Les tragiques événements armés déclenchés mercredi dernier pour la prise en otage de la capitale libyenne obligeront au report de l'élection présidentielle du 24 décembre tant sa tenue augure inévitablement de la reprise de la guerre civile dans toutes ses dimensions désastreuses.Aux dernières nouvelles médiatiques, Tripoli brûle sous les feux d'un groupe armé d'obédience islamiste. C'est, dit-on, un groupe connu pour sa puissance armée qui a encerclé mercredi soir les sièges des institutions transitoires en l'occurrence le gouvernement d'Union nationale (GNA) et le Conseil présidentiel. Il s'agit du Front Essoumoud que dirige Salah Badi, un natif de Misrata, située à près de 200 km à l'est de la capitale Tripoli, une région que dirige le maréchal Khalifa Haftar. Celui qui s'est érigé en commandant des forces armées libyennes (ANL) a dû sans nul doute avoir son mot à dire sur la programmation et le déroulement de ces derniers événements armés dont les acteurs se sont déplacés de l'Est vers l'Ouest avec comme mission de prendre en otage les institutions libyennes et leurs dirigeants. Peu importe s'ils sont islamistes ou autres, mais il est admis que toutes les forces armées qui évoluent à l'est de la Libye le font dans une région régentée par Haftar et ses forces que plusieurs pays étrangers soutiennent sans relâche. Ces derniers devaient alors être au courant de ce nouveau coup de force de l'Est contre l'Ouest avec en point de mire la chute de Tripoli. Les attaques menées dans la soirée de mercredi à jeudi contre les institutions libyennes par les brigades de Salah Badi ont obligé les agents de sécurité postés devant les sièges officiels à se retirer pour ne pas pousser Tripoli dans de nouveaux affrontements armés. Il faut croire que le groupe Essoumoud n'a pas lésiné sur les moyens pour assiéger les deux institutions en particulier en accusant leurs dirigeants «de servir les pays étrangers plus que la Libye». Les médias font en effet état de déploiement de nombreux hommes armés et de véhicules militaires de Badi au centre-ville et sur les grandes artères depuis mercredi minuit.
Une prise de Tripoli non déclarée
Par cette nouvelle incursion dans Tripoli après celle en 2014 suite à la tenue des élections législatives, les brigades Essoumoud veulent cette fois l'annulation de l'élection présidentielle du 24 décembre prochain. Une demande qu'elles ont accompagnée de menaces contre les dirigeants actuels libyens qualifiés par Badi de «traîtres, des agents ennemis et de racailles ». Le chef du groupe islamiste a en même temps dénoncé le mutisme de l'Américaine Stéphanie Williams nommée représentante du Secrétaire général de l'ONU pour la Libye après la démission en novembre dernier du Slovaque Jan Kudis. Il lui reproche de n'avoir pas réagi en tant que conseillère spéciale du SG de l'ONU qu'elle était, lorsque Haftar avait mené il y a deux ans son offensive armée pour la prise de Tripoli. L'on note que la représentante onusienne a fait savoir jeudi dernier par un tweet qu'elle s'est déplacée mercredi dernier à Misrata pour s'entretenir avec des responsables civils et militaires qu'elle considère «pour la solution politique». Cette escalade armée du Front Essoumoud a lieu à peine à une petite semaine du premier rendez-vous électoral des Libyens après la descente aux enfers de leur pays suite à l'intervention de l'OTAN en 2011 suivie d'ingérences étrangères intempestives les unes plus nocives que les autres au regard des groupes armés qu'ils ont «semés» à travers la Libye avec en main armes sophistiquées et lourds financements. Au milieu d'un tel désastre, il serait illusoire de croire qu'une élection pourrait avoir lieu alors que la haute commission libyenne chargée de les organiser n'a, à ce jour, même pas pu rendre publique la liste définitive des candidats, élaguant ainsi toute possibilité de sensibiliser les électeurs et toute campagne électorale. Le tout rend inaudibles toutes les voix qui appellent depuis longtemps à la tenue de cette hypothétique présidentielle à commencer par celles toutes récentes des plus hautes autorités algériennes et tunisiennes.
Le siège de Tripoli par le Front Essoumoud est en évidence la conséquence d'une déliquescence accrue des dirigeants politiques libyens actuels face aux exigences d'un pays dont la sécurité et la paix dépendent étroitement de la circulation de près de 40 millions d'armes, détenues par ses tribus mais surtout par les nombreuses milices étrangères soutenues par des Etats arabes et occidentaux connus par tous.
Inévitable report de l'élection du vendredi prochain
Les mercenaires étrangers en Libye résistent à toutes les tentatives de leur départ alors qu'il a été recommandé par les dirigeants des pays de la région et par les deux conférences internationales sur la Libye de Berlin et celle récente de Paris. C'est dire que la communauté internationale veut déclarer forfait face à des faits que certains de ses membres entretiennent sans vergogne afin de préserver d'importants intérêts géostratégiques. En fait, que l'élection présidentielle du 24 décembre tout autant que celles des législatives prévues en février prochain ou alors leur jumelage aient lieu ou pas, devant la persistance des ingérences étrangères et la présence de mercenaires étrangers qui entretiennent le spectre de la guerre civile, la scission de la Libye en plusieurs régions tribales semble être l'objectif principal des officines américaines et israéliennes initiatrices du fameux GMO (Grand Moyen-Orient). Les nombreuses intrusions «officielles» de l'entité sioniste dans le Maghreb et l'Afrique en sont les indices indéniables d'un complot de fragmentation ethnique, idéologique et religieuse des Etats de la région en «tribus» ennemies. Faire passer l'Iran comme obsession et le chiisme comme péril pour le monde arabe et musulman sunnite est une des parfaites démonstrations de la réussite d'Israël à faire diversion dans les rangs d'une communauté censée être unie. Le report de l'élection présidentielle prévue vendredi prochain a été déjà demandé par le Conseil d'Etat libyen au début du moins en cours pour des considérations de légitimité juridique de l'acte de vote. C'est quelque peu les mêmes raisons et d'autres tout autant juridiques et réglementaires qui ont poussé la haute commission électorale à reporter samedi dernier la publication de la liste des candidatures retenues sur les 94 qui ont été présentées. A ce jour, rien n'a été officiellement finalisé pour la tenue de cette élection. Le crépitement des armes en plein capitale libyenne confirme clairement son report sine die.
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Posté Le : 18/12/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R N
Source : www.lequotidien-oran.com