Algérie

Libéralisation de l'économie : L'aveu d'échec du gouvernement



Le gouvernement reconnaît que les lois commerciales sont déconnectées des évolutions de la société et des appareils de gouvernance.

Il reconnaît qu'il les a élaborées pour satisfaire les demandes de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce.

Dans une note relative à la défense des consommateurs contre les prix spéculatifs, le gouvernement avoue avoir fait tout faux à propos des lois et réglementations régissant les activités commerciales. Les mécanismes de soutien à la production économique en général ont été mis en place, écrit le Premier ministère dans ce qu'il a intitulé «Analyse et approche de redressement», dans le cours d'une libéralisation de l'économie de marché fondée sur une base doctrinale nouvelle uniquement pour répondre, comme il le reconnaît, «aux exigences de notre politique économique internationale». Une politique qui est, écrit-il, «déconnectée des évolutions réelles de notre société et nos appareils de gouvernance». Cet échec de la politique commerciale mise en oeuvre jusque-là a eu des conséquences désastreuses sur l'économie nationale, son commerce et sa production. Elle a en effet engendré «une prédominance des pratiques parasitaires, spéculatives et hors la loi, nourries par des retombées de la tragédie nationale d'une part et, d'autre part, par une indigence et un non engagement des mécanismes publics de contrôle et de régulation». C'est, est-il affirmé, «dans ce contexte que la régulation des activités commerciales a opté pour la concurrence et la libre détermination des prix». C'est surtout ce qui fait admettre au gouvernement que «chaque fois qu'ils sont interpellés par l'opinion publique, les pouvoirs publics réagissent en mettant en avant la liberté des prix, oubliant ainsi que leur devoir est de satisfaire les attentes légitimes de la société».

 Ceci étant dit, le gouvernement estime la réponse «en soi» exacte «au regard de nos lois pertinentes lesquelles ont été élaborées -disons le clairement- pour satisfaire d'abord les demandes de l'UE et de l'OMC». C'est ce qui l'a obligé à promulguer le 23 juillet 2004 la loi relative aux pratiques commerciales «fondée sur la liberté des prix». Une loi qui se limite, dit-il, «notamment à fixer l'obligation d'informer le client sur les prix appliqués (affichage) et à codifier ce qu'elle considère comme pratiques commerciales illicites (vente au rabais excessif, la vente concomitante...)».

Les limites et les incohérences des lois

 La loi sur la concurrence est aussi venue pour satisfaire des demandes étrangères. Promulguée le 19 juillet 2003, cette loi proclame clairement que «les prix sont libres et déterminés par la concurrence». Elle n'aura aucun effet sur le marché parce que, estime le gouvernement, «elle ne laissait aux pouvoirs publics que la possibilité de fixer les prix en cas de hausse excessive provoquée par une grave perturbation du marché, une calamité, des difficultés durables d'approvisionnement dans une zone d'activité géographique déterminée ou par des situations de monopoles naturels». Bien mieux, note-il encore, «ces mesures exceptionnelles ne seront valables que pour six mois». Sa recherche de solution à cette débandade dans les activités commerciales n'a pas été efficiente. L'amendement le 25 juin 2008 de la loi sur la concurrence n'a pas, avoue-t-il, «produit les effets attendus».

 Encore une fois, le gouvernement rata sa mission de faire face aux graves spéculations relevées sur le marché. Il n'en fera pas mieux quand il décidera le 25 février 2009 de promulguer la loi relative à la protection du consommateur qu'il a limité à «instaurer une protection du consommateur en matière d'hygiène et de salubrité des biens (...).» En mars et avril de la même année, éclata la crise de la pomme de terre suivie en juillet et août de «la flambée démentielle des prix des produits agricoles». Bouteflika réagit enfin et précisera lors du Conseil des ministres du 26 août 2009 que «j'entends qu'aucune règle de liberté de commerce ne soit évoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens». Le gouvernement l'écoute et lui propose des mesures décidées depuis de longues années mais qu'il n'a jamais mises en oeuvre. La réalisation de marchés régionaux, de gros et de détails, en est la première, suivie de «l'instauration d'une transparence dans l'économie agricole en lui imposant la déclaration des prix».

Procédures et contradictions bureaucratiques

 Il est aussi rappelé «la mise en place d'un lien entre les soutiens de l'Etat aux agriculteurs et l'application des prix justes sur les productions ainsi que leur implication plus directe dans la distribution de leurs productions». Il a été retenu pour les mêmes causes l'élargissement «rapide» des dispositifs de régulation du marché des produits agricoles, l'intervention publique (dès cette année) pour améliorer l'approvisionnement du marché à la veille des grandes périodes de spéculations sur la base de données que fourniront les départements de l'agriculture et du commerce. Mais, affirme le Premier ministère, «toutes ces mesures ne seront d'aucune portée en l'absence d'une révision fondamentale de la législation et de la réglementation assurant la régulation des activités commerciales».

 Le ministre du Commerce, qui a reconnu la défaillance des dispositifs de régulation et de contrôle du marché, s'est contenté de proposer l'amendement (encore un autre) de la loi sur la concurrence. Mais cette fois, il expliquera dans son exposé des motifs que la fixation des marges et des prix doit être faite «pour les produits agricoles par référence aux prix à la production, pour les produits industriels sur la base des prix sortie d'usine et pour les produits importés par référence aux cours mondiaux». La remarque du Premier ministère est que «cette proposition est appelée à s'enliser dans les procédures et contradictions bureaucratiques qui ont déjà mis en échec l'amendement de ce même article en juin 2008».

 Pour redresser la situation, Bouteflika exige en premier de «ne plus invoquer la liberté du commerce» et d'initier une action «en mesure d'imposer des pratiques commerciales loyales et de permettre de réprimer toutes les spéculations qui nuisent aux citoyens». Le gouvernement s'impose une précision essentiellement à l'attention des institutions internationales. «Il ne s'agit là ni de remettre en cause les règles du marché ni de revenir à un dirigisme étatique (...) ni enfin de démultiplier les subventions publiques aux prix des produits dont nous connaissons les coûts et les détournements de finalités». Pour ce faire, il annonce «une révision profonde et globale de la législation y afférente», qu'il qualifie «d'éparpillée en divers textes, faible dans ses mesures répressives, pour ne pas dire parfois incohérente». Il prévient que ce travail sera mené «durant toute l'année 2010». Il estime au passage qu'«il y a urgence à doter les pouvoirs publics d'une assise législative à même de permettre une lutte sévère contre les pratiques spéculatives et parasitaires dans le domaine du commerce».




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