Algérie

Leur nombre augmente de façon inquiétante



Des enfants passent les décharges au crible Au milieu des amas d’ordures qui s’élèvent sur plus de cinq mètres, des enfants fouinent comme des fourmis dans les dunes d’immondices, avec leurs gracieuses mains entachées de saletés et marquées des méchancetés parentales... Ils creusent dans le sillage de leur inno-cence à la recherche de matières récupérables, métaux, caoutchouc, cartons et verres. Dès potron-minet, après que les camions du service de nettoiement aient déchargé les bennes à ordures, Mohamed, Ali, Adnane, Yacine et Issam envahissent comme chaque matin les décharges publiques sauvages qui parasitent les paysages d’El Bahia. A celle d’El Kerma qui reçoit les ordures ménagères du grand Oran, ces enfants, accompagnés également par des adultes, vont à la quête d’un salaire amer dont ils ne bénéficieront pas. Effectivement, la plupart de ces enfants travaillent pour leurs familles. «Ce n’est pas moi qui encaisse l’argent de la vente. Mon rôle est de ramasser sans arrêt des matières récupérables et de les trier. Cependant, mon père (chômeur invétéré de son état) vient l’après-midi pour acheminer les matières vers des acheteurs potentiels incrustés à Chteïbo.» Quant à Ali, un Gavroche qu’on peut croiser dans les dédales des bidonvilles d’Oran, cigarette humide collée aux lèvres, malgré son jeune âge, il dit «qu’il a toujours travaillé à son compte mais il aide sa maman malade depuis quelque temps et il voudrait l’emmener chez un bon médecin privé Inchallah», déclare-t-il. Ses quatre frères plus âgés que lui ne vont plus à la décharge et se sont reconvertis en manœuvre, maçon ou dealer. Il nous montre son trésor du jour, un déchargement de chaises et tables en plastique usées qu’un privé a abandonné ce matin à El Kerma. «C’est moi qui ai trouvé ce déchargement, le premier, il m’appartient. Je ne vais pas trop fouiner aujourd’hui car la cargaison va m’apporter au moins 500 da», déclare-t-il avec arrogance. D’autres enfants, tête baissée et les mains dans un tas d’ordures, ramassent des flacons de médicaments périmés, à la décharge publique de Aïn El-Türck, au milieu d’un troupeau de vaches laitières. Des aiguilles de seringues usitées menacent de leurs dards venimeux ces enfants inconscients du risque qu’ils encourent. Les petites fioles de médicaments injectables sont très demandées à Medina Jedida et partout, c’est pour mettre du khôl ou autres matières parapharmaceutiques, apprend-on auprès de ces enfants. Issam fait également dans la récupération du plastique, dans la décharge d’El Ançor. Rien ne lui échappe : gobelets, bouteilles, caissons, emballages et même des seringues... font partie de son lot du jour. Il nous racontera presque la même histoire du père tyrannique et de la mère partagée entre ses sept enfants et la liberté sans limites dont il jouit avec fierté. «Il faut que je navigue pour subvenir à mes besoins, sinon je ne pourrais pas manger et avoir un téléphone avec appareil photo», objet qu’il exhibera avec fierté. Il nous raconta également ces aventures matinales à la Pêcherie lorsqu’il attendait le retour des chalutiers avec son cousin habitant le quartier de Sidi El-Houari pour récupérer les sardines écrasées qui s’accrochent aux filets. C’était au temps où il a définitivement quitté l’école pour travailler. Sa maman l’a emmené chez sa tante pour qu’il travaille à la Pêcherie avec ses cousins. Mes cousins sont connus au Port. Ils imposent leur loi et personne ne se hasarde à les confronter, déclare-t-il. A 13 ans à peine, Issam a déjà fait plus de 5 métiers: vendeur de cacahuètes et de cigarettes dans des bars, la pêcherie, ouvrier dans un atelier de menuiserie pour enfin travailler à son compte dans la décharge. La concurrence est coriace entre les enfants des décharges. Les rixes pour les territoires et pour le plus banal des objets sont un courrier durable. La plupart sont armés de couteaux et de colère quand il s’agit de protéger son territoire et son intégrité physique. Les responsables se justifient par le fait que cela est juste un avatar infime d’une mutation sociale et politique vers le libéralisme. La liberté citoyenne y reste pour autant otage. Benachour M.


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