En Occident, les mÅ“urs sont libres, mais la loi au-dessus de tous, même
les puissants. Dominique Strauss-Kahn en paie le juste prix.
La France est un pays aux Å“urs très curieuses. L'homme
que tout semblait désigner pour succéder à Nicolas Sarkozy à la présidence de
la République française, dans un an, vient de se suicider politiquement, à
cause d'une improbable aventure sexuelle. Que les faits soient avérés ou non, qu'il
soit condamné ou pas, Dominique Strauss-Kahn semble bien fini. Sa carrière au
FMI est finie, et sa carrière politique en France ne peut plus rebondir. Elle
risque même de se terminer dans une sordide histoire de procès à répétition.
Accusé d'agression sexuelle, séquestration et tentative de viol, par une
femme de ménage d'un palace de New York, le directeur général du FMI, favori
des sondages pour les élections présidentielles françaises de 2012, voit d'un
coup tout s'écrouler autour de lui. Ce technocrate brillant, quoique un peu
hautain, aux allures de premier de la classe, époux de la plus belle
journaliste française, Anne Saint-Clair, semblait
devoir tout réussir. Il réussissait même à concilier l'inconciliable. Socialiste,
il avait des goûts de luxe, et prenait le risque de se faire photographier en
voiture de luxe alors que son pays était en pleine crise. Il affirmait avoir
une vie familiale modèle, et s'exhibait souvent en couple, alors que ses
histoires extraconjugales à répétition avaient failli l'achever à plusieurs
reprises.
Il apparaissait même comme l'homme capable de concilier vision de droite
et appartenance de gauche : parmi les hommes de gauche, il était le favori des
riches. Il a même réussi à diriger le FMI, ce symbole du capitalisme le plus
outrancier, pour imposer à de nombreux pays, comme la Grèce, des médications
contre lesquelles la gauche a lutté pendant plusieurs décennies.
Gérant des sommes colossales, Dominique Strauss-Kahn était devenu l'un
des hommes les plus puissants au monde. Une simple phrase émanant de lui
faisait s'envoler les marchés du monde entier, et un commentaire favorable
portait aux nues la cote d'un pays. Et voilà que toute cette puissance
s'effondre, à cause d'un vulgaire fait divers. Quant à la France, elle est
virtuellement en train de perdre celui qui semblait tout désigné pour gagner la
prochaine élection présidentielle. Comment une telle fragilité est-elle
possible, dans un monde où tout semble organisé, planifié, blindé ?
Peut-être est là un des secrets de la France, le pays le plus « permissif » au monde, avec
tout ce que cela entraîne comme paradoxes. Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy
avait peut-être été élu parce que sa femme d'alors, Cécilia, l'avait abandonné.
Bien avant la campagne électorale, elle avait quitté le foyer, pour revenir à
la veille des élections, avant de repartir définitivement quelques mois plus
tard. Les Français semblaient avoir eu pitié de cet homme à l'air d'un chien
abandonné, mais qui faisait preuve d'une énergie débordante.
Mais si l'histoire de Nicolas Sarkozy était connue, celle de sa rivale à
la présidentielle de 2007 l'était beaucoup moins. Et les socialistes
réussissaient à sauver la face à propos du couple Ségolène Royal - François
Hollande, qui avait pourtant volé en éclats bien avant les élections. Pendant
toute la campagne électorale, le secret était relativement bien gardé, et ce
n'est qu'au soir de la défaite que Ségolène Royal annonçait sa rupture avec son
compagnon, qui était en même temps premier secrétaire du parti socialiste. Beaucoup
pensaient alors que cela expliquait la défaite de Ségolène Royal, qui a perdu
alors que l'élection semblait gagnée d'avance.
Ces histories étaient cependant très différentes de ce qui arrive à
Dominique Strauss-Kahn. Car si les sociétés occidentales ont connu une
évolution qui admet une grande liberté de mÅ“urs, elles sont, à l'inverse, très
strictes quand il s'agit d'atteinte à la liberté des femmes. Et encore plus
quand il s'agit de viol ou de tentative de viol.
Dominique Strauss-Kahn lui-même, tout comme l'ancien directeur de la Banque Mondiale, Paul
Wolfowitz, avait déjà eu une aventure avec une de ses
subordonnées. Mais c'était restée sans incidence, du moment que cela n'avait
pas eu d'impact sur son travail, que la «victime», la Hongroise Piroska
Nagy, économiste au FMI, n'avait pas tiré profit de la relation et n'avait pas
porté plainte.
Par ailleurs, la nouvelle affaire Strauss-Kahn aura des conséquences
énormes sur la France
et, par conséquent, sur toute la Méditerranée. L'élection présidentielle française
est désormais relancée. François Hollande et Martine Aubry ont toutes leurs
chances, de même que Nicolas Sarkozy, qui semblait fini il y a à peine un mois.
Et la nature même de la présidentielle française change. Pour le candidat
de la droite comme celui de la gauche, il ne s‘agit plus de préparer le second
tour, mais d'y être présent. Car une nouvelle certitude s'est imposée : Marine
Le Pen sera au second tour, et la victoire contre
elle sera facile. A condition d'y être.
Toutes les stratégies électorales seront donc révisées. Ce qui menace de
bouleverser le paysage politique français, avec des implications durables sur la France et sur toute
l'Europe et la région de la
Méditerranée. Et tout ceci à cause de quoi ? D'un fait divers
qui menace d'éliminer un des hommes les plus puissants au monde, tout comme
l'affaire Monica Lewinsky
avait failli emporter Bill Clinton.
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Posté Le : 16/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com