Algérie

Lettre ouverte



Symptomatique des tumultes qui traversent la société, le courrier des lecteurs publié dans la presse est à lui tout seul comme un média tranchant dans le vif pour faire remonter à la surface, par des mots souvent sobres et dignes, le trop-plein de ce que les laissés pour compte et plus généralement les citoyens exclus de la justice subissent. Dans cela des lettres ouvertes, payantes en encart de pub ou non, disent dans un indicible désespoir, sobrement et dignement, une violence contenue contre la suprême injure administrée par les représentants de notre nouvelle Nomenklatura. L?une d?elles justement cette semaine - un quart de page payant de quotidien, perdu dans un fouillis d?annonces -, pointe les frasques toujours actuelles d?un ancien mouhafedh du FLN dont le nouveau Secrétaire général nous assure de la salvatrice nouvelle qu?il « n?ira pas au musée, et ne deviendra pas un musée. » Des cadres (médecins, ingénieurs, enseignants) regroupés en coopérative immobilière et signataires de la missive, adressée au chef de l?Etat, y racontent les affres que leur fait subir l?ancien manitou du Parti. « Jouissant d?un immeuble de six étages à lui tout seul, écrivent-ils, il empêche trente familles de bâtir des « nids » pour leurs enfants par leurs propres moyens. Les jugements rendus ont été à chaque fois en notre faveur, à savoir des amendes et des peines de prison avec sursis relevant du pénal. » A côté de ces justiciables, essorés de leurs salaires des années durant par une nébuleuse d?officiants de la justice (avocats, juges, huissiers, détenteurs d?un cachet de l?Administration, etc.), combien de petites gens interdites de cet ultime recours - même si c?est un exorcisme - de pointer le doigt sur la source identifiée de la hogra ? Le journaliste et directeur du Matin, Mohamed Benchicou, incarcéré abusivement depuis le 14 juin 2004, n?a pas écrit de lettre de repentir amnistiante, a témoigné récemment son épouse dans la presse. Pour lui, en lettre ouverte, ces mots fleur de basilic du romancier égyptien Sonallah Ibrahim (Etoile d?août, Ed. Sindbad), frappé par l?inquisition et la prison sous Nasser : « Le vacarme du quartier s?estompe de proche en proche, jusqu?au silence complet. Nous nous asseyons alors par terre, adossés au mur glacé, suivant avec attention, à travers les barreaux de la petite lucarne, la lumière du crépuscule qui disparaît bientôt. La nuit vient ensuite, longue, interminable, mais seule échappatoire aux mauvaises surprises de la journée. »


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