Algérie

Libye: Kadhafi: je ne partirai pas



La situation s'est encore détériorée en Libye, avec l'annonce de plusieurs dizaines de morts lundi dans plusieurs villes du pays, avec des tirs avec des munitions de guerre contre les manifestants, qui revendiquent plus que jamais le départ du colonel Kadhafi.

Les ONG des droits de l'homme n'hésitent plus à parler, pour le cas de la Libye, comparativement aux événements de Tunisie et d'Egypte, de massacres à huis clos, tant les informations en provenance du pays restent parcellaires, et difficilement vérifiables, après les affrontements de lundi à Tripoli et Benghazi.

 Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a fait une première et brève apparition à la télévision libyenne lundi soir pour prouver qu'il était toujours présent dans le pays où règne le chaos après une semaine d'insurrection pour réclamer son départ. Devant sa maison dans la résidence-caserne de Bab Al-Aziziya, il a notamment dit: «s'il n'avait pas plu, je me serais adressé aux jeunes sur la place verte (lieu de rassemblement de ses partisans, NDLR) et j'aurais passé la nuit avec eux pour leur prouver que je suis toujours à Tripoli, et non au Venezuela et (leur demander) de ne pas croire les télévisions de ces chiens errants». Mais, au cours de la même soirée, des témoins ont fait état de violents affrontements dans les quartiers de Fachloum et Tajoura, dans la banlieue Est de Tripoli, parlant de «massacres» de manifestants anti-régime et de mercenaires africains déposés par hélicoptères qui ont tiré sur les passants. Auparavant, la télévision libyenne avait évoqué une opération ayant fait des morts et menée par les forces de sécurité contre les «saboteurs et (ceux qui sèment) la terreur». La même télévision d'Etat a démenti hier tout «massacre», estimant qu'il s'agissait de «mensonges qui font partie de la guerre psychologique». La situation était calme hier matin dans plusieurs quartiers de la capitale, dont Tajoura, selon des témoins joints par l'agence AFP. Toutefois, selon des témoignages recueillis par la présidente de la Fédération internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH), Souhayr Belhassen, les violences se poursuivaient dans la matinée à Tripoli. «Les milices, les forces de sécurité fidèles à Kadhafi sévissent de façon terrible, cassent les portes, pillent», a-t-elle indiqué, citant des informations communiquées par la Ligue libyenne des droits de l'Homme. «Il est impossible de retirer les corps dans les rues, on se fait tirer dessus», a-t-elle rapporté.

«Jusqu'à la dernière goutte de mon sang»

Mouammar Kadhafi est intervenu hier en fin d'après-midi à la télévision pour brandir la menace d'une répression comparable à celle de la place Tienanmen à Pékin.         

Promettant de se battre «jusqu'à la dernière goutte» de son sang, il a appelé la police et l'armée à reprendre en main la situation, menaçant tout manifestant armé de la «peine de mort». Drapé dans une tunique marron, le colonel Kadhafi tenait à la main son Livre vert, recueil de ses pensées publié dans les années 1970 et s'exprimait devant sa maison bombardée en avril 1986 par les Américains et laissée depuis en l'état.      

«Mouammar Kadhafi n'a pas de poste officiel pour qu'il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin des jours. C'est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres», a-t-il affirmé dans un discours enflammé de plus d'une heure. «Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la révolution: ils protègeront les routes, les ponts, les aéroports (...). Le peuple libyen doit prendre le contrôle de la Libye, nous allons leur montrer ce qu'est une révolution populaire», a-t-il dit, en lisant un texte dans un discours parfois ponctué de silences et de bégaiements.       «Aucun fou ne pourra couper notre pays en morceaux», a-t-il ajouté, menaçant de «purger (le pays) maison par maison».     

«Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries», a-t-il lancé aux manifestants, évoquant une riposte «similaire à Tienanmen», en référence à la répression militaire du «Printemps de Pékin» en juin 1989 qui avait fait des centaines, voire des milliers de morts, selon les sources.

Après les diplomates, des militaires font défection

Plusieurs villes seraient tombées aux mains des opposants avant d'être bombardées, ce que nie Saïf al-Islam, le fils de Mouammar Khadafi. A Tripoli, les forces de l'ordre libyennes auraient tiré sur des manifestants à partir d'avions militaires et d'hélicoptères, selon des témoins qui dénoncent des massacres. Le bilan des massacres de civils reste pour le moment difficile à établir, avec des informations souvent contradictoires sur la nature des combats de rues entre manifestants et forces pro-Kadhafi. La Fédération internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH) avance un bilan de 300 à 400 morts depuis le début de la contestation, le 17 février, tandis qu'Al-Jazeera annonçait plus de 500 victimes hier matin.

Des militaires auraient rejoint les manifestants dans plusieurs villes du pays, qui seraient tombées aux mains des manifestants, notamment à Al Baida et Benghazi. «Beaucoup de villes sont tombées, notamment sur l'est de la côte. Des militaires se sont ralliés» au soulèvement, a confirmé à l'AFP la présidente de la FIDH, Souhayr Belhassen, citant notamment Benghazi, bastion de l'opposition. Mais, ce qui a retenu l'attention de la communauté internationale, c'est bien le fait qu'il s'agit d'un massacre à l'échelle d'un pays, dans la plus totale impunité, et à huis clos. Le dirigeant libyen, qui fait face à une défection presque généralisée de ses diplomates, a donné l'ordre de tirer sur les manifestants à l'aviation, et à l'arme lourde, selon différentes sources. Lundi, deux Mig avaient fait défection et s'étaient posés à Malte.

L'ONU se penche sur la situation

La réunion du Conseil de sécurité de l'ONU consacrée aux violences en Libye a commencé hier matin à New York, l'ambassadeur d'Allemagne Peter Wittig appelant à une action «rapide et claire». La répression engagée contre les manifestants par le régime libyen «est vraiment choquante», a déclaré l'ambassadeur, dont le pays est l'un des 15 membres du Conseil. «Voici pourquoi nous pensons que cela relève des attributions du Conseil de sécurité. Le Conseil doit agir avec un message rapide et clair», a-t-il dit avant le début de la réunion, qui se déroule à huis clos. La Ligue arabe devait également tenir hier une réunion d'urgence sur la Libye.

Pour autant, la haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a exigé l'ouverture d'une «enquête internationale indépendante» sur les violences, évoquant la possibilité de «crimes contre l'humanité» en Libye. «Les autorités doivent cesser immédiatement de tels actes illégaux de violence contre les manifestants», a ajouté Navi Pillay dans un communiqué. «Les autorités doivent cesser immédiatement de tels actes illégaux de violence contre les manifestants», a-t-elle poursuivi, évoquant l'usage qui aurait été fait contre les manifestants de mitrailleuses, tireurs embusqués et avions de combat. Par ailleurs, le très influent théologien musulman cheikh Youssef Al-Qardaoui a émis lundi une fatwa appelant l'armée libyenne à assassiner Mouammar Kadhafi. Il avait, lors des événements d'Egypte, appelé Moubarak à partir, et éviter un bain de sang dans le pays. De son côté, la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a elle réclamé «l'arrêt du bain de sang inacceptable». L'Union européenne a «condamné» la répression, tout comme le secrétaire général de l'Otan.

Dans la région, l'Organisation de la conférence islamique, l'Iran, le Hamas et le Qatar ont fermement condamné les violences. Selon le père de la Révolution cubaine, Fidel Castro, «il faudra attendre» de savoir ce qui relève «de la vérité ou du mensonge» dans les informations faisant état d'une violente répression des mouvements de protestation, qui a fait des centaines de morts, selon diverses organisations humanitaires. Enfin, à Stockholm, le drapeau de la monarchie libyenne (1951-1969) a été hissé sur l'immeuble de l'ambassade libyenne.




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