Algérie

LETTRE DE PROVINCE Logement : du bidonville au désastre urbain



LETTRE DE PROVINCE Logement : du bidonville au désastre urbain
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Chômage et logement sont les deux plaies du pays sur lesquelles la contestation sociale ne cesse de s'amplifier au fur et à mesure que sont mises en lumière les scandaleuses révélations de la corruption dans l'appareil d'Etat.
Un peu partout, les manifestations de colère se sont emparées de ces solides arguments pour faire le procès du pouvoir qui leur paraît non seulement injuste dans sa manière de répondre à leurs besoins mais surtout soupçonnent la totalité de ses représentants (chefs de daïra, walis et bien sûr ministres) de profiter de leurs pouvoirs discrétionnaires pour alimenter les réseaux de la prédation. Les chômeurs de Ouargla tout autant que les demandeurs de logement de Constantine ne se plaignent-ils pas, en effet, dans les mêmes termes lorsqu'ils observent des sit-in devant les édifices officiels ' C'est que les détresses, quelles que soient leurs origines, savent à qui les imputer. Violemment, elles s'en prennent à la puissance publique à l'encontre de laquelle elles délivrent chaque fois un chapelet de reproches sans nuances. Et c'est notamment le cas de ces explosions sociales consécutives à l'attribution de logements. Car, si pas une ville ni bourgade ne sont plus à l'abri de cette violence cyclique, c'est que le pays compte toujours ses SDF en dizaines de milliers malgré les tapageuses promesses du passé récent. Terrible désenchantement de ces strates de la société que l'on a fait patienter durant dix ans en vain et qui le font savoir en occupant la rue. Bien moins qu'un chagrin collectif qui s'affiche sur la place publique, c'est surtout un sursaut de dignité que l'Etat continue à bafouer et qui, pour certains, aboutit au suicide. C'est l'insoutenable sentiment de rabaissement moral que cette multitude de gens dénoncent chaque fois qu'ils défilent sous les fenêtres de l'administration. Ah ! Cet insupportable spectacle des déclassés sociaux exclus des bénéfices d'une politique de logement à loyer modéré et dans le même temps sans moyens pour accéder à un toit auprès de la grande spéculation immobilière. Celle qui est parvenue à faire main basse sur les villes et a réussi à détourner le parc immobilier de l'Etat à son profit. Regardez-les donc ces salariés coincés entre le double SMIC et les grandes fortunes. Ils ne sont clients solvables nulle part. Eux qui se retrouvent à plaider leur hypothétique «éligibilité» au logement social alors que la spéculation informelle agit en amont en rachetant à coups de «pas de porte» les appartements attribués. Signe des temps, ce sont généralement les franges sociales paisibles souvent laborieuses et certainement inaptes aux techniques de l'entregent débouchant sur la petite corruption qui forment la cohorte des exclus. Ouvriers hautement qualifiés, fonctionnaires au-dessus de tout soupçon, cadres d'entreprises en début de carrière ou trentenaires vivant en couple, tous ont en commun le peu gratifiant statut d'être inclassables. Comprenez par là qu'ils ne sont ni un paramètre social, selon le catalogue de la «solidarité» version régime, ni la bonne clientèle «politique » qui doit être choyée afin qu'elle devienne une masse de manœuvre. En clair, ils n'intéressent guère les stratèges de la prédation que celle-ci soit financière ou électorale. N'étant pas les bonnes pépinières des allégeances, elles sont de fait ignorées du travail de saupoudrage politique local en vue d'élargir la base sociale des régimes. Tant il est vrai que la politique du logement obéit moins aux critères de justice qu'aux relais claniques, si nécessaires à de multiples usages. A l'ombre de l'Etat, le droit au logement s'est décliné, à toutes les époques d'ailleurs, sur le principe de la transaction clientéliste quand il n'est pas trivialement détourné à des fins d'enrichissement personnel. Anecdotiquement, toutes les provinces ont, à ce jour, le loisir de raconter avec dérision la manière dont certaines chefferies locales sont parvenues à améliorer leur standing de vie. Celle par exemple de troquer un arrêté d'attribution contre une voiture-cadeau ! Mais la sophistication de ce procédé d'enrichissement se situe à un autre palier où le trafic d'influence s'est «industrialisé » à partir du moment où la prérogative des listes fut réaffectée aux «élus» dont on devine la nature de leurs appétits. A cela s'est rajoutée l'improbable «idéologie» de l'éradication des bidonvilles par le relogement systématique. Par son caractère populiste et surtout par l'absence de courage politique des pouvoirs, l'approche de la problématique des villes a même donné un coup d'accélérateur au flux migratoire des populations rurales vers la périphérie des cités. Or, dès l'instant où ce crédo devint une priorité, les multiples segments de la population urbaine en place furent écartés alors qu'ils présentaient les meilleures garanties de solvabilité et d'insertion. Cette stratégie dont la rationalité est loin d'être évidente ne condamne-t-elle pas l'Etat par anticipation ' A travers ces villes tentaculaires, dont les plans d'urbanisme sont inexistants et au mieux approximatifs, l'Algérie est en train de perdre à long terme la dimension humaine des cadres de vie et, dans l'immédiat, d'alimenter financièrement un tonneau des Danaïdes. Dès lors que les bidonvilles surgissent bien plus vite que les polygones baptisés «nouvelles villes», cette manière de combattre la précarité estelle encore la bonne ' B. H.


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