Algérie

Libye: Kadhafi en appelle au soutien des tribus



Le «Guide de la Révolution libyenne», Mouammar Kadhafi, a rassemblé vendredi, dans une conférence nationale inédite, les chefs de tribus qui lui sont proches pour ouvrir un front interne dans sa lutte contre la rébellion. Après les armes et la diplomatie, le régime libyen passe à un autre mode de lutte pour sa survie : le soutien tribal comme nouvelle arme ethnique dans une crise armée qui n'en finit pas. Même si la rébellion bénéficie aujourd'hui, presque deux mois après le début de l'insurrection, de l'appui total des Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie, les principaux pays en fait du groupe de Contact.

La guerre tribale commence

Vendredi à la fin de leur conclave à Tripoli, des chefs de tribus ont appelé à une loi d'amnistie générale pour mettre fin à la guerre civile, tout en apportant leur soutien à Mouammar Kadhafi, et en qualifiant de «traîtres» les rebelles. Dans une déclaration concluant une conférence nationale des tribus libyennes, les participants ont indiqué vouloir «travailler à une loi d'amnistie générale qui inclut tous ceux qui ont été impliqués et ont pris les armes», depuis le soulèvement anti-Kadhafi de février. Une telle loi «ouvrira la voie à une ère de paix et de pardon», ajoute la déclaration, sans autre détail sur la loi ni sur son calendrier.

Le porte-parole du gouvernement, Moussa Ibrahim, avait assuré auparavant que la conférence représentait les tribus de tout le pays, y compris celles des zones rebelles. Par contre, la déclaration qualifie les insurgés de «traîtres» et s'engage à ne pas «abandonner» Mouammar Kadhafi, dont le départ est exigé par les rebelles. Elle appelle également à des «marches» pour «libérer» les villes tombées aux mains des insurgés.

«La conférence appelle aussi les tribus libyennes voisines des villes et des cités dont se sont emparé des groupes armés, à lancer des marches pacifiques et populaires pour libérer ces villes en désarmant les rebelles», ajoute la déclaration. Pourtant, fin avril dernier, les chefs ou représentants de 61 tribus libyennes ont affirmé leur volonté de construire «une Libye unie, une fois le dictateur (Mouammar Kadhafi) parti», dans une déclaration rédigée à Benghazi, fief de la rébellion.

«La Libye de demain, une fois le dictateur parti, sera une Libye unie, dont la capitale sera Tripoli et où nous serons enfin libres de former une société civile selon nos voeux», ont déclaré les signataires du texte. Par ailleurs, le régime libyen a dénoncé le plan international d'aide aux rebelles, qui prévoit l'utilisation de ses fonds gelés, et a répété que Mouammar Kadhafi n'avait aucune intention de quitter le pouvoir, au lendemain de la réunion du Groupe de contact à Rome.

 En attendant une solution politique ou militaire au conflit, le Groupe de contact sur la Libye a mis en place, jeudi, un «fonds spécial» pour le CNT, qui sera alimenté par des dons et des prêts notamment arabes, puis en partie par les avoirs libyens gelés aux Etats-Unis et en Europe. Il devrait être opérationnel dans quelques semaines et servir principalement à payer les salaires, ainsi qu'à acheter des vivres et des médicaments.

«La Libye est toujours, selon le droit international, un Etat souverain, et toute utilisation des fonds gelés est comme de la piraterie en haute mer», avait répliqué le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaïm, lors d'une conférence de presse à Tripoli. Mais, déjà, la volonté du groupe de Contact de restituer une partie des fonds gelés du régime libyen à l'opposition commence à faire débat. Car cette utilisation des avoirs gelés de Mouammar Kadhafi, à l'étranger, présente des écueils juridiques mais peut se justifier, sous conditions, au nom de la restitution aux populations des «biens mal acquis». La Convention des Nations unies contre la corruption, signée en 2003, érige en «principe fondamental» la «restitution» des avoirs obtenus de manière illégale et placés à l'étranger.

Or, les fonds gelés du clan Kadhafi sont estimés à 60 milliards de dollars dans le monde, dont plus de la moitié aux Etats-Unis. Une manne énorme au regard des quelques centaines de millions de dons ou de prêts promis, pour l'instant, pour alimenter le fonds spécial créé pour venir en aide au Conseil national de transition (CNT), l'organe représentatif des insurgés libyens.

Combats à Misrata et Zenten

Sur le front militaire, les combats se poursuivent toujours autour de la ville de Misrata, mais également dans les autres villes de l'intérieur du pays. Hier, les forces loyales à Kadhafi ont bombardé le port de Misrata, et ont touché plusieurs dépôts de carburant, selon un responsable de l'opposition dans cette ville assiégée.

«Il y a encore des attaques avec des roquettes Grad et nos combattants résistent», a déclaré le colonel Ahmed Omar Bani, le porte-parole militaire du Conseil national de transition» (CNT), l'organe politique de la rébellion. «Ils ont à nouveau tenté de détruire le port de Misrata mais nos combattants ne les ont pas laissés faire», a-t-il dit. Selon lui, les forces du colonel Kadhafi ont changé de tactique et concentrent désormais leur offensive sur des dépôts de carburant. «Ils veulent priver la révolution de carburant» a-t-il dit. Pour les habitants de Misrata, grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli, le port est depuis plus de deux mois le seul moyen de recevoir de l'aide humanitaire et d'évacuer des blessés ainsi que les centaines de réfugiés qui y sont encore bloqués.

Selon Souleiman Fortiya, un représentant de Misrata, au Conseil national de transition (CNT), les troupes gouvernementales se massaient, à Zliten à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Misrata. ‘'Je suis sûr qu'il va y avoir beaucoup de combats au sol, dans l'avenir.

Misrata s'inquiète de cela, car Kadhafi est en grands préparatifs pour marcher sur Misrata», a-t-il assuré. Plusieurs victimes des deux côtés sont à déplorer dans les combats de vendredi, selon des sources proches des insurgés. Des combats opposaient également hier, les insurgés aux forces pro-Kadhafi, dans les environs de Zenten, ville des montagnes berbères au sud-ouest de Tripoli. Après quelques jours de relative accalmie, les affrontements ont repris dans la matinée. Ils se concentraient à quelques dizaines de kilomètres à l'est de Zenten, dans une région boisée d'où les forces de Kadhafi avaient déjà été chassées plusieurs fois auparavant. Selon les insurgés, c'est à partir de ce site que les troupes de Mouammar Kadhafi tirent sur Zenten, la principale ville de cette région, à 200 km de la frontière tunisienne. Hier matin, quelques roquettes Grad sont tombées sur la ville, alors que plusieurs centaines de combattants insurgés ont quitté Zenten, dans la matinée à bord de pick-up pour tenter de repousser les forces loyalistes. Certains sont arrivés à pied et d'autres avançaient sur la zone avec des chars. Plusieurs blessés ont été amenés à Zenten, selon une source hospitalière, et des panaches de fumée se dégageaient dans l'après-midi de la zone des combats. La reprise des combats dans cette zone, stratégique pour l'approvisionnement des insurgés à partir de la Tunisie, a comme objectif principal de contrôler la route de l'ouest libyen reliant Zenten à la frontière tunisienne, actuellement tenue par les insurgés.

C'est en fait l'une des clés du conflit, cet axe vital permettant le ravitaillement des insurgés et des 250.000 habitants de la région. «Si la route vers la Tunisie est bloquée, rien ne pourra passer dans cette zone entre Nalout et Zenten et la situation humanitaire deviendrait très mauvaise», résume le directeur du Croissant Rouge libyen de Nalout, le docteur Ali Gernaz.




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