Monsieur le
Président,A travers sa réponse à ma lettre ouverte que je vous ai adressée le
13 avril 2010, le peuple manifeste de plus en plus ses sentiments avec un
immense mécontentement aussi intense que légitime. Malgré mon éloignement, je
traduis, en clair, une colère qui s'exprime contre l'injustice et les abus.
A vrai dire, je suis consterné à la lecture
de tout ce qui se dit de notre pays, de nos gouvernants. Nous sommes face aux
aléas d'une détérioration du milieu politique, situation préoccupante
conduisant à des divisions du peuple. Un désastre économique et social, des
événements fâcheux et douloureux, une bonne partie de la population au seuil de
la pauvreté, avec beaucoup de peine à subsister, l'insouciance de la misère
sociale, les maladies, l'épuisement et les drames, les sévices, l'impunité et
l'injustice. Un système éducatif sans performance, déstabilisé par le
changement de l'enseignement d'un faible mérite. La valeur et la noblesse des
médecins et des professionnels de la santé qui sont réduits à soulever des banderoles
dans les rues pour réclamer leurs dus, et j'en passe …
Je ressens les
cris de colère du peuple face à la désinvolture, blessé dans son amour-propre,
saigné à blanc, je ne le sens pas apte pour une conciliation sans accord des
concessions légitimes de ses droits de liberté et de souveraineté. Il raconte
ses souffrances avec une grande exaspération, il est dans un emportement
violent qui se traduit par de l'agressivité. Je le sens perdu, égaré,
incompris, trop de brouille dans sa tête, abandonné, il ne sait plus quel
comportement adopter vis-à-vis de l'incompréhension et du tiraillement, des
malentendus et de la méconnaissance. Pris dans ce tourbillon d'inquiétudes, il
demande avec insistance une réponse à cela.
Comme vous le savez si bien, Monsieur le
Président, cet emportement ne changera pas tant que le système en place
n'évolue pas d'un état de chose à un autre. Rendre envisageable l'apparition
d'un Etat de droit, avec une gestion efficiente et transparente, est un passage
impératif pour rétablir la confiance. Cela demande de la vaillance, le respect
des convenances et de l'innovation.
Je l'ai déjà dit dans ma première lettre,
changer un Ministre ou un Directeur Général d'une envergure comme Sonatrach,
par exemple, ne règle pas le problème des événements passés, les faits présents
et l'évolution de notre société dans le futur. Il faut un nouveau souffle de
liberté, entier et agissant, pour se donner un aspect nouveau, et de rendre
différent. Un Etat avec un pouvoir d'agir selon sa volonté est une autorité
avec une force morale face aux épreuves, au danger et la souffrance.
C'est-à-dire une gouvernance avec la capacité d'imaginer une politique
rationnelle et l'audace pour changer avec intelligence.
Toute la difficulté réside dans ce changement.
Comment modifier cet ensemble d'éléments du régime actuel ?
Comment passer d'une idéologie consciente
appartenant à une classe sociale et d'une époque qui a constitué une doctrine
d'influence sur le peuple, à l'endroit des principes liés à une politique
stabilisatrice et humaniste ?
Comment métamorphoser ce concept qui a
illusionné, pendant plusieurs décades le peuple, pour son propre et unique
bénéfice ?
Comment faire
pour ne pas retomber dans l'erreur fâcheuse et grave, face à une immoralité
fatale, bestiale, capable, une autre fois encore, de faire couler le sang des
Algériens ?
Sommes-nous un peuple maudit, condamné à la
souffrance et frappé de tous les maux ? C'est un supplice qui fait souffrir et
empoisonne la vie des couches les plus vulnérables. Combien de conjonctures
désastreuses depuis 1962 ont été à l'origine de l'endeuillement du peuple
Algérien ? Et on persévère dans cette voie, chacun tire de son côté. Chaque âge
trace sa marque à sa manière. L'adolescence raffole des faits importants, et
l'antiquité change de direction par la présence d'un obstacle. L'Etat continue
à faire des siennes selon son désir et ses intérêts, et nous, on s'acharne, à
interpréter, et, l'automate fait du surplace, avec un régime qui ne répond pas
aux règles de logique.
Monsieur le Président, vous et moi, nous
sommes opérants, et cela, sans aucune grandeur de notre part. Nous ne nous
connaissons pas, mais chacun de nous a une mission à atteindre. Vous, vous avez
pris la responsabilité pour servir et défendre le peuple. Moi, j'ai décidé de
poursuivre mon action volontariste sans relâche, par mes écrits, dans le
respect et la correction, jusqu'à ce que le peuple soit convaincu de votre
légitimité et satisfait par la raison et le travail.
Monsieur le
Président, la Nation aspire à la paix dans un espace de liberté et de justice.
Et seule l'émergence au sein de nos Institutions d'une élite moderne, éclairée,
ouverte aux nouveautés et consciente du poids de la complexité, serait à même
de reconstruire une société nouvelle, en déterminant la voie à suivre par
l'expérience, l'enseignement et la faculté de juger.
Avec l'aptitude de prendre des décisions
pertinentes et réfléchies, éloignées des prises d'initiatives hâtives. Qu'il
soit Ministre, Wali ou Ambassadeur, il doit être désintéressé et sans parti
pris, qui exercera avec droiture. Un Monsieur chevronné. Toujours recherché, le
plus habile de nous tous, qui dirigera son espace professionnel avec adresse,
intelligence et bon sens et qui impulsera une dynamique à son équipe. D'une
maturité suffisante, une énergie pour l'intérêt général, la cohésion sociale et
la croissance de l'économie.
Tant que vous êtes à la tête de notre pays,
vous avez le devoir de donner toutes les possibilités pour que notre peuple se
revalorise dans la bonté avec compréhension, avec bienveillance et dans
l'excellence. Pieds et mains liés, chacun le tire de son côté pour l'opposer.
L'acculer à s'agiter. Chef d'Etat que vous êtes, vous devez le protéger contre
cette absence de lumière, le désencombrer de cette obscurité épaisse et
profonde qui l'oppresse.
Notre peuple aspire à un nouvel espace vital,
les portes d'une Ère nouvelle pour construire son pays. Une spiritualité saine
qui lui permettra de discerner ce qui est bon pour lui de ce qui ne l'est pas.
Un caractère éminemment sociable, animé par une puissante passion pour un
véritable réalisme et de bon sens. Avec la bénédiction de Dieu, il énoncera son
rayonnement spontané avec respect. Même après les plus grands et les plus pires
des événements aux conséquences désastreuses, il saura se parfaire et s'élever
vers le haut. Il se prendra en charge avec dignité et civilité.
Aujourd'hui,
notre jeunesse semble se détourner des régimes anciens, elle considère que le
système antérieur ou actuel est une anarchie, un désordre politique. La
désignation de la jeunesse comme dangereuse et inquiétante est un signe de
sénescence de l'Etat, qui prouve qu'elle a peur de son printemps.
L'Algérie, sans
sa jeunesse, n'est pas une Nation, nous devons évaluer l'importance de ce
commun, apprécier cette étoile favorable à sa juste valeur. Notre jeunesse est
une puissance qui peut fournir beaucoup d'énergie et qui possède une grande
force morale. Elle souffre de l'indifférence et de l'insensibilité, nous la
négligeons, nous avons tort. Elle est capable de hisser notre pays à un niveau
dont l'accès est difficile à aborder ou à comprendre par nous, ancienne
génération. C'est un potentiel qui réglerait le cours des événements à venir
pour notre futur.
L'Etat a la contrainte morale de concevoir un
univers ambiant, un environnement corporatif à l'égard de la jeunesse,
accessible à l'ensemble du capital humain. La candeur et les bonnes intentions,
alors, occuperont une place originale dans notre espace avec empressement.
C'est un mouvement de satisfaction du désir de perspective vers l'avenir.
Notre solidarité est attachée à la richesse
de sa communication
Nous avons fait
beaucoup de mal à notre terre natale, beaucoup de sang de nos semblables a
coulé et que nous piétinons sans regret. Un million et demi ont perdu leur vie
pour que leurs sÅ“urs et frères vivent libres sans injonction et avec dignité.
Ce collectif est mort avec le sourire aux
lèvres, avec des pensées qui suscitent l'admiration morale. Il a cessé de vivre
avec la foi d'avoir laissé, derrière lui, des femmes et des hommes libres sur
la terre de leur ascendance. Il a disparu serein et satisfait avec la paix de
Dieu, et avec la sensation qu'il a pris, sur son chemin, toute la souffrance et
la tristesse de son peuple. Il est parti sécurisé avec l'idée que ses
semblables vivront en harmonie, heureux, ensemble, tournés vers l'avenir, avec
les mêmes élans de sincérité, empreints d'humanité et surtout une générosité
sans faiblesse.
Mais voilà que nous le dérangeons dans son
sommeil profond et éternel. Il réagit très mal aux crimes que nous avons commis
et que nous continuons à commettre, en nous entretuons sans aucune pitié, sans
cÅ“ur, sans peur, sans honte, sans foi ni loi. Ce phénomène ne s'est pas limité
à destituer la population de ses besoins primaires, il s'est arrogé le droit
d'ôter la vie.
Cette pression dictée par le mal, cet
accroissement de la brutalité physique et morale pour différents motifs
provoquent de la douleur et de la peine à la population. On refuse tout
comportement évolutif de conscience. Il n'y a aucun résultat concret vers la
transformation des actes, alors, de quelle manière et par quel moyen acquérir
le sens de l'humanisme dans un espace dégradé par les conflits et le
développement de l'iniquité ?
Dans ce contexte tumultueux, de refus et
d'incapacité de comprendre les autres, nous devons faire très attention, agir
avec prudence, être vigilant, car nos paroles sont irritantes et nos actes
lourds de conséquences sur les personnes. Face à ce désarroi, la foi de notre
peuple est exposée sans arrêt à la déviation, hantée par la haine. Une
circonstance qui affecte la vue et la conscience. Gare à la punition divine !
Nous devons tous, à chaque instant, prier pour ne plus voir les corps de nos
compatriotes allongés dans nos rues.
Tout en m'adressant à vous, Monsieur le
Président, je m' adresse également aux partis politiques, aux organisations de
masse et à tous les mouvements de la société civile à l'effet d'enflammer
l'imagination de nos concitoyens pour un engagement en faveur du respect des
valeurs morales.
Pour cela, il faut que le collectif dirigeant
et le collectif mandaté du peuple aient cette passion profonde, cette volonté
imprégnée d'espoir et d'humanisme pour voir vivre l'ensemble de la population
paisiblement. Une bonté d'une telle pensée et une action de ce niveau de
qualité déclencheront l'actualisation d'un idéal.
Cette grandeur ne nous empêchera pas de
manifester notre crise de colère et de dénoncer la manière de diriger notre
pays. Les délégués du peuple ont l'obligation aussi de se concerter ensemble et
d'exposer la problématique, toujours ensemble, dans la tranquillité et sans
agitation, sans angoisser le peuple. Uni, le dialogue est possible, groupé et
avec ténacité, le résultat est envisageable.
Citoyens que nous
sommes, de la même patrie, notre choix à cette vérité est un acte responsable,
lucide et perspicace. C'est un impératif auquel il faut y croire avec force.
Nous ne devons pas créer un malaise dans notre lien de solidarité. Nous devons
grandir, au-delà de cet état de fait, dans le respect de nos usages.
Nous devons, tous ensemble, développer une
qualité de sentiment et de réaction de notre intérieur, agir sur nous-mêmes,
avec conscience et sérénité, par ce lien moral qui nous unit, cette expression
solidaire, une relation entre semblables d'un même ciel, conforme à la vérité
pour construire l'avenir des générations futures. Un défi urgent à relever par
un engagement commun afin d'extirper, de notre esprit et de notre cœur, la
peur, la violence, le désespoir et la souffrance pour notre quiétude.
La coexistence sans violence pour notre
peuple est capitale. Une capacité d'agir et d'écoute pour le regroupement de
notre diversité, source de stabilité et de cohésion pour un équilibre constant
de notre Nation. C'est un apaisement moral qui communiquera un potentiel plein
de vitalité.
Je sais qu'au sein de notre population, il y
a des collectifs qui oeuvrent tous les jours et sans répit pour rendre la vie
meilleure à nos concitoyens et croient avec fermeté qu'autre chose est possible
dans un proche avenir pour notre pays. Ce sont des femmes et des hommes issus
de différentes sensibilités et de couches sociales qui cherchent une conduite
de collaboration pour l'apaisement et la non-violence.
Rester immobile et/ou régresser n'est pas
salutaire. Nous devons affirmer notre bienveillance et notre prépondérance en
conformité avec nos règles de valeurs, pour reprendre le chemin de la
fraternité. Par la force de circonstances malheureuses, cela est devenu une
compétition compliquée qui nécessite un ensemble de règles de conduite
exclusive, avec une forte volonté tenace.
L'accès qui nous
conduira pour atteindre ce but est, sans équivoque, parsemé d'embûches, de
contrariétés et d'épreuves… Mais nous devons poursuivre l'action sans relâche
de l'entente, de cette dépendance mutuelle, de ce sentiment humanitaire
d'appartenance à une population unie pour la liberté et la légalité, formée par
le désir de vivre les uns avec les autres dans la dignité et le droit. Ce n'est
que de cette manière que le peuplement pourra faire face dans des cas de
tragédies graves.
Monsieur le Président, la foule est en manque
de ce qu'elle considère comme nécessaire. Elle a d'abord le désir immodéré de
discerner son histoire, de manifester ses pensées, et, en même temps, elle veut
se libérer de son désarroi et de la perte d'espérance par la droiture et la
probité de ses gouvernants.
L'adoption d'une attitude spontanée et
naturelle dans les rapports est nécessaire. L'authenticité dans les débats et
les discours est requise. La dimension et l'adresse d'un franc-parler ainsi que
la considération à l'écoute sont réclamées. Le peuple a besoin de ce
comportement correct pour se protéger à l'encontre de fourberies dans un espace
de conduite sociale conforme à nos traditions et coutumes.
Le peuple a
besoin de se sentir apprécié, valorisé et faire partie intégrante de la société
pour vivre sa vie. Hélas, à cause de vérités évidentes, il continue de survivre
dans les agitations du système. Il constate la transgression,
l'irresponsabilité et les divergences. Dans ce contexte, l'Etat a l'obligation
d'inculquer à la population la mesure de la grandeur de l'espérance ; de
communiquer une vision stabilisatrice, apprécier avec justesse et clairvoyance,
par une action d'une bonne politique qui sera le berceau d'une structure
d'existence de la destinée de la Nation.
Confus et
incommodé mais pas découragé. A l'inverse, je suis hanté par l'attente
confiante que mon pays a un horizon prometteur et le peuple, dans un élan de
sentiment de fierté, contribuera par sa sagesse à l'apaisement, par sa maturité
à la compréhension et par son dynamisme au développement. Tout compte fait, mes
compatriotes forment un peuple noble qui suscite l'admiration.
Monsieur le
Président, la grandeur repose sur la générosité, la droiture, la fraternité et
le respect du droit d'autrui.
Avec mon profond
respect et mon respectueux dévouement, je vous prie d'agréer, Monsieur le
Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
* Ancien
Vice-Président du Conseil National Economique et Social
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Posté Le : 13/05/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed HAMIDA *
Source : www.lequotidien-oran.com