Algérie

LETTRE DE PROVINCE Nouveaux partis : une concession tardive


LETTRE DE PROVINCE Nouveaux partis : une concession tardive
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
C'est par charrettes entières que l'on se met, dorénavant, à accorder des autorisations «d'existence» aux partis politiques. Au dernier décompte, ils seraient 17 à bénéficier du sésame conditionnel que le ministère de l'Intérieur gère selon la météo sociale et les soucis conjoncturels du régime. Il n'y a pas si longtemps, c'est-à-dire quelques mois en arrière, c'était le même grand commis du régime, Ould Kablia pour ne pas le nommer, qui opposait un niet catégorique aux sollicitations de quelques impétrants désireux de participer aux scrutins de 2012.
Et puis soudain son département tourne casaque et change de stratégie en ouvrant la vanne généreuse des accréditations à tous ceux qui le souhaitent. Or, ces facilitations administratives qui surviennent à ce moment précis, alors que rien de notoire dans le comportement politique du pouvoir ne justifie, mettent plutôt en relief le sens de l'esbroufe de celui-ci, quoiqu'il s'efforce de rassurer sur sa bonne volonté. Celle que l'on pourrait traduire par sa conversion aux vertus du multipartisme. Après bien des années, marquées d'ailleurs par trois mandatures présidentielles, qui peut un instant croire en la sincérité d'une pareille démarche qui ne ressemble guère à ce qu'il a toujours prôné et pratiqué ' En réalité, l'on est dans la tactique politicienne qui consiste insidieusement à administrer sa propre vérité ancienne en inversant simplement les termes de la vieille polémique. Autrement dit, le régime actuel n'a pas varié d'un iota sur le sujet du pluralisme de même qu'il n'est pas en train de s'amender. Seulement il s'offre une nouvelle perspective pour toujours prouver que la démultiplication des appareils est une source de désordre à tous points de vue. Durant 12 années, il imposa un numérus clausus qui interdisait l'émergence de nouveaux courants par le seul fait du prince et en contradiction avec la Constitution. Maintenant, il agit à l'inverse en livrant à l'inévitable humiliation des urnes un confetti de partis à peine sortis des limbes. Et cela pour démontrer qu'il a toujours eu foncièrement raison de tuteurer l'exercice des libertés publiques par souci pédagogique ! Sans doute aucun, sa volonté de recadrer le déploiement des libertés politiques, au prétexte de rendre plus perceptible et plus crédible cette démocratie de façade, n'a servi, in fine, que ses propres desseins. C'est-à-dire ceux qui visaient sa pérennité par la disqualification brutale et sans justification de la moindre confrontation idéologique à ses propres projets. Laquelle a abouti, comme on le sait, à la clochardisation d'un Parlement peuplé de hochets. Qu'aujourd'hui il emprunte le chemin inverse en assignant à qui le désire de postuler à la qualité de chapelle ne le rapproche pas des bons scrupules de la démocratie. Il en ferait plutôt un fossoyeur de première classe de celle-ci. Car ce n'est plus à un régime, dont le lien avec le pays réel n'existe plus, de dicter, à travers ce genre d'artifice, la bonne thérapie en matière de libertés publiques. En effet, dès 1990 les élites se sont très tôt préoccupées du bourgeonnement excessif des partis et son impact négatif sur l'éducation démocratique de l'électeur. Progressivement, le questionnement relatif à cette inséparabilité de la démocratie et des partis suscita beaucoup de malentendus dont le pouvoir actuel profita pour faire le ménage à son profit exclusif. Or, la persistance de ce type de quiproquo continue à desservir profondément la vocation même du politique puisqu'il contribue à éloigner l'opinion du vrai débat et discrédite, par voie de conséquence, l'arbitrage électoral, fût-il transparent celui-ci. Disons-le sans précaution de langage : trop de partis altère le bon entendement et brouille l'idée que l'on doit se faire d'une citoyenneté maîtresse de ses choix. Lorsqu'ils n'ont aucun ancrage social et ne sont porteurs d'aucune doctrine novatrice, certains partis peuvent ressembler, effectivement, à la mauvaise monnaie, celle qui chasse toujours la bonne. Aussi bien par leurs indifférenciations idéologiques que par leur invisibilité sur le terrain du militantisme, ils constituent à la fois une pollution pour la promotion de la démocratie et un alibi dans la rhétorique censitaire du pouvoir. Car contester leur validité de circonstance n'est, paradoxalement, pas aller à contre-courant du véritable combat pour les libertés publiques mais seulement désavouer par anticipation les arrière-pensées du régime qui en fera des pâtures par sa propagande. Cela dit, posons donc des questions simples à ce nouveau panel d'heureux lauréats. D'où tiennent-ils leurs certitudes qu'ils pourraient réellement peser dans le prochain scrutin et même dans le suivant lors des élections locales ' De quels moyens matériels peuvent-ils se prévaloir et de combien de temps d'audience dans les médias vont-ils bénéficier ' A quels types d'électeurs virtuels s'identifient- ils ' Et quel sera le contenu original de leurs messages ' A l'abri de tout procès d'intention à leur encontre, l'opinion attend cependant des réponses à ce questionnaire lorsqu'ils seront définitivement admis à la table du jeu où le maître du bluff est connu. Celui qui a toujours promis de raser gratis les lendemains de vote.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)