La Libye risque de devenir un vaste champ de bataille dans les tout
prochains jours si les velléités guerrières des pays de la coalition et celles
de l'armée de Kadhafi ne sont pas tempérées, estiment des observateurs au 4e
jour de l'offensive contre ce pays.
Mardi, la situation était extrêmement confuse, tant sur le plan
diplomatique où plusieurs voix se sont élevées pour demander un cessez-le-feu
immédiat, à l'image de l'Algérie, Moscou ou de l'Union africaine, que sur le
terrain militaire avec l'arrivée de nouveaux pays occidentaux dans les rangs de
la coalition, menée par la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Sur le
front, les combats faisaient rage entre les troupes de Kadhafi et les insurgés,
alors que les bombardements de cibles militaires libyennes se poursuivent, avec
une volonté mal dissimulée de viser la vie de Kadhafi en personne à travers les
endroits où il pourrait se réfugier.
Le chef de la diplomatie
algérienne, M. Medelci, a affirmé, hier, que l'Algérie appelle une nouvelle
fois à «la cessation immédiate des hostilités et des interventions étrangères,
afin d'épargner la vie de nos frères libyens et de leur permettre de régler
pacifiquement et durablement la crise dans le respect de la préservation de
leur unité, leur intégrité territoriale et leur pleine souveraineté». Le
ministre des Affaires étrangères a indiqué, lors d'une conférence de presse
animée conjointement avec son homologue russe en visite hier à Alger, que «nous
jugeons disproportionnée cette intervention par rapport à l'objectif assigné
par le Conseil de sécurité de l'ONU dans sa résolution 1973". Selon le
chef de la diplomatie algérienne, l'Algérie associera ses efforts à ceux de
l'Union africaine, appelée à se réunir le 25 mars à Addis-Abeba (Ethiopie), et
suit avec un «intérêt certain» les efforts du secrétaire général des Nations
Unies qui doit réunir le Conseil de sécurité de l'ONU jeudi prochain, pour
procéder à une «évaluation objective» de la situation sur le territoire libyen.
M. Medelci a, par ailleurs,
confirmé que le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, avait eu un entretien
téléphonique avec le vice-président américain, M. Joe Biden, à la demande de ce
dernier. Le ministre a indiqué que cet entretien était intervenu après que
l'Algérie s'est exprimée de manière officielle sur la résolution 1973 du
Conseil de sécurité de l'ONU, en déclarant avoir «pris acte» de cette décision.
«L'Algérie est membre de la communauté internationale et de l'ONU et est donc
justiciable de la mise en Å“uvre de cette décision», a-t-il fait remarquer. M.
Medelci a tenu aussi à préciser que cet entretien téléphonique avait eu lieu
après la réunion de la Ligue arabe du 12 mars dernier et après celle du Conseil
de sécurité de l'ONU. L'Union européenne a annoncé qu'elle va participer
vendredi à Addis-Abeba à une réunion avec l'Union africaine, dans l'espoir de
trouver une approche commune pour mettre un terme aux combats en Libye, a
indiqué mardi un haut diplomate européen. «Il existe beaucoup de points communs
dans les positions prises par les deux Unions (européenne et africaine)» sur la
crise en Libye, a estimé ce diplomate, Nick Westcott, conseiller chargé de
l'Afrique auprès de la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton. «Nous
voulons nous appuyer sur ces points communs pour parvenir à la solution que
nous souhaitons tous, à savoir la fin des tueries et un processus politique
ouvert qui reflète les aspirations légitimes du peuple» libyen, a poursuivi M.
Westcott, lors d'une conférence de presse à Nairobi. A Moscou, le secrétaire
américain à la Défense, Robert Gates, a assuré que les frappes militaires en
Libye allaient baisser d'intensité après le «succès» de la coalition contre le
régime de Mouammar Kadhafi, alors que la Russie appelait à un cessez-le-feu
immédiat. «Les importantes frappes militaires en cours devraient diminuer
d'intensité dans les prochains jours», a déclaré Robert Gates lors d'une
rencontre avec son homologue russe, Anatoli Serdioukov. Les frappes militaires
de la coalition en Libye devraient baisser d'intensité dans les jours qui
viennent, a-t-il ajouté, sans en préciser les contours, à un moment où l'on
annonce le ralliement de plusieurs pays européens à ces frappes aériennes,
notamment l'Espagne. «Dans la mesure où nous parvenons avec succès à supprimer
les systèmes de défense aérienne, le niveau d'activité cinétique (les frappes,
ndlr) devrait baisser», a estimé le secrétaire américain.
De son côté, le Premier ministre
français François Fillon a réaffirmé mardi qu'une intervention au sol en Libye
était «explicitement exclue», et qu'il ne s'agissait pas pour la France de se
«substituer» au «peuple libyen», même si elle appelle «au départ de Kadhafi».
La coalition divisée
Au sein de la coalition - à laquelle participent côté UE, la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie, la Belgique, le Danemark, la Grèce et l'Espagne - la
division des rangs est bien présente quant au commandement que plusieurs pays
souhaiteraient voir confié à l'Otan. Actuellement, les opérations de la
coalition sont nationales et coordonnées par les QG américains de Ramstein
(ouest de l'Allemagne) et Naples (sud de l'Italie). «L'Otan jouera un rôle»
dans la nouvelle phase militaire en Libye, a affirmé le président américain
Barack Obama, ajoutant que le début de cette phase était une question «de
jours, non de semaines».
Le chef du gouvernement italien
Silvio Berlusconi a réclamé lui que «le commandement des opérations passe à
l'Otan». «Nous voulons (...) un contrôle utilisant les mécanismes de l'Otan, de
façon à ce que tous ceux qui veulent participer de l'extérieur puissent être
coordonnés correctement», a renchéri M. Cameron. Mais Paris estime que si
l'Otan dirige l'intervention, les pays arabes ne voudront pas s'y rallier et,
pire, finiront par la dénoncer.
Les bombardements baissent en intensité
Les bombardements de la coalition internationale et les combats entre
forces de Mouammar Kadhafi et les insurgés se poursuivent. Lundi soir, des tirs
de la défense antiaérienne suivis d'explosions ont retenti à Tripoli près de la
résidence du dirigeant libyen. La nuit précédente, des missiles avaient détruit
un bâtiment au sein de cette résidence-caserne dans le sud de la capitale. Une
base navale située à 10 km à l'est de Tripoli a été touchée par des
bombardements lundi soir, selon des témoins qui ont vu des flammes.
Selon la Libye, depuis samedi, la
coalition a mené des raids sur Tripoli, Zouara, Misrata (ouest), Syrte et a
visé lundi Sebha, ciblant notamment des aéroports, faisant de «nombreuses
victimes» parmi les civils. Mais l'intensité et le nombre des attaques ont
diminué depuis la première nuit de samedi à dimanche. «Sauf si quelque chose
d'inhabituel ou d'inattendu survient, nous pourrions voir un ralentissement
dans la fréquence des attaques. Nous avons déjà vu, entre la première nuit des
frappes Tomahawk et la deuxième, une réduction importante», a déclaré à la
presse le chef de la coalition, le général américain Carter Ham. »L'extension
de la zone d'exclusion aérienne, pratiquement d'une frontière à l'autre
(égyptienne à tunisienne, ndlr), devrait nous permettre d'avoir une grande
liberté de mouvement», a-t-il poursuivi.
Plusieurs hauts responsables ont assuré que la coalition ne cherchait pas
à viser directement le colonel Kadhafi. Pour autant, ‘'la position américaine
est que Kadhafi doit partir», a affirmé lundi le président américain Barack
Obama. Le Premier ministre britannique David Cameron n'a pas caché qu'il
«pensait que la Libye doit se débarrasser de Kadhafi», soulignant qu'il
appartenait «au peuple libyen de choisir son propre avenir». Le Conseil de
sécurité de l'ONU tiendra jeudi une réunion pour débattre de la situation en
Libye.
Combats entre insurgés et forces «kadhafistes''
Malgré le nouveau cessez-le-feu annoncé par Kadhafi, les combats se sont
poursuivis lundi et mardi dans le pays, faisant au moins 40 morts et 300
blessés à Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli, selon les rebelles. Dans l'Est,
les forces gouvernementales, qui avaient attaqué Benghazi samedi matin, ont
reculé lundi jusqu'à Ajdabiya, à 160 km au sud. Au sud-ouest de Tripoli, les
forces loyalistes pilonnent depuis trois jours la région d'Al-Jabal Al-Gharbi,
en particulier les villes de Zenten et Yefren sous contrôle de la rébellion,
selon des habitants de la région évoquant des raids «très intensifs». Des
«affrontements violents» ont eu lieu lundi et mardi dans la région de Yefren
(sud-ouest de Tripoli) entre les insurgés qui contrôlent la région et les
forces du régime libyen, faisant au moins 9 morts, ont indiqué à l'AFP des
habitants de cette région. «Les forces de Kadhafi ont entrepris une offensive
meurtrière lundi et mardi dans la région. Les combats ont fait au moins 9 morts
à Yefren et beaucoup de blessés», située à 130 km au sud-ouest de Tripoli.
»Nous nous attendions à ce que la coalition (internationale) empêche les
bataillons de Kadhafi d'avancer vers cette région» sous contrôle de la
rébellion. «En l'absence d'une intervention de la coalition, le régime a voulu
prendre rapidement le contrôle de la ville en bombardant la région et en
perpétrant des massacres notamment à Yefren», empêchant les familles d'évacuer
leurs blessés vers la Tunisie dont les frontières sont situées à quelques
dizaines de km de cette région. «Ils ont coupé l'électricité de la ville. La
plupart des familles ont quitté leurs maisons. Il nous faut de l'aide», a lancé
un autre habitant de la région joint par téléphone. Il a ajouté que «les tribus
amazighes de Jado, Zenten et Yefren se sont unies avec des tribus arabes pour
constituer un seul front en vue d'affronter l'offensive de Kadhafi. Mais les
forces sont disproportionnées».
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Posté Le : 23/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com