Algérie

Lettre ouverte au directeur général de l?ENTV



« Les Attila du ciseau » Le réalisateur Mohamed Ifticène est ulcéré par l?amputation de scènes de son film à la télévision. La Télévision algérienne a diffusé, en date du 2 juillet 2007, mon film, les Enfants du soleil, amputé de scènes importantes qui ont totalement dénaturé son sens et sa narration. Je vous avais pourtant mis en garde par écrit, en 2002, contre ces pratiques d?un autre âge, de vos services de programmation qui ont rediffusé quelques-uns de mes films, notamment, Jalti, les Marchands de rêves, les Rameaux de feu, les Enfants du soleil, censurés, mutilés et amputés de dix à vingt minutes chacun. Je me vois donc, contraint et forcé, de vous interpeller par voie de presse pour vous rappeler à votre devoir de conscience et de protection des ?uvres du patrimoine audiovisuel national. A l?autocensure douloureuse que s?infligent les réalisateurs, voilà que vos services y ajoutent, certainement sur recommandation, la censure « morale » la plus abjecte et la plus rétrograde qui soit. Couper des scènes de films où on voit des filles en maillot de bain, un couple se tenir par la main, des personnages buvant du vin (en 1945 !) ou, comble de l?ignominie, des bénédictines soignant une malade à La Casbah d?Alger en 1946) relève d?une grave arriération mentale et culturelle ! Ces scènes de la vie quotidienne n?ont pas échappé au sadisme des « Attila » du ciseau ! Imaginez, un instant, ces censeurs rentrant chez eux, le soir, et dire fièrement à leur femme ou à leur mari : « J?ai bien travaillé, aujourd?hui, j?ai coupé beaucoup d?images ! » Remplacez le mot ? images ? par le mot?têtes (cela s?est déjà produit, hélas) et nous revoilà en pays taliban ! Je ne sais pas si vous mesurez ma colère et mon dégoût de voir à chaque fois, triturer, massacrer les films et bafouer mes droits moraux d?auteur par une chaîne de Télévision où j?ai passé 25 ans de ma vie ! Je crois que la place de vos censeurs est chez les « talibans » et non pas à la Télévision, institution moderne par définition. Je passe sur l?irrespect et le mépris qu?ils affichent pour le travail, les sacrifices et les souffrances de tous ceux qui ont participé à la production de mes films. Dans ma lettre de 2002, je vous conjurais de ne pas diffuser mes films, ainsi tronqués et dénaturés. C?est mon droit légitime de refuser leur diffusion dans ces conditions. Vous n?avez pas accordé le moindre intérêt à ma demande. Ces films, et vous le savez bien, ont été diffusés dans le respect de leur intégrité avant votre nomination à l?ENTV. Vous savez aussi, qu?ils ont raflé beaucoup de prix dans les festivals des télévisions arabes et autres manifestations. Mais là n?est pas la question. Le plus important est de vous rappeler au respect des ?uvres audiovisuelles et des droits de leurs créateurs. Reprenez-vous ! II ne sert à rien de flatter la bête intégriste dans le sens du poil en passant nos films sous les fourches caudines de la censure bête et méchante. A force de vouloir plaire aux obscurantistes, on finit par perdre son âme. Dans les pays de droit, l?atteinte à l?intégrité d?une ?uvre culturelle entraîne, en cas de procès, une condamnation très lourde du diffuseur ou de l?éditeur coupable d?une telle infamie. Je suis vraiment effaré par la régression que connaît l?ENTV qui censure l?image d?une fille en maillot de bain dans un film algérien, mais la conserve quand il s?agit d?un film étranger ! Complexe, dites-vous ? Malheureusement, le mépris mutuel est la chose la mieux partagée entre algériens. Le comble du paradoxe dans tout ça est que l?ENTV cherche à produire des émissions de télé-réalité ! Ces émissions poubelles sont-elles compatibles avec la morale et les m?urs algériennes ? A vouloir faire de la télévision algérienne, une pâle copie des chaînes commerciales, soumises aux seules lois du fric, de l?audiotel et de la publicité, on l?éloigne considérablement de sa mission de service public. Alors, pour la dernière fois, je vous dis solennellement : « pas touche » à l?intégrité de mes films (de nos films) dont j?ignore, au demeurant, ce que sont devenus les négatifs argentiques et les originaux. De grâce, n?ajoutons pas à l?affligeante médiocrité des programmes de l?ENTV, le massacre des films de la glorieuse RTA (patrimoine et mémoire), qui ont honoré l?audiovisuel algérien partout où ils ont été projetés et diffusés. Mohamed Ifticène, réalisateur


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)