Algérie

LFC-2018 : Bouteflika s'adjuge le beau rôle


La suppression des augmentations sur les documents biométriques, sur décision du chef de l'Etat, consolide la thèse d'un jeu de rôle au sommet de la hiérarchie institutionnelle.Depuis janvier 2018, le président Bouteflika est intervenu au moins à trois reprises, en dernière instance, pour remettre en cause des démarches, essentiellement économiques, engagées par le gouvernement Ouyahia. À l'entame de l'année, le Premier ministre donne une cadence accélérée au processus de privatisation des entreprises publiques en difficulté. Aussitôt, le chef de l'Etat conditionne l'ouverture du capital ou de cession d'actifs des entités publiques économiques par son accord préalable. Il annule, dans les mêmes formes, en mai dernier, une disposition introduite dans la première mouture de la loi de finances complémentaire pour 2018, attribuant des concessions agricoles à des investisseurs étrangers. Mardi, en Conseil des ministres, le président Bouteflika balaie d'un revers de la main, le relèvement des droits sur les documents biométriques, sans grande explication, d'ailleurs. Pourtant ces augmentations ont été défendues mordicus par le principal driver de l'Exécutif. Il les a justifiées par le coût de revient des documents administratifs, dans leur version électronique. La diffusion du communiqué sur le portail web du Premier ministère a suscité le courroux des citoyens, qui n'admettaient pas la surtaxation de documents, dont l'établissement relève du service public. Il n'en demeure pas moins que les augmentations proposées sont tellement exagérées (passeport entre 10 000 et 150 000 DA, carte grise à 20 000 DA, permis de conduire à 10 000 DA et carte nationale d'identité à 2 500 DA), qu'elles ne pouvaient être maintenues dans le projet à soumettre au Parlement sans provoquer un large mécontentement populaire. Une situation de trouble inopportune à quelques mois de l'élection présidentielle. La succession des faits conforte solidement la thèse d'un jeu de rôle au sommet des institutions de l'Etat. De l'homme aux décisions impopulaires, Ahmed Ouyahia se met dans la posture du mauvais commis de l'Etat, inlassablement recadré pour avoir mal compris ou mal exécuté les orientations reçues. En face, le chef de l'Etat apparaît sous le profil d'un bon samaritain ; le guide suprême qui veille aux intérêts du peuple. Dans ce qui ressemble à une mise en scène à effet marketing, le président Bouteflika joue le rôle parfait, à même de lui capitaliser la sympathie des citoyens, principalement les électeurs. Sauf que les Algériens ne sont pas dupes. Sur les réseaux sociaux comme dans les commentaires aux articles publiés sur le web, ils parlent de mascarade, de mauvais scénario, d'une issue prévisible... Il est, certes, difficile de croire que le gouvernement agit librement sans obtenir le feu vert du Palais d'El-Mouradia. D'ailleurs, les ministres autant que le Premier ministre, ne cessent de préciser, à chaque évènement public, que leurs actions sont entreprises conformément aux instructions du chef de l'Etat ; qu'ils appliquent exclusivement son programme. Il est aussi laborieux d'entrevoir l'éventualité que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, se démarque de cette ligne de conduite sans perdre ses fonctions à la tête du gouvernement. À la conférence de presse qu'il a animée en avril dernier, il a démontré clairement l'incongruité d'une pareille option. "Le Premier ministre est nommé par le président de la République. Il ne peut pas y avoir de conflit vu que le Président a une solution très simple : mettre fin aux fonctions du Premier ministre", a-t-il répondu à un journaliste. Une divergence de vue et de politique entre le président Bouteflika et son Premier ministre est inenvisageable. Il s'agirait forcément d'une relation dualiste à visées électoralistes. Une telle stratégie, construite sur des supposées erreurs du gouvernement corrigées par le premier magistrat du pays, trouble, toutefois davantage la visibilité des partenaires économiques et politiques sur les desseins des institutions de l'Etat.
Souhila Hammadi
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