Les appels à la négociation lancés par l'Union africaine, avec
l'insistance de l'Algérie au pouvoir libyen et aux insurgés, risquent d'être
étouffés par le bruit assourdissant des frappes militaires des bombardiers
alliés.
L'adoption de la résolution 1973 légalisant des frappes militaires sur la
Libye est le fait du prince. Les Alliés en faisaient presque un rêve.
Contrairement à ceux qui leur ont reproché d'avoir pris tout leur temps, les
Alliés, sous l'influence de la France, ont réagi relativement vite sous
prétexte qu'il y avait mort d'hommes.
L'option militaire n'était cependant pas la seule solution pour protéger
les civils. Peu importe, ils ont décidé ainsi de rajouter des morts aux morts
du colonel Kadhafi.
La Ligue arabe et l'Union africaine ont fait dans un suivisme bête et
indignant. Les responsables de l'UA tentent néanmoins, tant bien que mal, de
rattraper ses graves bévues en se portant médiateurs entre les parties en
conflit. Dans sa déclaration samedi dernier à la presse, le ministre délégué
chargé des Affaires africaines et maghrébines, représentant de l'Algérie dans
les travaux de la commission africaine pour la médiation en Libye, semblait
assez confiant. Abdelkader Messahel a fait savoir que la Commission a fait
voter une feuille de route pour la soumettre aux parties libyennes en conflit.
Feuille de route à laquelle le pouvoir de Kadhafi à Tripoli a déjà donné son
aval. Les membres de la Commission doivent rentrer à Benghazi pour rencontrer
les insurgés.
Il est clair que pour réussir cette médiation, il faut que les deux
parties soient disponibles pour en négocier les conditions, les moyens et les
objectifs. Il faut que le cessez-le-feu prenne effet et que les bombardements
des Alliés cessent. Ce qui semble peu probable dans un contexte où les
Etats-Unis et notamment la France tiennent à sortir vainqueurs d'une guerre
dont le seul objectif est de neutraliser Kadhafi et participer directement à
l'instauration d'un système confortant leurs visées géopolitiques et
géostratégiques.
Les Alliés compliquent la tâche aux Africains en s'entêtant à continuer
la guerre. L'ingérence est de fait confirmée non seulement en Libye mais dans
la région et dans tout le continent. L'Afrique semble clouée au pilori au
moment où les alliés survolent, fouillent et bombardent ses territoires sous
l'Å“il complice des Nations unies. L'Algérie veut que le pouvoir et l'opposition
libyens puissent «seuls» négocier le changement politique dont a besoin leur
peuple. La Libye, faut-il le noter, a de très longues frontières avec
l'Algérie. «Les plus difficiles en matière de sécurité et de contrebande de
tout genre», nous explique une source du ministère des Affaires étrangères.
L'Algérie craint le pire pour la région
Alger reconnaît en le pouvoir de Kadhafi «un bon surveillant de
l'ensemble de ses étendues désertiques». Le régime libyen, nous dit-on,
«déploie une main de fer et scrute avec une vigilance remarquable les
mouvements aux frontières et plus loin encore». Alger qualifie Tripoli de
«partenaire stratégique dans la lutte antiterroriste».
Les armes mises en circulation en Libye déstabilisent fortement la région
et font peser sur elle une menace grandissante d'insécurité. Au déclenchement
du conflit libyen, l'Algérie s'est retrouvée prise entre le marteau et
l'enclume. Elle a alors adopté une position jugée par des observateurs avertis
«molle mais juste». Position qui semble se conformer à la préservation
d'intérêts nationaux vitaux. C'est ce qu'on appelle la raison d'Etat. Le bruit
des armes qui résonnent en Libye laisse l'Algérie craindre le pire pour la
région.
«Nous appelons de toutes nos forces à un cessez-le-feu et à l'ouverture
de négociations entre le pouvoir et l'opposition ; ceci est pour le bien de
l'ensemble des pays du Maghreb», nous disent nos sources du MAE.
Les autorités algériennes refusent que leur «discrétion» sur la question
soit assimilée à un soutien à Kadhafi. Mais elles rejettent aussi toute forme
d'intervention étrangère «dont les objectifs n'ont rien à voir avec le droit
humanitaire». Outrés par les bombardements des alliés sur la Libye, des
responsables algériens rappellent que «quand les Occidentaux décident d'une
guerre, ils ne s'encombrent jamais du sort des populations civiles». L'on
interroge : «Si le peuple libyen s'est révolté contre un ordre établi, c'est
qu'il sait ce qu'il veut. Alors pourquoi cherche-t-on à lui dicter la démarche
à entreprendre ?».
Pour nos interlocuteurs, en Libye, «tout autant que dans tous les pays
arabes, les élites existent et savent réfléchir pour initier le changement
politique qu'il faut à leurs pays et à leurs peuples. On sait que toutes les
libertés s'arrachent, il y a un prix à payer. Les Libyens sont prêts à se
sacrifier : la preuve, ils se sont révoltés, ils n'ont besoin de l'assistance
de personne !».
Le sentiment colonial de la France de Sarkozy
On pense qu'il faut être profondément animé par une volonté farouche de
sauver des intérêts colossaux pour que les Alliés entreprennent cent cinquante
frappes militaires, en quelques heures à peine, sur des objectifs stratégiques
libyens. C'est ce qu'ils ont fait samedi dernier et continuent de faire au nom
«du droit humanitaire». L'acharnement dont font preuve les pays de l'Alliance
nord-atlantique (OTAN) pour en découdre avec le colonel Mâammar Kadhafi donnent
froid dans le dos en raison des conséquences qu'elles pourraient avoir sur
l'unité du peuple libyen, ses territoires et sur la région tout entière.
Les Américains sont connus pour commencer une guerre et ne pas
s'empresser de la finir. Sous le parrainage de l'OTAN, leur guerre contre
l'Afghanistan devait durer un seul printemps… L'on sait aussi que leur
colonisation de l'Irak fait regretter Saddam Hussein à beaucoup d'Irakiens. La
France de Sarkozy lui emboîte aujourd'hui le pas et bombarde une région qui doit
réveiller en elle le sentiment colonial enfoui dans ses tréfonds. Sentiment
qu'elle ne peut dissimuler chaque fois qu'elle regarde du côté du Maghreb et de
l'Afrique.
Toutes les vies humaines n'obligent pas alors au même respect de ces pays
qui se sont érigés en protecteurs et en défenseurs du peuple libyen. Dans un
passé très récent, Paris a, pour rappel, brandi son veto pour empêcher la
constitution d'une commission onusienne devant enquêter sur les raids
militaires marocains contre les camps sahraouis. Les Etats-Unis, eux, c'est
connu, n'ont aucune gêne à mettre leur veto contre toute résolution condamnant
Israël pour ses crimes génocidaires contre le peuple palestinien.
Dans l'incapacité d'éviter ou d'interdire des guerres, l'Organisation des
Nations unies (ONU) n'a pour sa part plus de raison d'être. Créée pour
remplacer la Société des Nations qui n'avait pas réussi à empêcher le monde de
sombrer dans une Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui, l'ONU ne fait pas mieux.
Elle assiste impuissante à la violation du droit international et au
piétinement d'un grand nombre de ses résolutions. Les Etats-Unis, Israël - et
la France, leur allié déclaré - lui font un pied de nez et l'obligent même à
ignorer les appels de détresse de femmes, de vieux et d'enfants palestiniens
qui n'ont que les larmes pour pleurer et quelques pierres pour se défendre
contre une puissance nucléaire. Bien que connues par le monde entier, les
terrifiantes situations des peuples opprimés, particulièrement arabes et
musulmans, doivent être rappelées en permanence à l'opinion internationale pour
qu'elles ne soient pas versées dans le chapitre de l'oubli.
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Posté Le : 29/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com