Algérie

Libérons les mentalités



Quand j'étais étudiant à la fac d'Alger, j'ai eu un prof qui nous répétait, parfois jusqu'à l'obsession, qu'il ne fallait pas croire tout ce que «nous» disaient les profs ! Pour lui, il faut douter de tout et de rien, mais de façon méthodique. Le doute, c'est le premier pas vers le progrès et la modernité. Car l'ennemi numéro 1 du chercheur du savoir, ce sont les certitudes. Celles-ci mènent, selon lui, au dogmatisme. Et le dogmatisme, c'est forcément la voie idéale vers le fanatisme. Un fanatique ne voit que deux couleurs : le noir et le blanc (le mal et le bien). Si jamais, une troisième couleur interfère dans sa tête, c'est le début de la guerre. Un fanatique, c'est l'ennemi de la diversité et l'on ne saurait sortir de sa vision binaire du monde, basé sur des certitudes, sans être considéré comme traître.Chez les dictatures, ces certitudes se transforment en « constantes ». Pas question de sortir de ce creuset ou de ce formatage idéologique sans être taxé de traître. Autrement dit, il ne faut ni « douter » ni réfléchir sur sa destinée, mais seulement obéir aux constantes. Le « sujet » (parce qu'il n'y a plus de citoyen), est appelé à la soumission dans un climat de « non-doute », « non-réflexion », « non-débat » aux normes, constantes, principes préétablis par les faiseurs d'idéologies. Un gros souci ! Il y a une équation simple à apprendre pour ceux qui veulent progresser: Doute, c'est liberté. Dogme, c'est fanatisme. La modernité ou le progrès implique une douleur ou sinon une déchirure due à notre séparation de nos certitudes. Il n'y aura pas, par exemple, de mathématiques (sciences exactes), s'il n'y a pas de philosophie. Galilée fut un philosophe avant qu'il ne soit physicien astrologue. Outre qu'elle est la mère des sciences, la philosophie est la mère des doutes. Enfin, le doute crée le citoyen et la certitude crée le sujet fanatique. Personnellement, j'ai besoin d'être citoyen et non pas un sujet. Je veux être acteur de mon destin et non pas un sujet passif que manipulent ces faiseurs d'idéologies. Donc, c'est tout un programme pour la libération des mentalités.
Le développement, le progrès, la modernité demandent de grands sacrifices, et le premier de ces sacrifices-là, n'est-ce pas de commencer à douter de ce que l'on est, de cesser de dire qu'on est les meilleurs, d'arrêter de se plaindre au lieu de travailler, et d'arrêter de condamner au lieu de réfléchir, de cesser d'accuser les autres d'être à l'origine de nos problèmes, au lieu de nous remettre en cause, d'innover, de créer, de construire, de réfléchir ' Après avoir libéré le pays, dit le romancier Rachid Boudjedra, il va falloir libérer les mentalités...


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