Algérie

Libérer Germaneau ou punir ses ravisseurs ?Etrange opération française au sahel



Des informations puisées dans de «bonnes sources» ou «proches du dossier» sur l'opération franco-mauritanienne au nord du Mali contre un groupe de l'AQMI commencent â être distillées dans la presse française. Alors que le sort de l'otage français, Michel Germaneau, est totalement assombri par la tournure des évènements, ces révélations prennent l'allure d'une justification, a posteriori, d'une opération à l'échec prévisible. Mais quel était le but réel de l'opération ?

 Le sort de Michel Germaneau, 78 ans, détenu par des membres de l'AQMI dans le désert malien paraissait bien sombre après l'opération militaire franco-mauritanienne menée jeudi au nord du Mali. Selon le maire de Marcousis, localité de la région parisienne où réside M. Germaneau, il a été soit «exécuté, soit les terroristes sont en passe de le faire».

Le ministère français des Affaires étrangères, dans ce qui peut paraître une justification implicite de l'opération militaire, a souligné que «les ravisseurs, en dépit des efforts des autorités françaises, ont refusé tout dialogue et n'ont formulé aucune revendication précise».

Une source au ministère français de la Défense souligne que, depuis la diffusion, le 14 mai dernier, d'une vidéo montrant l'otage, «nous n'avons ni négociation, ni preuve de vie, ni revendication, avec même le refus d'une médiation médicale».

Le spécialiste des questions militaires du journal Libération donne un «mix» entre la version mauritanienne – liquider préventivement un groupe de l'AQMI qui aurait eu l'intention de se livrer à une attaque en Mauritanie – et une tentative de la France de «récupérer» Michel Germaneau. A l'origine, écrit-il, c'est une «opération de l'armée mauritanienne sur laquelle s'est greffée une intervention française». Selon ce scénario, Nouakchott, avertie par des sources occidentales d'une opération préparée par l'AQMI en Mauritanie, aurait informé Paris de son intention de mener «une vaste opération contre AQMI, en utilisant le «droit de poursuite» que s'accordent mutuellement la Mauritanie, le Mali et le Niger pour la lutte antiterroriste».

20 à 30 hommes du service action de la DGSE

Les Mauritaniens, «sans doute aidés par les Français, avaient repéré un camp d'AQMI en plein désert malien, à environ 150 kilomètres de la frontière entre les deux pays». «Des photos semblaient indiquer que l'otage français Michel Germaneau pouvait être détenu sur ce site, mais les services français n'ont jamais eu la preuve. Paris a alors décidé de se joindre à l'opération mauritanienne, au cas où... Les Français ne souhaitaient participer qu'à cette partie de la plus vaste opération d'attaque préventive menée par l'armée mauritanienne, qui visait au moins un autre site. Il s'agissait pour la France de pouvoir récupérer Germaneau dans les meilleures conditions possibles».

 Entre 20 et 30 militaires français, selon toute vraisemblance, des «hommes du Service action de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure)», ont pris part au raid mené dans des véhicules tout- terrain. Selon le même spécialiste, «un hélicoptère avait été pré-positionné en Mauritanie afin d'évacuer Germaneau si nécessaire».

 Le raid a fait six morts parmi les membres de l'AQMI. Pas de chefs parmi eux et pas trace de l'otage, juste «des armes (AK 47), des explosifs, des téléphones portables, divers documents, des pièces de rechange pour les véhicules, etc.». En l'absence de l'otage, le commando français est rentré en Mauritanie et l'opération a été «pliée».

Une version qui suscite la perplexité

Cette version des faits que l'on retrouve dans l'ensemble de la presse française laisse quelque peu perplexe. Comment expliquer que Paris se lance dans une telle opération juste «au cas où…» alors que les services français n'avaient jamais eu la preuve de la présence de Germaneau dans ce camp ?

Si l'opération avait pour but de ramener l'otage sain et sauf, ce «au cas où …» paraît fort léger. Mais libérer Germaneau était-il vraiment le but ? Le contexte même de l'opération permet de poser la question. Aussi formés et équipés soient-ils, les soldats de «choc», tout comme les soldats «normaux» qui n'ont rien de petits boy-scouts, ne sont efficaces que s'ils sont utilisés à bon escient. La clé fondamentale, essentielle pour la réussite d'une opération de cette nature est de disposer d'informations directes, fiables et opératoires.

Ces informations précises ne peuvent être collectées que sur le terrain, les satellites où la surveillance électronique ne pouvant en aucun cas, dans de telles circonstances, complètement remplacer le renseignement humain. Seuls des réseaux in situ peuvent aider à la réussite de raids de cette nature, et pour cela, il faut avoir un minimum d'entrées parmi la population locale. Le constat a déjà été fait à plusieurs reprises sans parvenir à modérer la tentation d'opérations à la «Rambo» qui, décidément, travaille les états-majors politiques et militaires occidentaux. Dans le cas de l'opération contre le groupe de l'AQMI au nord du Mali, ni les Français, ni les Mauritaniens ne semblaient disposer, à l'évidence, de la qualité d'informations susceptibles de justifier une opération avec des chances raisonnables de succès. S'il s'agissait de sauver l'otage et de le libérer, le raid n'aurait pas dû être lancé sans disposer des informations exploitables suffisantes. Il est patent que ces informations n'étaient pas disponibles et la situation de Germaneau, s'il est encore en vie, est devenue encore plus précaire.

A moins qu'il ait été décidé – en raison de l'absence de «preuves de vie – que l'otage était déjà mort et que l'objectif n'était plus de le libérer mais de punir le groupe qui l'a enlevé ? Dans ce cas, il y a une certaine «rationalité» à l'opération. Il n'était pas en effet nécessaire d'avoir des informations pointues pour mener une opération purement punitive. Mais même dans cette hypothèse, le résultat n'est guère probant.




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