide et pestilentielle d'un régime unique et inique au
monde. La Jamahiriya,
une semi république noyée dans la moitié d'une monarchie personnelle conquérait
alors la reconnaissance servile toute la puissance mondiale.
On y
applaudissait. On clôturait des dettes. On finançait des projets de routes et
on édifiait des bassins d'horticulture. On ne pourra jamais innocenter le
système qui cantonnait le peuple dans l'illusion démocratique et l'adulation
forcée d'un seul homme. Ses tares sont plurielles. Mais rien ne justifie encore
la torture d'un être dans le dernier quart d'heure qui lui reste à vivre et que
l'on s'empresse de le finir sans aucune circonspection humanitaire. Le rubicond
est franchi.
LA
REVANCHE ET L'INHUMANITE COMME STYLE DE VICTOIRE
La scène à Syrte
était insupportable. L'on y voyait que des yeux agressifs et revanchards se
mettre sans état d'âme sur un corps humain, chétif, blessé. Le crime était déjà
commis. Les voix perçantes comme un clairon de victoire déchiraient le silence
d'une histoire qui s'est tue quarante deux années durant. Le peuple libyen ne
doit pas du tout se sentir se baigner dans le sang de cette ignominie. Sinon il
aurait fait ce que lui faisait son autocrate. Kadhafi est mort ainsi dans un
lien direct au combat. Parce qu'il a été tout simplement assassiné avec
préméditation, qu'il tombe au champ d'honneur. On l'a par cette épreuve rendu immortel. Son image finale ne cessera pas de se
transporter au fil des ans. De toute son Å“uvre, la mémoire ne gardera en
définitive que cette scène d'abattoir, cette image de lynchage, ce zoom du
martyr et du crucifix. On aurait pu l'arrêter, le soigner, le juger, le
condamner et l'exécuter. Et non pas le meurtrir davantage à coup de crosse et
en faire ainsi un porteur de faix et de calvaire. C'est un peu ça, n'est-ce pas
ce droit humanitaire, cette chariaa, cette sentence
naturelle …de Dieu, des choses et des hommes ? Kadhafi était en cycle final de
mener son dernier combat, lorsqu'il connut ses ultimes moments dans l'hérésie
d'une foule déchainée, haineuse et ensauvagée. Il est
devenu le rat le plus cher que l'on cherchait partout dans les coins et recoins
des égouts et des caniveaux. Un agitateur, un combattant, un guerrier voire un
destitué non convaincu ; pourchassé, recherché, traqué, en cavale, mais pas
fuyard puisse-t-il se trouver dans un palais, un palace ou un QG localisé et
confortable ? Avec la mort de Kadhafi, c'est un autre feuilleton qui va se
lancer. Le partage du pouvoir suite à la prise d'un butin est plus meurtrier
que la guerre même chez les habitants de toute cette zone. Dans la liesse
pathologique d'une armée civile, métissée et irrégulière insatiable pour
assouvir ses revanches, l'on n'y voyait pas le reflet d'un peuple qui veut se
promouvoir vers les étages supérieures de la démocratie. Les dollars qui
s'offraient par-ci et par là aux occidentaux, forcés de fermer un Å“il ; ne
sentaient pas alors l'effluve de la torture ou l'odeur adhésive de la fermeture
des gosiers et la condamnation des libertés.
En ce jour à syrte, la reproduction provocante
en live de la fin d'un être était excessive. Lorsque de jeunes occasionnels
militaires inconscients prennent des photos portables à coté d'une vedette qui
ne l'est plus, cela ne peut profiler qu'une mauvaise exultation. La danse
macabre et l'horrible parodie faite devant une dépouille mortelle alanguie ne
sont en finalité qu'une expression d'une certaine culture de l'humanité. Un
cadavre ne peut servir comme canevas de fond à un souvenir de famille. Ainsi la
mort sans état d'âme devient un trophée à exhiber. Sarkozy, pourtant commandeur
et artisan principal de l'opération, a déclaré avec une émotion labiale «il ne
faut jamais se réjouir de la mort d'un homme, jamais ! » L'histoire, la vraie
ne fait que commencer en Lybie.
Là, ces «
révolutionnaires » viennent de donner une leçon pétrifiante au monde entier.
Par leur barbarie, inhumanité ils ont prouvé à ce monde qu'ils ne peuvent
s'accoupler avec les charmes de la démocratie. Hordes sauvages, bédouins,
gueux, incivilisés ils ont jeté l'opprobre sur
l'arabe et l'islam. Au quatrième jour de son assassinat, le sordide a atteint
l'apogée de l'intolérable. Il est devenu un spectacle gratuit. L'on continue à
faire de son cadavre et de celui de son fils un objet de curiosité que l'on
permettait aux visiteurs de voir et de photographier. Même les mômes,
traumatisés, ont eu leur lot de visite funèbre. Un musée de cadavres vient
d'inaugurer une nouvelle touristique en Lybie. Le tourisme
nécrologique. C'est une honte immense de l'esprit de croire que lorsque le
vilain a été? tue?, justice a été? faite.
UNE TRANSITION
INFINIE, UNE INCERTITUDE, UNE ISSUE VERS LE CHAOS
Voilà, après que
le régime de Kadhafi s'effondre comme un château de sable, l'avenir n'est pas
aussi tout reluisant pour la
Libye. La disparition d'un homme honni soit-il n'apporte pas
toujours l'issue souhaitée. L'Irak se tient comme l'exemple le plus typique.
Une mort d'homme n'entraine pas forcement mort d'une
idéologie. L'histoire est debout pour donner ses preuves. Le chaos et
l'inorganisation qui vont se suivre n'auront pas le temps de se mettre au
diapason des aspirations populaires. Ainsi la révolution, parmi ses diversions,
elle crée aussi de l'opportunisme, du pur. On y verra des personnalités de tout
bord, venir et acclamer, maintenant tout haut leur désaccord, opposition à un
régime parti, et auquel ils n'avaient rien fait auparavant pour qu'il
disparaisse. La situation restera fort compliquée avec l'ouverture de tous les
appétits hydrocarbures possibles des grandes puissances. La diplomatie assistée
et téléguidée s'est déjà mise en route. Mais aussi l'économie, on commencera à
se bousculer devant les ports de Benghazi, de Syrte et de Tripoli. Les quais se
rempliront de matériels destinés à la reconstruction de l'infrastructure
disparue. Les bons de commande vont créer les yeux doux.
C'est aussi par
devant une soif ardue de liberté et de démocratie, qu'on voulant y boire, que
le pire puisse arriver. Ce pays abrite dans ses soubassements de nombreuses
cellules dormantes toute idéologie confondue. La plus virale reste, en toute
évidence la constance islamiste. Elle vient d'être ardemment soutenue par le
président du CNT. Abdeljalil, ce monsieur, Taleb
d'une zaouïa, entonne déjà l'ossature de l'Etat qui se dessine. Un Etat
théocratique, où seule la loi coranique a droit de cité, en donnant l'exemple
de la polygamie à réinstaurer, devait-il dire, avant de se dédire 24 heures
après ; lors de la fête de la « la libération totale » organisée à Benghazi
(pourquoi pas à Tripoli capitale du pays ?) ca
commence l'instinct tribal et grégaire que Kadhafi avait su faire taire des
années durant. Une nouvelle forme, sous une autre édition du livre vert va naitre : la démocratie tribale. Ce sera la dictature des
tribus les plus en vue. L'occident commence à prendre un air frileux et la peur
commence à le gagner. La
Tunisie vient de décréter électoralement la mainmise des
islamistes. En Libye les concessions primaires sont l'ouverture et le départ
vers l'incertitude de malheureux lendemains. Les règlements de compte au sein
de la rébellion vont-ils fragiliser La cohésion de façade recommandée par la
nécessité d'une opposition forte et soudée ? Le CNT se trouve en fin de ce
premier round de la révolution dans une zone de turbulence très dangereuse.
Déjà l'assassinat non élucidé de l'ancien patron militaire des rebelles Younes tué dans des circonstances vaseuses après avoir été
rappelé du front pour un interrogatoire à Benghazi. 4 jours après l'assassinat
du colonel, ils (les membres du CNT) promettent de constituer enfin un
gouvernement. Paroles, paroles. La sociologie locale basée essentiellement sur
le délicat équilibre tribal et régional demeure très présente dans les futures
tractations politiques. La bagarre sera rude entre partisans, courants
idéologiques, tribus, aigris, rebelles. L'esprit d'allégeance ou de divergence
avec la « révolution » fera le poids et la faiblesse des uns et des autres.
Déjà le président transitoire promet des allocations aux rebelles. Et les
autres ? La majorité silencieuse, la population désarmée ? Quel rôle aura, cet
ex-chef et futur chef terroriste Belhadj ? Les libyens connaitront,
hélas les faux barrages, les assassinats collectifs et toute la panoplie de la
haine et de la violence. Il sera difficile d'accroitre
les potentialités de réussite des objectifs de la révolution. Quant à la femme
libyenne, elle ne pourra gouter au parfum de la
liberté voulue et convoitée. Elle se limitera à une entité sociale, devant par
démocratie voter et être élue. Pas plus avec un tel Abdeljalil.
C'est vrai qu'en Libye la peur gagnait toutes les bouches. Cette peur était
visible et audible. Le régime sévissait à l'ombre comme un fantôme. L'on le
voyait partout et nulle part. Il avait ses oreilles, ses yeux dans le même
corps social. La trouille se voyait s'ériger comme un management de gestion
adoucissante des foules. Mais cette peur, ce sont tous les peuples arabes en
vérité qui la vivent. Elle emplit l'être arabe de l'écran de sa TV, à son école
ou université jusqu'à dans ses écrits, paroles et Å“uvres artistiques ou
littéraires. A-t-on vu, un poète faire des odes à la faveur de Sarkozy ? Ou
bien la France
n'a plus de poètes ? « El jamahiria » diffusait à
longueur d'audition des romances panégyriques et louanges au seul guide.
L'INCERTITUDE
LIBYENNE PESE AUSSI SUR L'ALGERIE
Le traitement
réservé au colonel pris en position de combat a quand bien même suscité de
l'émotion, du moins de la clémence. Nous nous connaissons un peu la chose.
Sinon autrement dit, l'Algérie aurait bien pesé cette prudence. Refuser de
reconnaître initialement à ses débuts le CNT n'était finalement pas une
maladresse d'appréciation. Même si en restant intransigeante dans sa politique
étrangère, elle n'avait pas clos cependant le fil de discussion avec ceux
qu'elle savait être les futurs maitres de la
situation. Aphasique, peu bavarde sur le sujet et munie du principe de la
neutralité à la naissance du conflit ; elle s'est épargné de la sorte les
foudres et probablement les réprimandes d'un guide en perte progressive de
toute légitimité. Elle savait que le délire du colonel harcelé et pris
sournoisement en tenaille pouvait bien déverser l'ironie et l'amalgame. Il a
bien proféré des vérités ou des mensonges à propos de chefs européens. Le
financement de la campagne de Sarkozy, les scandales de Berlusconi, les
origines d'Obama. Il pouvait parler de la révolution
algérienne, la mettre en cause, déterrer quelques échauffourées, divulguer
quelques discrétions de palais, narrer des anecdotes imperceptibles. Une chose
reste certaine pour le CNT c'est que le peuple algérien à travers, ses
journaux, ses mails, et toute autre forme d'expression non gouvernementale
s'est démarqué de la position officielle, qui prônant la prudence s'est
retrouvée dans un excès dangereux et par conséquent avait marqué sa sympathie
pour les révolutionnaires jusqu'à ce jour fatidique où tout a basculé. Ce CNT
sait aussi le statut de l'Algérie dans la stabilité de la région.
Cependant, depuis
le prélude de la guerre de Libye en février 2011, conflit dans lequel l'Otan
est le principal belligérant, le statut géostratégique de l'Algérie demeure
situé dans une notion aléatoire, voire menacé. Le bombardement des dépôts
d'armes et de munitions de l'armée libyenne par les forces aériennes et navales
de l'OTAN et leur pillage par les rebelles dont des membres de l'organisation
terroriste AQMI a entrainé un accroissement
comminatoire et pesant des armes conventionnelles en Libye et au Sahel. Le brouillard
et l'anarchie qui sévit en ce pays constitue non
seulement pour l'Algérie mais aussi pour les autres pays limitrophes, un danger
permanent et pérenne tant des armes de valeur destructrice sont à l'air libre.
Ceci les grandes puissances l'ont bien compris. Donc la position algérienne est
réfléchie et se doit d'interférer tactique diplomatique et intérêt vital quant
à la protection territoriale. Maintenant que les choses se tassent et se
décantent, la diplomatie en ses lettres de noblesse reviendra à ses pas
ordinaires du bon voisinage. Le secrétaire d'Etat adjoint pour les affaires du
proche orient des Etats Unis d'Amérique Jeffrey Feltman, lors de sa récente visite à Alger, n'a pas manqué
de rappeler l'importance de la partie algérienne dans le traitement des effets
du conflit libyen.
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Posté Le : 27/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com